.Chapitre 35 : Avanaëlle, passion plumes

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« Après délibération avec le jury, il a été décidé la sentence suivante. Pour l'abandon en pleine bataille de sa partenaire, pour la non-réponse à ses appels, pour la mise en danger de sa propre personne, et enfin pour la responsabilité des blessures subies par sa partenaire esseulée, Avanaëlle Abha de Laroquebrou, fille de Léonard de Laroquebrou et d'Ayanna l'Etrangère, est condamnée à verser une réparation à Mathilde et sa famille proche, par les actions suivantes : réparation du toit de la maison familiale, que Mathilde ne peut plus effectuer du fait de son handicap, pour une durée ne pouvant excéder deux mois et cinq heure par semaine ; préparation du repas familiale normalement effectué par Mathilde, tous les vendredi soir pour une durée d'un mois à compter de la semaine prochaine ; don de sang à Mathilde lorsqu'elle se fera opérer, dans la mesure du nécessaire et du raisonnable selon les avis des médecins ; achat d'une paire de lunette de soleil choisie par Mathilde, d'une valeur ne pouvant excéder deux cents dollars, pour réparation du préjudice esthétique subits. Du fait de son métissage, pour des raisons médicales, Avanaëlle est exemptée de don de sang, mais la clause demeure symboliquement, jusqu'à que les médecins trouvent une utilité et des bénéfices pour Mathilde et/ou sa famille proche de la mise en place d'un don de nature similaire. Avanaëlle devra offrir également à la Meute dix heures de travaux d'intérêt générale dans les trois mois qui viennent à compter d'aujourd'hui. Quelqu'un a-t-il des remarques à faire sur cette sentence ?

Un silence plane dans la salle du Premier où se déroule mon jugement en petit comité. Mes parents, mes deux petites sœurs, trop jeunes pour comprendre, la famille proche de Mathilde, un jury, et la juge qui vient prononcer ma sentence. Je regarde mes pieds. Santavana Espérance, six ans et facilement impressionnable, se met à pleurer devant l'air sévère et officiel de la juge.

« Santa, écoute un peu... » chuchote mon père en prenant sa cadette sur ses genoux.

Je me force à faire un grand sourire à ma petite fleur, tandis que la juge assène son marteau en annonçant :

« Jugé. Vous pouvez partir. Avanaëlle, tu prendras contact avec la famille de Mathilde avant ce soir pour l'organisation pratique des indemnités. »

Je hoche la tête, mais elle quitte déjà la salle suivie des trois membres du jury tiré au sort. La mise en scène semble très dramatique, mais passé l'âge de treize ans, ces procès sans gravité sont courants pour régler les litiges entre loups, allant de l'accusation de vol de lapins à des accidents d'échelles, car les Laroquebrou n'aiment rien tant que l'administration et les procédures. Cela vient de leur origine française. Seulement, un deuxième m'attend demain. Un procès militaire, cette fois-ci, qui s'annonce un peu plus douloureux.

« J'ai trouvé des lunettes à dix dollars qui me plaisent beaucoup, m'annonce Mathilde en s'asseyant sur la chaise plastique à côté de la mienne.

J'essaye de ne pas fixer l'orbite vide qui me fait face sous la frange bleu électrique.

— Mais non, Math'. C'est ridicule, autant que je t'en offre des jolies... proteste-je.

— Non, elles me plaisent vraiment. Elles ont une monture ronde en métal doré avec des verres fumés roses. Elles iront très bien avec ma perruque, répond-t-elle de sa voix lente.

Sa description me fait sourire.

— D'accord, si tu le penses vraiment, lui dis-je.

Mathilde cherche ses mots, elle n'est pas très à l'aise à l'oral et préfère écouter. Elle se débrouille pour que son apparence parle pour elle. La perruque bleu raide à franche : je suis heureuse. Une seule créole noire à clip (les piercings se referment et sont donc impossibles) : je n'ai pas très bien dormit la nuit dernière. Un rouge à lèvre bordeaux : aujourd'hui, j'aime les gens mais ne vous attendez pas non plus à des envolées lyriques. Je remarque à ses doigts soigneusement manucurés une petite bague en bois peint. Je lui avais offert ce bijou pour son anniversaire il y a trois ans, lorsque je m'amusais à fabriquer des petits objets de menuiserie. Maintenant, je préfère lire ou jouer de la guitare. Je prends ses doigts dans mes mains. Elle a mis cet anneau pour moi.

Les ennuis d'Asmaldilare, sorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant