8 : Errer dans les rues

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" Chaque centimètre est notre terrain de jeu.

Ces liens si fort nous rapprochent de Dieu. "

TW : drogue, abandon, premier rapport sexuel


Rey. Dix ans plus tôt, quelque part en Arizona.

Elle venait de passer une semaine à ratisser les petites communes bordant le désert, jonglant entre terrains abandonnés et motels miteux payés avec l'argent qu'elle parvenait à voler ici et là. Une semaine sous un soleil ardent à chercher ses parents. Cela faisait six mois qu'elle vivait dans la rue, six mois que tout ce qu'elle voyait, entendait et expérimentait n'avait plus rien à voir avec les huit dernières années. Elle n'avait plus aucun repère et avait donc dû s'en construire d'autres et ne compter que sur elle-même. Elle rôdait toute seule dans l'état et se contenter du strict minimum. Elle ne possédait qu'un gros sac en bandoulière contenant quelques vêtements trouvés après avoir jeté ceux qu'elle portait à son arrivée, parfois de la nourriture et quelques autres babioles et nécessaires d'hygiène. Elle avait au moins su se servir de ce que son ancienne vie lui avait appris, et réussissait alors pour l'instant à survivre malgré une précarité évidente.

Mais Rey était pleine de ressources et elle le savait. L'homme à la canne lui répétait souvent, elle était forte et pouvait s'adapter à n'importe quelle situation, rien ne pouvait lui faire déclarer forfait. De plus, elle était animée par une volonté abondante, car elle se trouvait dans sa ville natale. Pourtant, elle n'y avait plus repensé depuis de nombreuses années ni cherché à en savoir plus. Elle avait parfaitement assimilé et accepter l'idée d'avoir été abandonnée par ses parents, qu'ils s'étaient lassés d'elle, peut-être même qu'ils ne l'avaient jamais aimée ni désirée. L'homme à la canne ne lui avait pas donné davantage de détails et elle n'en avait finalement pas voulu. Elle avait continué de vivre à ses côtés avec la conviction qu'elle ne devait pas chercher ses parents.

Maintenant qu'il était mort et qu'elle était toute seule et plus grande, elle voguait depuis des mois avec cette viscérale envie de les retrouver. Elle les avait attendus si longtemps, ils lui devaient alors une explication aujourd'hui. Du moins, elle souhaitait leur montrer qu'elle s'en était sortie sans eux. Les seules informations qu'elle détenait étaient qu'ils avaient vécu près de Phoenix et qu'elle était sûrement née ici, elle conservait encore quelques vagues souvenirs d'avant l'abandon. En réalité, elle ne savait pas s'il s'agissait de vrais souvenirs ou uniquement des bribes que son cerveau avait fabriqué pour supporter la douleur à l'époque. Elle ignorait si la tendresse de ces épisodes avait été réelle ou si ce n'était qu'un endroit illusoire de son cerveau dans lequel elle s'était réfugiée un temps.

Rey se dirigea vers le dinner le plus proche. Le trajet depuis le désert fut long et elle n'avait rien avalé depuis la veille. Par chance, elle était parvenue à voler un peu d'argent cette semaine. Néanmoins, elle ne possédait que de quoi manger pour le week-end et non pour se loger également. Cette fois, elle choisit de privilégier la faim. Ces derniers repas avaient été minces et il lui était toujours plus facile de trouver un endroit où dormir que de manger autre chose que quelques aliments subtilisés dans un magasin ou sur un étalage. Ce soir, elle souhaitait quelque chose qui lui tienne au corps jusqu'au lendemain, puis elle se trouverait une couchette dans un squat ou se faufilerait discrètement quelque part. Elle souhaitait quelque chose de chaud et de réconfortant. En effet, ses recherches ne donnaient toujours rien. Elle n'avait absolument aucune piste concernant ses parents. Les personnes qu'elle avait interrogées ne se souvenaient pas d'elle ou l'avaient rudement envoyée promener. Sa description était évidemment très vague, un jeune couple hétéro avec une petite fille coiffée de trois chignons, parfois accompagnés d'un homme plus vieux et marchant sur une canne, mais elle avait tenté malgré tout. Pour l'instant, son histoire ne disait rien à personne, elle n'était personne. Et au bout de six mois maintenant, elle était fatiguée.

crépuscule ≈Où les histoires vivent. Découvrez maintenant