.Epilogue : la Très Grande Sorcière Asmaldilare la Chuchoteuse

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« Ne bougez plus, intime doucement la louve à la peau sombre.

En rang d'oignons, un zombie, une sorcière, une chouette, un démon, un vampire.

Je retiens ma respiration jusqu'à ressentir une crampe au cœur droit. Nous nous tenons devant la Cabane, peu loin de la grange bruyante des jeunes loups. Le soleil est bas dans le ciel, nous sommes enfin sortis de la Clairière, où j'espère nous ne remettrons plus jamais les pieds.

J'ai fait une overdose de demi-humains poilus, qu'ils soient indiens ou immigrés auvergnats. J'ai fait une overdose de sorcières, qu'elles soient réunionnaises ou voyantes.

— C'est bon, dit la jeune fille.

Le vampire se précipite vers le téléphone que lui tend la louve brune. C'est lui qui a absolument tenu à ce que nous fassions une photographie de famille, comme il dit, sur son engin technologique du diable pomme. Encore toute raide, je me dirige vers la cabane dont les pattes de poule géante trépignent d'impatience. 

— Surtout Ava, rappelle bien à l'Alpha Amélie qu'au moindre accident magique, elle peut m'appeler. Je compte garder mon téléphone pendant un petit siècle, donc je serais joignable pour un bout de temps, et la Grande Sorcière Asmaldilare la Chuchoteuse sera toujours heureuse de vous venir en aide.

— Hors de question, marmonne-je en refermant la porte de la cabane.

Ne retournerons pas deux fois dans le même pétrin nous, gronde César.

Pour une fois, je suis bien d'accord avec toi. Profite, César.

Cet imbécile de vampire cesse de faire son intéressant auprès de la midinette aux grands yeux noirs et me rejoint enfin.

— Où est Choupette ? J'avais cru l'entendre ici, mais ce n'est que Esméralda... me demande-t-il lorsque notre logis se met en marche.

— Va la chercher ! Il faut que nous soyons suffisamment loin lorsque le soleil se couche... siffle-je paniquée.

Sa chevelure rousse disparait. Mes longs doigts osseux pianotent sur ma table de nervosité. Qu'a encore inventé ce démon... La porte ne tarde heureusement pas à s'ouvrir de nouveau en grinçant, pour laisser passer un vampire tenant d'une main un galopin pas troublé pour un sou d'avoir été ramener manu militari au bercail.

— Tiens, Maitresse, m'annonce-t-elle négligemment me lançant un petit objet.

Je pousse un cri de surprise. Il faudra lui apprendre rapidement que je suis incapable de courir, d'attraper des objets et de faire toute activité requérant force, dextérité et coordination.

Un cadavre de grenouille verte atterrit mollement dans ma collection de plume, sur mon bureau encombré.

Je prends prudemment le petit corps étranglé du bout des doigts et le dépose dans un bocal en verre soufflé dont je referme soigneusement le bouchon de cire. Je secoue. Le cadavre valse de gauche à droite contre les parois translucides. Pas de réaction. Elle semble bien morte. Les yeux vert sapin du démon m'observent, ils brillent dans la pénombre de la cabane.

— Qu'est-ce qu'on attend pour partir ? demande la gamine en allant s'assoir tranquillement à côté de Lucas.

Je tape du sabot le parquet fendu.

— Comptes-tu moisir ici, stupide boîte de bois ? Nom d'une araignée enrhumée, remue donc les membres que je t'ai donnés ! » grommèle-je.

Je repars comme je suis arrivée : au bord de la crise de nerf à cause d'une Cabane plus désobéissante qu'un humain français. Mon domicile, toutefois, a bien peur de Charlotte-Aimée désormais et se tient donc tranquille jusqu'à que nous nous arrêtons à la bordure de la forêt : de jour, il n'est plus possible de voyager à découvert. Une petite heure et nous pouvons repartir.

Les ennuis d'Asmaldilare, sorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant