.Chapitre 41 : Sorcière, destin et avenir

32 6 2
                                    







Quelques jours sont passés depuis l'entrevue avec les loups mécontents. La Cabane commence à devenir un peu trop étroite pour tant de créatures. César, au plafond. Les araignées, dans les poutres et au fond de l'unique pièce biscornue. Mes ingrédients, plantes, fioles et organes flottant dans l'huile, sur de longues étagères de travers, devant le domicile de mes précieux arachnides. Lucas, dans et derrière la bibliothèque qui déborde. Esméralda, sous mon bureau et devant les étagères. Charlotte-Aimée devant la bibliothèque avec Lucas et dans mes pattes avec Esméralda. Lewis, au milieu de la pièce, posé comme une plante en pot. Une plante en pot que je commence à trouver fort sympathique. Elle apporte une touche de blanc immaculée, de roux feu et de noir profond assorti à mes habits, dans une poussiéreuse atmosphère grise et jaunasse où toutes les couleurs se sont délavées depuis longtemps.

« Quousque tandem abutere, Carlota-Amata, patienta nostra ? se plaint César en jetant un regard furieux au démon-petite-fille qui s'amuse, assise en tailleur sous la table, entre une pile de feuilles volante et ma collection de dents, à piéger la biquette pour qu'elle se prenne un mur.

Ma chouette a un peu de mal avec la nouvelle venue depuis que celle-ci a tiré sur sa queue et en a décroché une plume. Personnellement, je trouve ce geste tout à fait mérité tant le volatil est imbu de lui-même. Devoir se montrer avec un croupion nu lui apprendra peut-être l'humilité.

Cesses tout de suite ce refrain, poulet latiniste orgueilleux, ou ce sont tes ailes qui passent à la casserole, le menace-je. Je suis la maitresse de Charlotte-Aimée tout comme je suis la tienne, elle reste ici. Et si jamais je dois en mettre un dehors, ce sera toi. Tu es et tu demeures une potion ratée fait sous le coup de l'émotion, tandis qu'elle est un puissant démon. Ne l'oublie pas... »

César, vexé comme un pou et comme toujours, s'envole sur la plus haute poutre et ronchonne dans son coin. Je coupe la communication, et me concentre de nouveau sur l'étude du grimoire de Daemumbra la Démoniaque. Pour un objet qui a fait naître tant de convoitise, je suis assez... déçue. Aucune recette de ne provoque en moi une envie subite d'attraper ma cuillère en bois et de faire jaillir des entrailles de mon chaudron monts et merveilles.

Lewis qui a été en rendez-vous avec les loups, surgit à sa place habituelle.

« Asma, les loups sont ravis des potions de contre-transformation et t'adresse mille mercis. J'ai même eu une conversation en privé avec l'Alpha Amélie qui est rayonnante, mais complétement illuminée, la pauvre. Elle m'a dit qu'elle commençait à croire que tout avait été guidé par le destin. Que tu étais destinée à venir libérer la Meute du démon. Et comme preuve, elle m'a raconté que c'était tout de même une coïncidence que la sorcelette Lulu la Langue Pendue, parmi toutes les sorcières qui émigrent aux Etats-Unis, choisisse pile l'ancienne disciple de Daemumbra la Démoniaque qui s'avère savoir parler aux démons. Que c'était également un drôle de coïncidence que tu viennes d'Auvergne, et que la Meute de Laroquebrou ait émigré d'Auvergne il y a deux siècles. Bref, elle fait de beaux rêves et son odeur a changé, conclue-t-il en s'asseyant à côté de Lucas qui regarde un herbier magique.

— Je crois au destin, murmure-je en me retournant.

— Ah, bon ? Pourquoi ?

Il est de nouveau debout au milieu, face à moi.

— Certaines sœurcières développent des dons d'avenir. L'une d'entre elles avait prédit la phrase « Tu quoque fili » à Daemumbra la Démoniaque qui était alors ma maitresse. Et il se trouve que... je...

Ma gorge devient toute sèche.

— Tu l'as tuée ? demande Lewis tout bas en s'approchant de moi.

Les ennuis d'Asmaldilare, sorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant