2 : ... chassant un papillon.

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" And my heart is a hollow plane
For the devil to dance again "


Cette mission avait été un désastre et se foutre la tête dans le sable pendant des semaines n'y avait rien changé, il avait fait n'importe quoi. Il était toujours aussi remonté de s'être vu confié le sale boulot du jour au lendemain sans raison, d'avoir été envoyé dans un trou paumé désert près d'Anaheim. Il le savait, le repos c'était pour ceux qui le méritaient, pour les gens normaux, alors avoir prolongée cette besogne en vacances fut une sacrée provocation, certainement la plus belle de sa carrière et il était pourtant pas du genre à bien vivre l'autorité. Ce congé lui avait au moins permis de revoir la mer et de s'enivrer suffisamment de son air pour retrouver sans trop de peine la pollution et la crasse des bas fonds de New York. Il avait cru pouvoir s'en délecter encore quelques jours quand son passé vint frapper à sa porte. Il s'arrêta ainsi dans un énième motel, le Moonlight. Bien moins miteux que les précédents mais il n'était pas difficile sur le confort et il préférait cette discrétion à l'ostentation des hôtels luxueux auxquels l'organisation était habituée. Personne n'avait pensé à venir le chercher ici. À l'accueil, le vieux bougre qui gérait l'endroit fut surpris de voir débarquer à son comptoir l'opposé total de sa clientèle. Un grand gaillard pareil vêtu de noir jusqu'aux lunettes de soleil jonchées sur son long nez ne passait pas vraiment inaperçu. Celui-ci marmonna un rapide bonjour et qu'il souhaitait une chambre pour minimum trois jours. Il était décidé jusqu'à ce que les infos diffusées par la télévision plantée près de son interlocuteur lui assignent l'équivalent d'une gifle. Une bonne gifle de mère furieuse face à tant d'insolence. Ce fut donc son nom qui clignota devant ses yeux ébahis tandis que les phrases dessous lui coupèrent la respiration. Son coeur se serra douloureusement dans sa poitrine et il fit cette grimace récurrente avec sa bouche dévoilant son émotion. 

« S'il vous plaît, vous pouvez monter le son, demanda-t-il à l'autre homme en pointant l'objet devant lequel il semblait passer ses journées.

Il y a la télé dans les chambres, vous... 

Montez ce putain de son ! » balança-t-il en enlevant brusquement ses lunettes. 

Le regard que le propriétaire découvrit sous cette banale monture lui fit immédiatement comprendre qu'il avait plutôt intérêt à se magner. Il n'avait pas saisit ce changement brusque d'humeur, mais il avait croisé assez de cinglés dans son établissement pour savoir qu'il valait mieux ne pas broncher dans cette situation. Alors il obéit et il observa en silence le drôle de spécimen devant lui se décomposer en écoutant attentivement les infos. Il s'agissait d'une simple chaîne national relatant le sort d'une figure politique apparemment souffrante, qu'est-ce que ça pouvait lui faire. Il l'ignorait sans aucun doute mais ces interminables minutes devant cet écran ramenèrent cet homme très longtemps en arrière et il réalisa que dix années s'étaient déjà écoulées. Il était 19h dans cette ville et en lisant encore et encore ce nom, il sut que le lendemain il se trouverait de l'autre côté du pays. Une vieille télé dans un banal motel l'avait contraint à revenir à la maison, son passé venait de le rattraper. Par conséquence, il déguerpit rapidement de l'endroit devant le regard décontenancé du gérant et dégaina son téléphone à deux reprises en se redirigeant vers la route. La première fois fut pour contacter la dernière personne qu'il voulait entendre mais qui était la seule capable de le renseigner. 

« Bazine¹ bordel ! grogna-t-il alors qu'elle n'avait prononcé qu'une syllabe à peine. Comment se fait-il que je ne sois pas au courant ?! (...) tu sais très bien de quoi je parle ! (...) C'est ça, tu peux lui dire que je reviens. Je prends le premier avion pour New York et on s'expliquera ! »

crépuscule ≈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant