Nous sommes tous réunis sous ma véranda. Maman nous a préparé un grand nombre de sauces différentes à manger avec des chips, qu'elle a mis dans des bols. Pour éclairer la nuit sombre, j'ai disposé des petites bougies et des lampions en papier, qui projettent des lumières colorées et mouvantes, ajoutant encore un peu plus de vie au tableau. Cela rit, cela s'interpelle et discute d'un bout à l'autre de la pièce de dimensions modestes, de la musique crée un fond sonore joyeux, les corps jeunes et chauds s'agitent et s'affaissent dans les vieux canapés recouverts de tissus dignes d'un arc-en-ciel indien.Un observateur étranger croirait voir une peinture similaire à celles des soirées précédentes. Seulement, je sais qu'il y a eu une valse des personnages.
Mathilde, que j'ai réussi à convaincre de venir. Elle se tient à l'opposé de la place que Sissi et sa cour occupent, elle est assise sur un pouf orange devant le bol de guacamole, et elle lit un manga. Son unique œil parfois se lève, brosse d'un rapide coup de pinceau la scène, puis se replonge dans sa lecture. Joachim regarde par-dessus son épaule et lui pose des questions de temps en temps. Elle est bien, et cela réchauffe mon cœur.
Aileen, que j'ai invité malgré les messes basses de la princesse. J'ai dû bien prendre sur moi pour mener cette révolution contre l'autorité de l'impératrice. Mon amie est actuellement en plein concours de shoot avec Maximilien. Elle perd lamentablement mais elle est heureuse, car Max rit avec elle. Max lui parle. Max s'intéresse à elle. Pour la première fois en deux ans. Je ne crois pas que Max ne s'attendait pas à ce qu'elle soit si résistante ; il est agréablement surpris. Je la surveille du coin de l'œil, mais je sais que c'est une guerrière.
Charlotte-Aimée n'est pas là. Elle dort chez Asmaldilare désormais, avec Lewis et tous les êtres étranges qui hantent la Cabane. Elle vient me voir parfois, cependant le feu qui brûlait dans son regard lorsqu'elle m'apercevait s'est éteint (je ne me suis aperçu de cette flamme uniquement au moment où elle disparut). Aileen dit que la fascination malsaine qu'elle éprouvait pour moi est enfin partie. Chat dit juste qu'elle s'est trouvé une nouvelle idole, mais qu'elle me trouve toujours très jolie, et qu'elle aimerait bien devenir une panthère. Désormais, elle s'habille en noir car elle veut être comme la sorcière plus tard. Enfin, elle porte du noir les jours où elle y pense, ce qui signifie le premier matin où cette idée lui est venue. On ne développe pas une passion pour des bouts de tissus en une semaine...
En plus des personnages, le tableau parait différent par sa tonalité. Elle me semblait auparavant dorée et chaude. Maintenant, je regarde Judas qui a posé sa tête sur mon épaule sans comprendre ce qu'il fait contre moi. Son contacte me semble froid. Je demeure un instant sans parler. Je ne ressens rien. Il respire contre ma peau, mais ce toucher ne provoque rien de plus que ce provoquerait le souffle du vent. Me sentant étrangement vide, je reprends ma conversation avec Delphine qui rit comme une tourterelle avant même la fin de ma plaisanterie. Judas finit par se relever.
Un peu plus tard dans la soirée, il revient vers moi et me parle tout bas. Mais à cause la musique et du rire faux d'Apolline qui retentit comme une alarme de pompier, je n'entends pas ce qu'il me dit. Je crois percevoir « je t'aime », mais je n'en suis pas si sûre. Ses lèvres ne soufflent plus rien. Je tourne le visage vers lui. J'attends la suite. Ses yeux gris me semblent si vides, maintenant qu'il tente de paraitre sérieux. Je me lève pour m'assoir à côté de Maximilien, Aileen et Joachim qui m'interpellent. Une Louise un peu pompette prend aussitôt ma place.
Il se fait tard. L'atmosphère me semble alourdit de sommeil et d'excitation ; la musique est forte et assourdissante, et paradoxalement, les conversations en deviennent étouffées et entêtantes. On a éteint les bougies, mais les écrans bleus éclairent par intermittence les corps. Je somnole sur l'épaule de Mathilde, Aileen est assise à mes pieds, incapable de remonter sur le canapé, Maximilien flâne sur son portable malgré ses yeux fiévreux qui papillonnent, allongé contre mon amie humaine. Tous les autres ne sont que des silhouettes sombres qui s'entassent sur les canapés et s'agitent mollement, cherchant une position pour dormir ou pour justement ne pas succomber au sommeil et continuer à parler. La pièce est trop petite pour que nous ne soyons pas les uns sur les autres.
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Les ennuis d'Asmaldilare, sorcière
VampirosRien ne va plus pour Asmaldilare... Cette sorcière associable fraichement débarquée aux Etats-Unis s'est faite enlever ! Elle qui n'avait jusqu'alors peu d'autres occupations que la cueillette de champignons, l'élevage d'arachnides et le Grand...