Le trajet menant au domicile de Jake dure moins d'une vingtaine de minutes. La route est calme, rythmée de temps à autre par des voitures passant dans le sens contraire. Une musique des Fall Out Boy vient occuper ce silence afin de m'empêcher de somnoler moi aussi.
Quand on entre dans une impasse, je comprends qu'on arrive. La maison semble grande mais défraîchie, les volets en bois sont brisés, tels du verre, la peinture de la porte écaillée. À vrai dire, je ne suis pas rassurée à l'idée d'arriver dans une voie sans issue, je ne connais absolument pas le quartier et ce n'est pas un garçon au bord du coma éthylique qui va me défendre de quoique ce soit. Mais je ne peux plus faire marche arrière. Conduire à travers ces chemins sinueux et escarpés est donc une très mauvaise idée, surtout maintenant.
Lorsque je coupe le moteur de ma voiture, Jake semble reprendre quelque peu ses esprits, mais toujours au bord du vomissement impromptu.
— Tu te sens de marcher ?
Il acquiesce légèrement, s'extirpant du petit habitacle de ma voiture tant bien que mal. Malgré que ce soit chez Jake, je décide de prendre les devants et lui prends ses clés.
Essayant les clés du trousseau une par une, je trouve finalement la bonne. L'ouverture de la porte d'entrée produit un grincement dans tout l'habitacle. L'intérieur de la maison est nettement moins défraîchie que l'extérieur, même si celui-ci mérite un bon coup de peinture. Lorsque je franchis le pas de porte, un escalier se présente à nous, dévoilant alors un premier étage. A ma gauche, se trouve une cuisine plutôt modeste et de l'autre côté, le salon et la salle à manger.
— Merci de m'avoir ramené, et pardon de m'être mis dans un état comme ça...
— Ne t'excuses pas.
J'étais sincère. L'alcool est tellement trompeur et on ne e rend compte de rien surtout lorsque l'on joue à un jeu d'alcool comme le beer pong. Les tours s'enchaînent, les verres aussi.
— Ça va aller pour repartir?
Honnêtement, j'étais crevée. J'avais presque trois quarts d'heure de route et je ne me sentais clairement pas de les faire.
— Franchement non, je suis claquée. Je peux crécher cette nuit sur ton canapé? Au moins quelques heures? Que je puisse rattraper un peu de sommeil.
— Vu tout ce que tu as fait pour moi ce soir, il n'y a pas de problème Leïa. Alors, ma chambre est en haut, donc je te la laisse. Fait abstraction du bordel, s'il te plait. Je ne pensais pas recevoir quelqu'un en partant il y a trois heures de ça.
Ses mains s'enfouissent maladroitement dans ses poches arrières de jeans tandis qu'il se balançait timidement sur ses fines jambes, son teint blafard encore plus livide qu'au début de la soirée. Rester ici me permettrait de garder un œil sur lui, je ne voudrais pas avoir un accident sur les bras. Il pourrait très bien s'étouffer avec son vomi ou je ne sais quoi d'autre alors je serai mieux de veiller sur lui juste ce soir.
— T'en fais trop Jake, le canapé me suffit.
— Mais oui bien sûr. Allez, va dormir, il faut que tu te reposes.
Il ne me laisse pas le temps de contester puisqu'il est déjà en direction du salon. Il oriente furtivement sa tête dans ma direction en m'adressant un doux sourire puis je monte à l'étage. Je trouve rapidement sa chambre, une pièce assez grande, sûrement la plus large de la maison. En m'allongeant dans le lit, je n'arrive pas à dormir. Je m'occupe à regarder les murs de la pièce; tous recouverts de photos, d'articles de journaux. Jake a raison sur au moins un point: sa chambre est un sacré bordel. Les heures passent, l'aube pointe le bout de son nez quand je redescends pour venir voir Jake. À ma grande surprise, il ne dort pas, lui non plus.
— Tu fais quoi ?
— Je fume un joint, et je réfléchis.
— À quoi ?
— À tout. Et surtout à rien. Je n'arrive juste pas à dormir, comme la plupart des nuits.
— Je me disais... Je t'ai raconté mon histoire. Mais pas toi.
— Ah oui ? Et tu veux savoir quoi hein ?
Il exhale un peu froidement, de la fumée s'échappant doucement de ses lèvres.
— Tout. Ou du moins, ce que tu m'accordes à savoir pour aujourd'hui...Je voudrais savoir comment tu en es arrivé là aujourd'hui, tes bleus au cœur.
Je prends un coussin du canapé pour m'asseoir confortablement par terre et pose ensuite ma tête sur son épaule.
— Alors, je suis un peu comme toi en fait. Je ne connais pas mes parents. À la différence, c'est qu'ils m'ont foutu à l'orphelinat, histoire de fuir les problèmes tu vois. Et vers 16 ans, j'ai passé quelques temps en centre de désintoxication, à cause de la drogue. Et me voilà aujourd'hui, j'ai 21 ans et j'ai le sentiment de n'avoir rien accompli dans ma vie, à part m'être attiré des problèmes.
— Non regarde, tu as attiré mon attention sans t'attirer de problèmes derrière.
Il m'embrasse sur le sommet de mon crâne avant qu'on se lève. D'un mouvement, il tire une latte sur son joint et écrit quelque chose sur son téléphone avant de marcher vers l'entrée.
— Je te laisse, il faut que j'aille voir un mec. Je reviens tout à l'heure. Attends-moi.
Il écrase son joint dans le cendrier de la table basse et part vers la porte d'entrée.
— Tu vas voir Tyler c'est ça ? Tu lui dois du fric. Je m'en souviens t'avoir entendu mentionner son nom à la soirée d'hier. Je me trompe ?
— Je serai là dans une heure.
Je sais qu'il n'a pas l'argent, peu importe la somme. Une heure passe, puis deux, et enfin trois. A vrai dire, à mesure que les heures passent, mon angoisse grandit. Je tourne en rond dans cette baraque à tel point que je pense en devenir cinglée. Il est dix heures quand la porte s'ouvre violemment. Jake arrive, le visage et les mains en sang. Avant même d'avoir prononcé un mot, il s'écroule au sol. Le seul bruit de mes sanglots retentit alors dans la maison délabrée.
VOUS LISEZ
Addictions.
RomanceTout me semblait dérisoire à présent. Je n'avais nulle part où aller. Il est vrai que je n'avais pas mis longtemps avant de prendre la décision de partir de chez ma tante, Faith. Enfin, de fuguer serait un mot plus approprié à la situation. Je ne po...