Bien le bonjour !
Je vous retrouve un peu en avance (j'ai un peu l'impression de ne pas encore avoir décidé du rythme de parution !) afin de livrer le second chapitre ! J'espère qu'il vous plaira !
* * *
- Madame Taillefer, bonjour, je vous appelle de la part du service comm-
Elle raccrocha derechef au nez de son interlocuteur. Ce numéro la harcelait depuis une quinzaine de jours, elle n'en pouvait plus. Ils appelaient toutes les heures au cœur de la journée, et jusque tard le soir. Une fois, la sonnerie avait retenti à vingt-et-une heures passées, sa fille était déjà couchée, elle avait passé une mauvaise journée, alors elle avait décroché juste pour passer ses nerfs sur la pauvre employée qui n'y était pour rien. Elle ne se sentait pas plus soulagée en reposant le téléphone, et sa fille, intriguée par le bruit, était sortie de son lit. Elle avait eu un mal fou à la recoucher.
Mais pour l'heure, sa fille était à l'école pour la journée, elle avait encore quelques heures de tranquillité devant elle. Oh, elle aimait beaucoup sa fille, adorable et pleine de vie, mais cela ne lui faisait pas de mal de temps en temps de pouvoir lire sans être interrompue toutes les cinq minutes ou ne serait-ce que de prendre un bain toute seule.
Un bain, en voilà une bonne idée. Elle fit couler l'eau chaude, arrangea ses bougies colorées et parfumées, disposa sa liseuse à proximité après avoir vérifié son niveau de batterie et surtout, mit son téléphone en mode silencieux. Elle rangea soigneusement ses vêtements au fur et à mesure qu'elle les ôtait, avant d'enfiler son peignoir préféré et d'aller patienter sur le bord de la baignoire, quasiment remplie.
Ce ne fut qu'une fois délicieusement plongée dans l'eau chaude et mousseuse, la tête renversée en arrière de manière à immerger l'arrière de sa tête, qu'elle repensa à la photographie. Elle avait cru perdre tous ses moyens lorsqu'elle avait vu sa fille, l'album ouvert sur ses genoux. Elle avait soigneusement évité de regarder la photo qu'elle ne connaissait que trop bien. Peut-être n'aurait-elle pas dû éviter ses questions. Mais elle était si jeune, qu'aurait-elle compris aux turpitudes des amours adultes ?
Elle s'immergea complètement dans l'eau, décidée à chasser ces mauvaises pensées. Elle était là pour se dé-tendre.
Elle avait jeté cette robe des années auparavant de toute façon.
Et elle n'était plus sûre de se souvenir de la couleur exacte de ses yeux.
Qu'importe.
Elle sortit de la baignoire, irritée. Il lui restait deux bonnes heures avant d'aller chercher sa fille mais, ne sachant quoi faire et détestant tourner en rond, elle s'habilla sommairement, enroula soigneusement son écharpe autour de son cou et sortit dans l'air froid.
Elle attendit longtemps devant la grille fermée. Peu à peu, les parents affluèrent, discutant entre eux. Elle n'était pas coutumière de ce genre de rapports et ne tenait pas particulièrement à l'expérimenter ce jour-là.
Si elle était tout à fait franche avec elle-même, elle lui en voulait. Elle lui en avait toujours voulu, d'être parti sans plus se soucier d'elle, la forçant à reconsidérer tout son avenir du jour au lendemain. Elle l'avait tellement aimé.
Elle retourna distraitement son salut à un père de famille replet qui semblait déterminé à ignorer l'air revêche qu'elle arborait. La grille fut ouverte et un flot de gamins en sortit, courant vers leurs parents en criant. Est-ce que pour une fois Amandine pouvait se dépêcher et ne pas discuter avec tous ses petits camarades, ou pire encore, parlementer avec sa maîtresse sur les activités de la journée ? À se demander comment sa fille pouvait être si sociable alors qu'elle-même était d'une nature solitaire, voire asociale par moments.
Enfin, sa fille montra le bout de son nez, des traces de peinture encore présentes sur le bout des doigts, et son manteau boutonné de travers. À se poser des questions sur la compétence de cette école. Sa fille n'arrêtait pas de lui dire qu'elle était trop exigeante – et elle avait sans doute raison.
Elle saisit sa petite main et la serra, peut-être un peu trop fort. Elles marchèrent d'un pas vif jusqu'à la voiture garée en contrebas.
- Maman, tu es encore fâchée ?
- Qu'est-ce que tu racontes ma puce ? Je ne suis pas fâchée voyons.
- Je pense que si. À cause de la photo, rajouta la fillette un ton plus bas.
Elle démarra la voiture sans répondre. Oui, elle avait été agacée, mais pas si longtemps que ça. Ou peut-être qu'au contraire, elle était toujours un peu tendue, et sa fille était loin d'être dupe. Et même, la colère bouillonnait toujours un peu en elle.
- Je ne suis pas en colère contre toi, ma puce.
- Pour de vrai ?
- Promis.
La fillette sembla se contenter de cette réponse après avoir scruté son visage. Le retour à la maison fut silencieux. Mais une fois descendues de la voiture, elle eut la surprise de voir sa fille foncer vers elle et lui faire un gros câlin. Attendrie, et même légèrement apaisée, elle finit par rompre l'étreinte et leur ouvrir la porte de leur maison. Elle avait de la chance d'avoir une fille comme elle. Hors de question de laisser une colère stérile et puérile gâcher une seule journée de plus.
- Qu'est-ce que tu dis d'un chocolat chaud avec une montagne de chantilly ?
- Mais, maman, on est pas dimanche.
Cela n'empêcha pas la fillette de foncer vers la cuisine et de sortir avec un enthousiasme débordant tous les ingrédients nécessaires à leur gourmandise.
* * *
Au prochain chapitre, rendez-vous avec Jésus ! J'ai hâte que vous le rencontriez ^^
L'illustration de ce chapitre est le très beau tableau d'André Hardy (1887-1986), nommé La charrette par temps d'orage.
A très vite en début de semaine prochaine pour la suite !
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Les mésanges et Jésus
General FictionMonsieur Jésus Puntarias, dans la vie de tous les jours, était un homme discret, légèrement maniaque, bourré de tics et de tacs. Un homme très gentil, qui n'avait pas souvent l'occasion de montrer sa gentillesse. Son pedigree, sa longue lignée royal...