3 : La voleuse et la lune

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" N'essaie pas de combattre la tempête,

tu tomberais par dessus bord.

Les vagues nous entraîneront au fond,

les marées me ramènerons à toi. "

⚠ TW : passages sensibles dans ce chapitre faisant allusion à une agression, au meurtre et pouvant déclencher de l'émétophobie. ⚠


Rey avait l'estomac en vrac et le cerveau brouillé, tout s'y bousculait. Sa gorge était nouée, mais elle sentait qu'à tout moment quelque chose pouvait en sortir. En l'occurrence son dernier repas. Alors qu'elle titubait presque en haut de l'escalier, elle se dit que soit elle y déverserait ses tripes, qui finiraient bien par au moins souiller les chaussures du spectre un peu plus bas, soit elle y tomberait ridiculement et serait à sa merci. Elle voulut ainsi se retenir à la rampe mais sa main la plus proche de celle-ci refermait la broche. Et sans qu'elle puisse se l'expliquer sur le moment - alors que cet artefact appartenait à une vie qu'elle refusait de connaître à nouveau - elle la serra de plus en plus fort. 

Kylo ne bougea pas non plus d'un centimètre, prêt à toute éventualité. Cependant, sans le montrer, il était surpris et confus de la présence de cette jeune femme dans sa maison natale et une flopée de questions s'entremêlèrent dans sa tête. Qu'est-ce qu'elle pouvait bien foutre ici ? C'était lui l'intrus, l'espèce de cambrioleur et si tel était également son but, sa dégaine montrait clairement qu'elle avait raté sa vocation. Il ignorait combien de temps s'écoula ainsi sans qu'aucune parole ne soit échangée entre eux mais c'était beaucoup trop long. Bien trop lourd, comme s'ils étaient tous les deux les extrémités d'une corde tendue qui menaçait de rompre à tout moment. Il se sentit pathétique d'être si facilement découvert, et encore plus parce qu'il ne parvenait pas à agir. Rien ne se passait comme prévu. 

 Avant que son corps ne se reconnecte à son cerveau, il la contempla. Longtemps elle garda une pâleur verdâtre sur le visage, manquant de tomber dans les pommes sur le champ. Pourtant, elle était si stoïque et droite que ses petits talons carrés laisseraient une marque sur le plancher. Elle était aussi élégante malgré son long et épais manteau beige informe. Mais peu importait réellement sa tenue, qui d'ailleurs ne lui donnait pas davantage d'information sur elle, ce fut surtout son jeune âge, proche du sien, qui lui fit comprendre qu'elle ne pouvait pas être une amie de la famille. Derrière la vitre de son casque, ses yeux restèrent fixés une éternité sur son visage. Et tout y passa. Le dégoût, la peur, l'incompréhension. Puis, quand il aperçut ce qu'elle tenait dans sa main droite, il en serra les dents. Merde

Rey confia sa vie entière à cette broche, si bien qu'elle finirait bientôt par lui entailler les phalanges. Elle ne l'avait pas retrouvée au fond d'une cave ou gisante dans un égout, les seuls endroits où tout ce que renfermait ce symbole appartenait et son existence chaotique ne lui permettait pas de croire qu'il s'agissait d'un simple hasard. Encore moins depuis que cet individu pour le moins inattendu la dévisageait en contre plongée. Malgré sa veste en cuir vieilli de biker à la retraite et l'ensemble noir, du sweat à capuche aux gants qu'il portait, il n'était pas un cambrioleur. Dans son casque de moto dont les parties métalliques reflétaient la lumière, elle tenta d'y sonder une paire de pupille, un regard, mais rien. Si elle savait comme ses yeux étaient eux aussi bien sombres. Brusquement il effectua une belle fissure dans le mur qu'elle s'était construit autour de son psychisme et elle fut transportée ailleurs, dans un tourment vague d'effroi et de colère lorsqu'il parla enfin. 

crépuscule ≈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant