Chapitre 19 : Où que le vent nous porte

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Bien le bonjour ! 

Un petit chapitre de transition, une petite balade dans les sous-bois et le temps intransigeant qui chasse les nuages et les gens. 

La Femme dans le sous-bois d'André Hardy vous accompagne pour ce petit échange entre Jésus et Camille la femme de ménage.

Bonne lecture !

* * *

Camille frappa à la porte de la bibliothèque où elle savait trouver Jésus en ce jeudi matin. Voilà cinq jours qu'Amandine et Lucie avaient débarquées au manoir sans rien avoir emporté d'autres affaires que celles qu'elles avaient sur le dos. C'est-à-dire pour Lucie son pyjama par-dessus lequel elle avait enfilé son peignoir, et pour Amandine son pyjama également, assorti de son doudou qu'elle avait emporté machinalement hors de son lit.

Depuis samedi, il soufflait un vent furieux, vengeur et sanguinaire, qui déracinait les arbres, arrachait les fils électriques et retournait toute la région. Clécy n'était pas épargnée, même si le relief typique de ce territoire, constitué de collines, adoucissait un tantinet la violence du vent.

Samedi, en toute fin d'après-midi, la voiture de Jésus avait été garée dans la cour, et cinq personnes avachies en étaient sorties. Elles n'avaient pas pu accéder à leur logement, pour des raisons de sécurité, mais un pompier conciliant leur avait révélé que, si le salon avait été complètement ravagé, les deux chambres, situées à l'opposé, n'avaient pas subi autant de dégâts, et qu'elles pourraient sans doute venir récupérer des affaires au cours de la semaine.

Pour l'instant, aucune nouvelle desdits pompiers, ni de l'assurance, ni de qui que ce soit. La priorité semblait être donnée à l'enquête afin de déterminer l'origine du feu, éminemment suspecte, et donc potentiellement criminelle. Un événement inattendu pour la ville paisible qu'était Caen dans son ensemble. Tous n'avaient pas la chance de pouvoir être hébergés chez des amis ou dans de la famille. C'est pour cela que Marthe, la voisine, avait été installée dans une des nombreuses chambres disponibles du manoir, afin de lui éviter le supplice du gymnase, où quelques malheureux continuaient de vivre, faute d'autre solution. Tous vivaient au jour le jour, rescapés d'une catastrophe dont ils ignoraient encore les conséquences.

Camille entra dans la pièce, sourit à Jésus, et se reprit en constatant qu'elle avait un peu perdu de vue son objectif. Cela n'allait pas être facile, elle savait que Jésus s'était attaché à elle, autant qu'elle à lui. Les mains jointes et serrées pour s'empêcher de faire de grands gestes nerveux, Camile expliqua que malheureusement elle devait rentrer chez elle à Bordeaux, puisque sa grand-mère, très malade, avait besoin d'elle, et qu'elle voulait profiter d'elle avant l'inéluctable.

Jésus resta un long moment silencieux. Puis il se leva, prit délicatement un vieil ouvrage relié entre ses mains, dont la couverture patinée par le temps n'avait aucun titre.

- « Le pessimiste se plaint du vent, l'optimiste espère qu'il va changer, le réaliste ajuste ses voiles. »

Il planta ses yeux dans les siens, et la jeune femme eut comme un long frisson.

- Je n'aurai l'audace de me plaindre du vent, Camille, puisque c'est lui qui vous a menée à moi, pas plus que je n'espère qu'il change, quiconque prétend contrôler le vent se montre d'une stupidité sans égale. Non. Il ne me reste plus qu'à ajuster mes voiles, et faire contre mauvaise fortune bon cœur. Merci d'être venue chez moi, Camille. Et que le vent vous porte où que vous alliez.

Après ce moment d'une rare intensité, ni l'un ni l'autre n'eurent le courage de se revoir. Tout avait été dit.

* * *

Je vous prépare en douceur à un petit saut temporel imminent pour le prochain chapitre... Quel suspens insoutenable ! Et petit à petit, nous glissons vers la fin, même s'il reste encore quelques péripéties pour Jésus, Lucie et la petite Amandine - plus si petite que ça.

Prenez soin de vous et à jeudi !

Les mésanges et JésusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant