Chapitre 6 : Juste un battement de cœur

15 3 2
                                    

Et voici la mise à jour du mardi, retardée par un petit risotto aux asperges, oui oui.

Où il est question de l'ambiance festive de Noël, d'un peu de neige et de gourmandises.

La peinture ci-dessus s'intitule Les Bords de l'Orne à Clécy, de Jean-Claude Rondeau, qui, pour rappel, expose dans sa galerie au 11, rue de la Poste 14570 Clécy, si jamais vous êtes de passage un jour ! Peinture au couteau avec, comme de dans nombreux tableaux de ce peintre, un jeu de lumière que je trouve sublime.

Bref, bonne lecture !

* * * 

Amandine savait qu'elle ne devait pas trop regarder les vitrines de la petite rue pavée qu'elle et sa mère remontaient actuellement. Mais les guirlandes lumineuses, les innombrables bonnets de Noël d'un rouge criard, jusqu'aux chants de rigueur qui sortaient des haut-parleurs disposés à l'extérieur, tout attirait son attention et attisait son excitation.

Elle sautillait en tenant la main de sa mère et n'arrivait pas à s'arrêter, quand bien même elle sentait la patience de cette dernière s'effriter petit à petit.

- Amandine, tiens-toi un peu. Ce n'est pas vraiment digne d'une petite fille bien élevée.

Amandine hocha la tête, mortifiée que sa mère ne partage pas sa bonne humeur. Elles passèrent devant une boulangerie où la fillette ralentit ostensiblement le pas. Elle contempla les anges en meringue, les gâteaux rouges et dorés, les...

- Amandine...

Cette fois-ci, elle discerna de l'amusement dans la voix de sa mère.

- Maman, s'il te plaît, pour ce soir, pour le dessert, regarde comme c'est mignon...

Gagné. Sa mère affichait un sourire tendre, bien qu'à moitié dissimulé derrière son écharpe duveteuse.

- Bien, entrons. Mais je te préviens, un seul dessert par personne, compris ?

La petite fille hocha vigoureusement la tête, le cœur empli de joie. Elle pouvait renoncer aux multiples cadeaux rayonnant dans les vitrines, mais la gourmandise, c'était une autre histoire.

Une petite clochette tinta lorsqu'elles ouvrirent la porte, qui paraissait assez lourde. La boutique était vide, mais emplie d'une lumière chaleureuse. Les vitrines étaient artistiquement éclairées et mettaient joliment en valeur les produits succulents qu'elles contenaient. Amandine s'élança vers les friandises.

- Ne mets pas tes doigts sur la vitrine, ma puce.

- Oui oui, répondit la fillette distraitement, déjà en train de calculer le meilleur ratio quantité/gourmandise.

Sa maman regardait d'un air intéressé les pains d'épice joliment décorés lorsque la clochette retentit pour laisser entrer un autre gourmand.

Il fallut à Amandine moins d'une seconde pour reconnaître le gentil monsieur qu'elle avait rencontré quelques jours auparavant chez le dentiste. Elle n'aimait pas vraiment le dentiste et d'ordinaire elle s'appliquait à oublier ce cauchemar d'objets bruyants et terrifiants. Mais elle se souvenait parfaitement de ce monsieur qui avait fini son jeu de points à relier. Elle lui adressa un grand sourire, délaissant momentanément les pâtisseries. Il portait le même manteau que la dernière fois, qui paraissait très vieux, un peu effiloché sur le bas, mais d'une jolie couleur violine. Elle tomba en admiration immédiate sur l'écharpe veloutée qui lui enserrait le cou, d'un jaune lumineux comme le soleil et comme ces petites fleurs qui envahissaient leur jardin au printemps. Le jaune, c'était sa couleur préférée.

- Elle est très belle votre écharpe.

Il releva les yeux sur elle, et pourtant elle n'était pas bien grande.

- Oh, bonjour.

Elle vit du coin de l'œil sa maman qui les regardait, l'air de rien.

- Votre écharpe, insista Amandine.

- Ah, merci jeune demoiselle.

Il rebaissa aussitôt le regard sur ses chaussures méticuleusement débarrassée de toute trace neigeuse. Un peu décontenancée, Amandine se tourna vers sa maman.

- Alors, tu as choisi ton gâteau ma puce ?

- Oui ! Une tarte au citron !

- Tu as raison, ce sont les meilleures.

Le regard soudainement brillant de l'homme, assorti d'un sourire timide mais sincère, la fit sourire elle aussi. Il ressemblait à sa maman quand elle détaillait les tablettes de chocolat nouvellement acquises dans sa boutique préférée.

- Ah ça, vous pouvez faire confiance à m'sieur Puntarias, c'est un vrai gourmand, et fidèle avec ça !

L'intervention du boulanger-pâtissier sembla gêner le monsieur, qui détourna subitement le regard.

- Je vous sers comme d'habitude ?

- Oui, s'il vous plaît.

Amandine, qui n'avait pas remarqué les étals de pains derrière le comptoir, fut impressionnée par tous ces pains différents. Un pain aux graines fut entouré d'un papier brun décoré de petits flocons et tendu au monsieur, qui en échange versa quelques pièces dans la main du boulanger.

- Et le compte tout pile, comme d'habitude, s'amusa le commerçant une nouvelle fois.

Le monsieur Punta-quelque chose, un nom beaucoup trop compliqué pour qu'Amandine le retienne du premier coup, le remercia d'une voix basse et réajusta son écharpe.

- Ce sera donc deux tartelettes au citron et un pain d'épices, s'il vous plaît.

L'artisan s'empressa d'emballer les deux pâtisseries dans une jolie boîte en carton, tandis que sa maman cherchait son porte-monnaie.

- Amandine, tu n'aurais pas mon porte-monnaie par hasard ?

La fillette secoua la tête. Elle lui faisait souvent la blague, mais pas cette fois-ci.

- Oh non, déplora sa maman, j'ai dû l'oublier quelque part ! Où sommes-nous allées déjà, zut de zut. Viens, nous devons vite refaire tout le chemin en sens inverse !

Amandine retint un profond soupir de déception, mais elle sentait que sa maman contenait son affolement.

- Tenez, pour les achats de ces deux dames.

Le monsieur à l'écharpe jaune régla promptement leur note et leur tendit le petit sac en kraft.

- Oh, il ne fallait pas, hésita sa maman.

- Je vous en prie. La petite aurait été déçue.

- Comment puis-je vous rembourser ?

- Ce n'est rien, dépêchez-vous de rebrousser chemin pour retrouver votre porte-monnaie.

- Merci monsieur ! s'exclama Amandine en lui faisant un bref câlin qui le laissa un peu tendu.

Il ne devait pas avoir l'habitude des câlins, songea la fillette, au comble du bonheur.

Sa maman avait paru surprise, et un peu intriguée aussi. Amandine aurait eu envie de parler encore un peu au monsieur, mais elle devait écouter sa maman. Alors elles sortirent de la boutique et rebroussèrent chemin. 

Le portefeuille les attendait sagement à la pharmacie sur le point de fermer.

- Un peu plus, et vous serez arrivées devant nos portes closes, plaisanta la gentille madame.

Amandine eut un petit rire, et même sa maman sourit, soulagée.

Elles ressortirent dans le froid et la nuit qui était tombée, et adoptèrent un pas rapide pour rentrer chez elles.

- Maman, c'est quoi des noportecloz ?

Cette fois-ci, sa maman eut un vrai rire, chantant comme la neige qui crissait sous chacun de ses pas.

* * *

Seconde rencontre pour Amandine et Jésus, et certainement pas la dernière !

Prenez soin de vous et mangez des asperges ! A très vite (jeudi).

Les mésanges et JésusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant