Encore un peu de Michel Cabon avec Clécy Calvados et ses couleurs douces, pour un chapitre un peu doux-amer pour Jésus. Histoire d'en savoir un peu plus sur son passé et sa famille...
Bonne lecture !
* * *
Jésus avait revêtu son costume le plus cher, le plus solennel, et accessoirement le plus poussiéreux avant que Daniel, pris de pitié, ne s'en charge. Personne n'avait remplacé Camille, qui autrefois se chargeait de ce genre de petits détails. Petits, mais ô combien importants. Il fallait avouer que le costume était magnifique, signé d'un grand créateur. Mais Jésus ne le mettait jamais.
Elinda lui avait transmis au dernier moment un petit sac pour la route. Daniel l'avait conduit à l'aéroport, comme un écho déformé du départ de Lucie quelques mois auparavant. Un départ qui était alors sous le signe de la joie, malgré le stress évident de Lucie. Dire qu'elle pensait être hébergée chez un ami à lui, Jésus, alors qu'il était notoire qu'il n'avait pas d'ami ! La supercherie, mise au point par Daniel, toujours si sérieux, et appliquée par Amandine, sans oublier l'aide précieuse d'Elinda – qui oserait penser qu'une telle femme puisse mentir ? – avait été très amusante. Et elle avait terriblement bien marché. De ce qu'Amandine lui avait révélé lors de l'un de ses passages, les choses se passaient très bien, elle avait surtout foi en Lucas pour ne pas tenir rigueur à sa mère de son côté femme-forte-et-indépendante.
Oui. Son départ à lui était bien différent. Amandine était à l'université. Lucie au travail. Elinda n'avait pu se libérer d'un rendez-vous médical pris de longue date à Caen. Il n'y avait que Daniel, qui avait perdu sa femme début septembre. Depuis, l'homme vivait pratiquement au manoir, et Jésus aurait été le dernier à l'en chasser.
Daniel empoigna Jésus par les épaules, lui transmit un regard d'une force incroyable, lui promit qu'il serait là pour l'accueillir à son retour et le poussa légèrement en avant.
En quelques temps et mouvements, Jésus arriva en Espagne, ébloui par le soleil de ce vendredi de novembre. A peine posa t'il le pied dans le hall de l'aéroport de Madrid qu'il repéra la petite banderole où était soigneusement calligraphié son nom de famille - abrégé bien évidemment. Un employé à la mine sévère l'accueillit froidement. Il ne cessait de remonter ses lunettes cerclées de métal sur son nez. Il fut conduit jusqu'à une voiture luxueuse garée sur un emplacement réservé aux taxis. Un garde du corps, le plus baraqué que Jésus ait jamais vu – et pourtant il en avait côtoyé – défiait les chauffeurs de taxi de venir râler de plus près.
Jésus avait oublié la chaleur étouffante de son pays natal, les odeurs fortes, les travaux à tous les coins de rue, la conduite hasardeuse, la poussière qui le faisait tousser en permanence.
- Senor Puntarias, benvenido.
L'employé s'inclina, très raide, devant lui, après avoir ouvert la portière. La résidence familiale n'avait pas changé, bien que Jésus n'y ait pas beaucoup vécu. Il n'y était pas revenu depuis trop d'années. Personne ne se présenta sur le palier, personne pour lui sourire avec bienveillance et lui demander s'il voulait se reposer un moment dans sa chambre.
Sa mère ouvrit violemment la porte du fond de l'entrée monumentale intégralement revêtue de marbre. Elle portait une tenue magnifique, dont elle ne profiterait qu'une seule fois, avant de s'en débarrasser. Elle avait vieilli, mais Jésus sentit qu'il serait malvenu de lui avouer cette pensée en guise de bonjour.
- ¿ Leíste el documento ?
- Sí.
Et elle se détourna de lui, disparaissant par une autre porte dérobée, criant après leur comptable.
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Les mésanges et Jésus
General FictionMonsieur Jésus Puntarias, dans la vie de tous les jours, était un homme discret, légèrement maniaque, bourré de tics et de tacs. Un homme très gentil, qui n'avait pas souvent l'occasion de montrer sa gentillesse. Son pedigree, sa longue lignée royal...