Chapitre 17

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Je la voyais tripoter ses doigts, le regard fuyant.

- Que passa?

Elle: c'est... c'est à propos de Riyad. Tu me laisses parler et tu me coupes pas

Moi: Ok... je t'écoute

Elle: Tu te rappelles de ce que je t'avais raconté la dernière fois... sur le toit. Et bein je t'ai menti du moins je me suis mentie à moi-même. Le fait que ce soit Riyad ça me met mal à l'aise de t'en parler mais... on avait promis. Enfin bref, depuis ce jour je sais pas... je... je pense à lui tout le temps, ça me prend au ventre tu vois mais je sais que...

- Attends attends, t'es en train de me dire que t'es... amoureuse de mon frère? Amoureuse de Riyad?!

Manel: J'avais dit quoi?! Laisses moi finir. Je sais qu'il a quelqu'un, je l'ai déjà croisé avec elle et... voilà

- Mais...tu l'aimes?

Je voyais qu'elle était vraiment mal et j'avais de la peine pour elle. Jamais je n'aurais pu un jour imaginer que Manel soit amoureuse de l'un de mes frères

Manel: Même si c'était le cas, qu'est-ce que ça changerait? Lui non et il me l'a bien fait comprendre

- Je sais pas quoi te dire... tu veux que je lui parle?

Elle: Surtout pas! J'voudrais pas qu'il s'imagine des choses ou quoi. Heichik ne fais rien et ne lui dis rien. T'inquiètes, ça finira par passer. Comme tu dis, le temps guérit beaucoup de chose hein

Décidément, on avait le don pour s'attirer tout ce qui nous mettait mal, ou plutôt CEUX qui nous mettaient mal. 

Je comprenais mieux pourquoi elle esquivait de venir à la maison ces derniers temps. Je pense que c'était compliqué pour elle de croiser Riyad. Je ne savais pas ce qu'il en était de son côté, mais je comptais bien mener ma petite enquête.

Le lendemain, bizarrement, Ibrahim était venu demander des nouvelles et savoir si j'allais bien. Quant à Barbie, on s'était croisé dans l'ascenseur et j'avais décidé de l'ignorer parce que je savais que sinon je risquais de foirer mon stage et elle n'en valait franchement pas la peine.

Je ne savais plus comment me comporter avec Nouri. S'il fallait que je garde mes distances et me comporter en tant que simple stagiaire, ou bien si je pouvais lui refaire confiance et retrouver cette proximité qu'on avait instauré. J'étais perdue, et j'avais surtout peur de me faire avoir.

Il était pour moi hors de question de fréquenter un homme hors mariage. Beaucoup penseront que je suis vieux jeu ou alors coincée mais j'avais été élevée comme ça, et avec le temps, j'étais heureuse d'avoir eu cette éducation. Et en tant que musulmane, c'était pour moi tout à fait normal. 

Après avoir fait le trajet avec Manel et retrouvé mon bureau, je vois un petit mot posé sur celui-ci "On mange ensemble à la pause? Nouri". Je lui ai répondu par mail, positivement. Je préférais garder mes distances avec lui au cabinet, parce que les langues avaient tendance à se délier par ici.

- Soeurette, y'a Nouri qui me propose de prendre ma pause avec lui, ça te dérange?

Manel: Et bein dis donc. Non justement... je dois voir ton frère il veut me parler

- Ah bon? Et c'est maintenant que tu m'le dis?!

Manel: Wallah il vient juste de m'écrire là, regardes

- Ok ok ça marche, bein on se retrouve tout à l'heure

J'étais plongée dans mes dossiers toute la matinée que je n'ai pas du tout sentie passer. Ouarda nous avait invité à manger chez elle et mon frère ce week-end, et j'étais contente de pouvoir les retrouver. Je ne savais pas encore que ce serait une soirée qui viendrait semer le doute sur tout.

12h30, je le retrouve près du parc. Je ne voulais pas que les gens nous voient partir ensemble et en particulier miss Barbie, qui ne ratait pas une occasion de faire sa fouine.

Lui: Bien passée la matinée?

- Oui, tu m'as bombardé de travail mais à part ça, tout va bien

Lui: Tu m'remercieras plus tard. 

On s'était pris un sandwich histoire de profiter du beau temps et de la verdure. J'aimais beaucoup ce petit parc, et on avait justement trouver un petit coin d'herbe où se poser. Je le voyais très pensif.

- Allô, t'es avec moi là?

Lui: Ouai... ouai je repensais à quelque chose c'est tout. Tu... tu pratiques?

- Niveau religion tu veux dire? 

Lui: Oui

- Oui, enfin j'essaye de faire de mon mieux en faisant mes prières, en jeûnant, en lisant le Coran quand j'ai un peu de temps mais tu sais, c'est jamais assez malheureusement

Lui: C'est bien, c'est bien. Mes parents ne m'ont rien appris de tout ça, du moins mon père essayait quand il rentrait de ses voyages mais sur la continuité on avait rien tu vois. Puis j'ai grandit, et là c'était les études, le boulot parce que fallait être à la hauteur.

- Et t'es proche avec tes parents?

Lui: C'est... spécial on va dire. Mais on va éviter les sujets qui fâchent hein. Parles moi de toi, ta famille

Moi: Je te préviens tout de suite, chez nous on a pas côtoyé les grandes écoles, on a pas vécu dans une belle...

Lui: Arrêtes Nour... 

- Ok ok... Tu sais où j'habite, et j'ai grandit dans cette cité. C'est comme une grande famille où tout le monde connait tout le monde. Ma mère a travaillé toute sa vie en tant que femme de ménage et mon père travaillait dans une usine automobile, puis quand mes frères ont grandit, ils ont pris la relève pour les soulager. On a pas eu que des moments faciles mais on a toujours su rester soudés, encore aujourd'hui. Tu connais Nassim déjà, il y'a Riyad, Ilyes et le petit dernier Kaïs. J'ai grandit avec quatre frères. 

Lui: Surprotégée alors

- Ah ça, tu l'as dit! Des fois un peu trop, ils pensent encore que j'suis une enfant et ils ont du mal à voir que j'ai grandit et que j'ai plus besoin qu'on s'inquiète pour moi

Lui: Ils s'inquiéteraient de te savoir avec moi?

Je ne savais pas quoi répondre, parce que c'était sûrement le cas et sa question me mettait mal à l'aise

- Et toi, t'as des frères et sœurs?

Lui: Oui, un frère et deux sœurs. Mais on est pas spécialement proches, en tout cas pas comme toi avec tes frères. Nous c'est les repas en famille aux occasions, et ça s'arrête là

- Ah ouai c'est triste. Pardon je....

Lui: Non mais t'as raison, c'est triste comme tu dis. J'veux pas que tu prennes peur mais... mais je ressens pas d'amour, j'veux dire on a toujours été très solitaire. Chacun plongé dans ses cahiers, puis ensuite la vie fait qu'on a chacun nos jobs, chacun nos fréquentations et... voilà

A ce moment là, il m'a fait de la peine. Oui c'est ça, j'ai eu de la peine pour lui parce que je ressentais le vide qu'il pouvait avoir au fond de lui. Un vide qu'il n'avait d'ailleurs pas choisi, il avait juste grandit comme ça.

Sans comprendre, je l'ai pris dans mes bras comme pour lui donner un bout de ce qu'il n'avait jamais eu, aujourd'hui encore.




Chronique De Nour: Deux mondes, Un seul amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant