Chapitre 2

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Le soleil vient à peine de se lever que tu es déjà sur la route, les épaules couvertes d'un épais pull noir. Les journées en campagne ont le mérite d'être chaudes mais les nuits, elles, d'être profondément fraîches. En soit, il n'y a pas seulement que tes épaules qui sont plus couvertes que d'habitude, l'ensemble de ton corps l'es. Ton short et tes pieds nus sont devenus un jean usé et des bottes en cuir.

Tu traverses la forêt en direction des marais en pensant à tous tes amis dont tu en avais croisés certain déjà en plein travail dans les champs. Enfin tu penses surtout à ceux qui ont la chance de pouvoir rester sous leur couette et oui, tu les envies un peu.

Enfin pas tant que ça, car perdue au milieu du calme pure et serein des bois encore embuée, tu te sens revivre. Peut-être que ton enfance misérable enfermée dans les grandes villes grises accentuait cette sensation de liberté et d'aventure grisante, toujours est-il que pour rien au monde tu échangerais ce paysage adoré contre des buildings de verre et de béton.

C'est la seule chose qui te fait sentir heureuse. Pleinement heureuse. Pas même Oncle Ben, tes amis ou la chasse ne fait naître autant d'attachements dans ton pauvre esprit endurci.

Tu passes ensuite plusieurs heures à visiter et revisiter la forêt, à grimper aux arbres, t'embourber dans les marais et remplir tes besaces de proies habilement abbatues. Tu caches ensuite tes besaces au frais dans une petite grotte, tu manges ton casse croûte et tu t'endors alors que la température atteint son paroxysme. En bref, la journée idéale quoi.

Après avoir passé ta journée en communion avec la nature, tu te remets en route. Ton pull sur l'épaule, tu redescends au village en quittant les bois pour la petite route sablonneuse. Dans ce décor familier, au loin, un détail inhabituel attrape ton attention.

Une tâche jaune vive arrive dans le sens inverse, d'un pas tranquille et nonchalant. Il te faut peu de temps pour faire le lien entre le sweat jaune pissenlit et celui du touriste de la veille. Tu presses alors le pas pour arriver à sa hauteur et pouvoir l'accoster le plus aisément possible.

- Salut ! tu lances avec un sourire qui se voulait chaleureux.

Le jeune homme relève le visage et lance un regard perplexe dans ta direction.

- Hum...salut ?

Il te regarde comme si tu étais un extraterrestre ou même un sanglier. Bon d'accord il ne te connait pas, mais à quoi il s'attends, tu n'allais quand même pas passer à côté de lui en l'ignorant, si ?

Ce bref contact visuel te permet tout de même de détailler son visage. Il n'a rien de vraiment spécial, enfin il a un visage masculin des plus ordinaires quoi. Des yeux bruns et des cheveux ébouriffés bruns qui ne semble pas avoir croisé un peigne ce matin. Le seul trait "inhabituel" sont ses cernes mais de là à hurler au meurtre.

- Tu vas où ? Tu vas visiter un truc ? tu continuas.

Vu sa tête, il es plutôt étonné que tu cherches à entretenir une discussion avec un parfait inconnu mais il répond tout de même.

- Heu, ouais. Ouais c'est ça.

Visiter un truc ? Dans cette direction ? Il n'y a qu'un truc à voir, mais l'intérêt pour un touriste te parait inexistant. Qu'importe, ce n'est pas ton problème, il peut bien aller visiter l'enfer pour ce que ça change à ta vie.

- Oh, tu vas à la Source alors.

- Oui, voila.

S'ensuit un long silence pesant. Bravo l'effort de sociabilisation, le touriste. Vu sa tête il a pas trop envie de taper la causette. Tu prends sur toi et fait un petit sourire.

- Bon je te laisse, on se recroisera peut-être au village !

L'inconnu ne répond rien, hormis un léger mouvement de tête.

"Quelle amabilité" tu penses, quelque peu énervée.

En ruminant cet échange inutile tu finis par atteindre l'entrée du village où le Vieil André est assis, béret vissé sur le crâne et canne à la main. Tu le salues, retrouvant un peu de gaieté.

- Salut l'Ancien !

- Oh, [T/P], c'est toi. dit-il en te reconnaissant à travers ses épaisses lunettes.

- Hé oui. Dites vous avez encore fait peur aux poules hier, en vous perdant près de mon jardin. Il faudrait arrêter de sortir la nuit, ça peut être dangereux.

- ...hier ? Il haussa les épaules. Si tu le dis, j'en ai aucun souvenir.

Tu hoches la tête. Pas étonnant , il est sacrément vieux, le dernier en vie à avoir connu le village avant l'exode urbain.

- Hmn, bon je vous laisse, je dois amener la viande à l'Oncle Ben.

- La viande ? Je pensais que tu étais revenue les mains vides.

- De ?

Tu regardas tes mains, et tu réalisas avec horreur la triste réalité.

- Oh merde !

Comment pouvais tu avoir oublier tes besaces ? Au pas de courses tu retournes au marais manquant de te briser les chevilles et de te prendre des arbres plusieurs fois. En nage, tu as pu récupérer tes besaces et reprendre le chemin inverse une bonne fois pour toutes...jusqu'à ce qu'une tâche de couleur trop familière attire ton œil, plus loin, enfoncé dans la forêt.

Le type de tout à l'heure est de dos et marche comme si de rien n'était, s'arrêtant et observant les environs. Il n'est clairement pas à la Source, alors peut-être s'est-il perdu. D'un élan de solidarité tu commences à t'approcher de lui pour l'aider à retrouver son chemin lorsqu'un détail te fige sur place. Là où tu aurais dû reconnaître les cheveux et les yeux fatigués bruns, tu ne peux qu'apercevoir une face sombre garni de deux yeux et d'une bouche rouge.

Surprise et le souffle coupé, tu détales vers le village comme un lapin fuirait un renard affamé.

Il fallait être bête pour ne pas reconnaître le touriste en ce type bizarre et louche et quand bien même ça te semble plus qu'étrange, tu oses te dire que c'est sans doute un passe temps comme les autres, quoique vachement glauque.

Essoufflée par ta course involontaire, tu donnes tes besaces sans un mot à ton oncle et tu prends une douche froide afin de remettre tes idées en place.

Il n'est pas rare que les gens qui séjournent à l'hôtel y séjourne en attendant de finir la construction de leur maison ou d'obtenir un terrain. Il n'y a rien de spécial dans la région alors ceux qui arrivent au village, y sont le plus souvent pour y habiter, c'est comme ça. Et d'ordinaire, c'était toujours une joie pour toi de voir ton petit village grandir.

Mais dans ce cas, concernant le touriste du moment, étrangement tu ne désires qu'une chose. Qu'il s'en aille au plus vite. Tu pressens un danger. Pas une catastrophe naturelle. Pas une mauvaise récolte ou une maladie du bétail. Quelque chose de plus fort, de plus grand. D'immensément plus puissant et dangereux.

Et tu ne pouvais que craindre le pire car personne ne prendrait ton instinct au sérieux.

Chasse à l'homme [HoodiexYou]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant