Addictions.

8.

Lorsque je rouvre mes yeux, je n'ai pas bougé. Je suis toujours au sol, dans la maison de Jake. Du sang sort de l'arrière de mon crâne, plus que je ne l'imaginais d'ailleurs. Je relève alors la tête et constate qu'il ne bouge plus. Je me mets debout en puisant dans mes dernières forces et me précipite vers Jake. Il est inconscient, et moi, je suis dans un état de semi-conscient, ma vue est double et parfois triple.

—Oh mon dieu Jake! Réponds moi je t'en prie!

Je m'écroule, je pleure. Je ne sais même pas s'il est encore vivant. La vérité me fait peur à vrai dire. J'attrape aussi vite que possible mon téléphone sur le comptoir de la cuisine et appelle les urgences.

Les minutes qui nous séparent de l'ambulance me semblent avoir duré une éternité. Mais tout s'accélère durant le trajet. On m'emporte dans un autre véhicule pour pouvoir examiner mon crâne qui est vraiment amoché. En arrivant à l'hôpital, Jake étant toujours inconscient, on m'interdit d'entrer dans sa chambre pour être à ses côtés. J'attends pendant ce qui me parait des heures dans une chambre à côté, tandis qu'une infirmière me recoud. La porte de la pièce étant ouverte, j'observe les gens de l'hôpital s'activer, comme dans une fourmilière. Il y a des enfants, certains atteints de maladies graves, des personnes âgées se déplaçant en fauteuil. Des médecins, infirmiers affluent de tous les côtés dans la chambre de Jake. Deux heures plus tard, m'étant assoupie sur le lit de la chambre qu'on m'avait attribué, une infirmière vient me réveiller.

—Votre ami est dans un état grave, mais il est conscient.

—Je peux aller le voir?

Ma voix est presque suppliante et je pleure sans cesse.

—Bien sûr, mais pas longtemps. Il a vraiment besoin de se reposer.

Je la remercie, plus que reconnaissante du travail qu'ils ont effectué pour le sauver.

Je me lève, le cœur tambour battant, mes tempes trempées. J'ouvre la porte de la chambre, Jake tourne alors sa tête vers moi. Le bruit incessant de la machine qui relève son rythme cardiaque est le seul bruit perçant le silence pesant de la pièce.

—Salut beauté. 

Il sourit du mieux qu'il peut, un petit gémissement de douleur sortant de ces lèvres.

—Hey...

Pendant quelques secondes, je n'ose pas avancer de trop près, par crainte de quelque chose qui m'est inconnu. C'est lui qui s'est fait tabassé et pourtant, il semble avoir plus de capacités que moi à faire semblant que tout va bien. Il a un tube qui arrive dans ses deux cavités nasales, pour lui permettre de respirer; et d'autres tubes un peu partout. Je m'assois à côté de lui, dans un fauteuil plutôt abîmé, et prends sa main.

—Comment tu te sens?

—Pas trop mal.

Un rire léger sort délicatement, d'un son guttural et rauque.

—C'est quoi tous ces tubes?

—J'ai perdu beaucoup de sang et il m'en remette en ce moment.

Ses explications sont accompagnés  d'un doigt pointé vers l'un des fils qui va dans le creux de son bras. 

—Et toi? Ton crâne va bien?

—Oui, arrête de t'inquiéter pour moi... 

Ma voix parait plus rustre que je ne le voulais. Je trouve ça juste injuste qu'il s'inquiète autant pour moi alors que c'est lui qui devrait être au centre de l'attention.

—Je suis sincèrement désolée Jake.

—Non! Tu n'as absolument rien à te reprocher!

Il se relève subitement - du moins il essaie - s'appuyant un peu plus pour se mettre en position assise.

—Si, j'aurai dû te défendre, mais j'ai rien pu faire face à Tyler.

Je m'effondre.

—Leïa, la seule personne qui doit s'en vouloir ici c'est moi, d'accord? C'est moi qui t'ai introduit dans ma vie et en faisant ça, je t'ai donné le lot de problèmes qui allait avec. C'est moi qui aie été incapable de régler la situation et surtout, de te protéger comme j'aurai dû le faire depuis la seconde même où tu es venu chez moi.

Je baisse les yeux, Jake prends mon visage par le menton et s'approche. Après avoir senti son souffle glissant contre mon visage, il m'embrasse au creux de mes lèvres. Il revient ensuite à sa place d'origine, un sourire au visage. Une longue sonnerie monotone se fait entendre dans la pièce. Je reconnais cet horrible son. J'appelle les infirmiers la seconde d'après.

—Putain Jake! Ne m'abandonne pas s'il te plait! Je t'en supplie!

Je hurle à en perdre mes poumons. Jake est en train de mourir. Devant mes yeux noyés par les larmes. Je ne sais si je lui reparlerais un jour, si je pourrais l'embrasser de nouveau.

La seule chose que je sais à cet instant, c'est que son cœur vient de cesser de battre.