Chapitre 69 (Nouri)

266 19 0
                                    

Je lui en voulais de me demander ça. Je m'étais démené pour monter ce foutu dossier. J'y ai passé des journées et des nuits entières, j'ai rien lâché.

Je savais très bien qu'il était solide, et que je prouverais facilement par A+B l'erreur médicale. Vous pouvez penser que j'ai un trop plein de confiance en moi, mais non. Je connais mes capacités, mais aussi mes limites.

Depuis cette histoire, c'était très tendu entre nous. C'est à peine si on se parlait ou se regardait. Je n'ai clairement pas su faire la part des choses, je vous l'accorde. Je l'ai rejeté au moment le plus dur, mais j'étais comme ça.

Je ne voulais pas lui montrer mes faiblesses. Si je le fais, comment pourrait-elle compter sur moi ensuite?

Je n'aurais jamais dû agir comme je les fais, ni lui dire ce que je lui ai dit mais dans le fond elle avait raison. Et puis comme on dit, chasses le naturel il revient au galop.

Cette épreuve avait faire ressortir ce qu'il y'avait de plus mauvais en moi. C'est comme si rien ne m'arrêtait tant quand je n'avais pas obtenu ce que je voulais. C'était peut être dû à un défaut professionnel, ou au fait qu'étant plus jeune, il fallait être meilleur en tout. Mon père m'avait appris qu'il n'y avait pas de place pour les perdants.

Inconsciemment, je faisais la même chose avec Nour. Je lui ai toujours mis une pression de dingue pour ses examens, c'était jamais assez bien. Et malgré tout, elle a su rester patiente. 

Je commence à croire qu'elle a peut être raison. Qu'en fait, au fond j'étais toujours le même et j'pouvais pas lui en vouloir de penser ça. 

Et alors que j'étais plongé dans mes pensées, c'est mon téléphone qui m'en extirpa.

- Oui allô?

Bonjour, vous êtes bien M. Ziane?

- C'est lui-même, et vous êtes?

C'est le bureau des admissions de l'hôpital **********, on vient de recevoir votre femme aux urgences. Nour Mazari Ziane, c'est bien elle?

- Oui c'est bien elle mais... comment ça aux urgences? Qu'est-ce qui s'est passé?

Il s'agit visiblement d'un accident de la route et pour le moment, je ne saurais pas vous en dire plus

- Très bien, j'arrive immédiatement

Décidément, les évènements s'enchainaient les uns après les autres. Alors sans attendre, j'ai foncé tout droit à l'hôpital, et appelé sa famille sur le trajet.

Bonjour, je suis le médecin qui s'est occupé de votre femme

- Dites moi ce qu'elle a, est-ce qu'elle va bien?

Lui: Ecoutez... je ne voudrais pas être trop optimiste pour le moment mais on a pu lui extraire les éclats de verre et l'opérer de la jambe. Malheureusement, elle a eu une fracture du plateau tibial et on a dû l'opérer en urgence. Et... pour ce qui est de sa grossesse... 

- Comment ça une grossesse, elle... elle était enceinte?

Lui: Vous l'ignoriez?

- Je n'en savais absolument rien

Lui: Je suis désolé mais... elle avait perdu déjà beaucoup de sang... 

- Quand est-ce qu'elle se réveillera?

Lui: Je serais incapable de vous le dire. Elle peut se réveiller dans 2 jours comme dans 3 semaines ou... plus

J'avais l'impression d'être dans un mauvais cauchemar et que j'allais me réveiller d'un instant à l'autre. Je me suis laissé tomber contre le mur, la tête entre les mains. 

Nouri, il se passe quoi là?

- Elle... elle a eu un accident de voiture... 

Lui: Mais j'comprends pas, elle était pas censée rentrer avec toi?

- Non... elle m'a dit qu'elle me rejoignait. Elle... elle était enceinte Nassim

Lui: Putain... 

Et là vous savez quoi, j'ai pleuré. Je n'arrivais pas à y croire et tout ça était de ma faute. Si je n'étais pas venu la chercher, elle serait encore saine et sauve. Je ne pourrais vous décrire mon ressenti à ce moment là. C'était un mélange de colère, de regret et de tristesse.

Le médecin: Un à la fois s'il vous plaît 

J'ai laissé sa mère et son père la voir avant de pouvoir enfin y aller.

Une fois devant elle, comment vous dire que j'ai regretté. Regretté absolument tout ce qui avait pu se passer. Si je ne m'étais pas entêté avec ce dossier, rien de tout ça ne serait arrivé.

Le visage égratigné, je me rendais compte qu'elle ne respirait même pas par elle-même et cette vue m'était insupportable.

-Nour... ma vie... j'suis désolé pour tout ça si tu savais... c'est... c'est de ma faute

Je n'avais pour réponse que le son des machines et j'étais totalement impuissant face à cette situation. 

- Tu...  tu peux pas m'laisser comme ça. J'fais quoi moi sans toi hein? J'sais que tu m'entends, et j'te demande pardon. J'le ferais pas, j'porterais pas plainte si c'est ce que ça

Sans m'en rendre compte, j'avais laissé échapper une larme. Je ne saurais même pas vous dire à quand remonte la dernière fois qu'une larme avait coulé sur ma joue. Sûrement quand je m'étais cassé la gueule en vélo étant petit. C'est pour vous dire.

- Tu pourras me dire que t'avais raison, tu pourras vider tous mes flacons de gel douche, porter tous mes t-shirts, fouiller mon téléphone, avoir le monopole sur tous les choix de film, toutes les sorties tant que tu te réveilles. C'est tout ce que j'te demande

Les jours qui suivaient se ressemblaient. J'allais la voir tous les jours après le travail dans l'espoir qu'elle soit enfin réveillée. Je guettais sans cesse mon téléphone, espérant un coup de fil de l'hôpital me l'annonçant. 

J'étais devenu antipathique avec tout le monde. J'évitais de trop aller voir ses parents, parce que sans le savoir, ils me renvoyaient en pleine face tous mes tords et regrets. Manel n'était pas bien du tout non plus, et très souvent, je la croisais à l'hôpital. 



Chronique De Nour: Deux mondes, Un seul amourOù les histoires vivent. Découvrez maintenant