Même Léthé s'évapore

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L'été se prolongeait dans sa candeur étrange et septembre avait fini par poindre, avec lui, la rentrée à Poudlard et les jeunes sorciers qui se pressaient entre ses vieux murs humides. Hermione avait frissonné en marchant là où, quelques mois plus tôt, ce n'était que ruines, débris, corps dispersés aux membres écartelés quand ils étaient encore rattaché à leur tronc , ou reconnaissables... La guerre, la mort, rend tout anonyme. Ce qui avait été devient étranger, l'état de ceux que l'on a connu nous devient méconnu, incertain. Les traits sont semblables sur les visages détendus et pourtant rien n'est plus comme avant. La jeune femme se surprit à rejouer les souvenirs de sa première année, quand tout le drame, les massacres et même la discrimination liée à son sang n'effleuraient pas encore son esprit.

Hermione aurait aimé que la berceuse rouillée du train la happe suffisamment longtemps pour s'évader plus loin encore. Alors qu'elle se déplaçait tranquillement dans le château, elle pouvait encore entendre les gémissement de ses roues faire écho dans son esprit.

L'école avait été rapidement reconstruite, au-moins partiellement, certaines salles étaient toujours condamnées mais la plus part étaient fonctionnelles.
Suffisamment pour accueillir les élèves, y compris les premières années qui, avaient été nombreux à se présenter sous le choipeaux et à subir les acclamations coutumières. Elle n'avait pas réellement le cœur aux réjouissances, les préoccupations trop nombreuses assiégeaient ses pensées.

Hermione s'était sentie coupable de quitter Bellatrix. Elle lui avait promis une rencontre hebdomadaire mais avait du se résoudre pour suivre son cursus. En réalité, avant d'être impliquée avec la Mangemort, la jeune sorcière avait même presque renoncé à l'idée de retourner à l'école. Elle avait l'impression que ce monde-ci ne voulait pas d'elle. Qu'avait-elle vécu depuis son arrivée? La lionne avait risqué sa vie à de trop nombreuses reprises, souffert le martyre, expérimenté des émotions qu'elle n'imaginait pas exister, perdu sa seule famille, combattu et vu ses amis tomber. Elle n'était plus sure que tout cela en vaille la peine. C'était une trop grande perte, la magie ne justifiait pas un tel prix.

Les semaines s'étaient calmement écoulées, Draco s'était rendu plusieurs fois à la clinique, s'est lui même ouvert, la crainte qu'il nourrissait envers la Gryffondor s'était amenuisée et il s'était même consolé de la retrouver à Poudlard. Bellatrix était toujours troublée par ses cauchemars mais n'avait plus fait mention de quoi que ce soit concernant la jeune femme. Leur relation s'était aplanie, la sorcière avait bien cherché à réclamer quelques justifications mais la Gryffondor s'était contentée de dresser ses barrières mentales tout en esquivant les questions plus ou moins adroitement. Les deux sorcières s'étaient trouvé un équilibre, assez confortable quoiqu'un peu précaire. Bellatrix était une bombe à retardement dont la déflagration pouvait détonner à tout instant. La Gryffondor avait appris à se méfier des serpents, sournois, malin, particulièrement vifs, mais en plus de ces qualités, la Mangemort comptait parmi les personnes les plus imprévisibles qu'il lui ait été donné de rencontrer.

Au banquet ce soir là, elle s'était contentée de picorer sur le bout des lèvres. Le Professeur McGonagall n'avait pas mentionné le sujet Bellatrix Black pour son plus grand soulagement. Les correspondances régulières établies entre elle et le Ministère avaient été suffisantes et elle savait qu'elle aurait le loisir de s'entretenir avec son enseignante favorite pendant les jours à venir. La jeune femme s'était contentée de porter son attention sur les discussions faussement enjouées de ses amis. Les sévices de la guerre rodait encore entre les murs et les pertes trop récentes pour espérer les ignorer. Neville scrutait les plats colorés d'un œil vide, la bonne humeur pourtant caractéristique de Ginny s'était évaporée elle aussi. Ses ongles courts grattaient nerveusement la surface vernie de la longue table. Nul ne parvenait à tenir la conversation qui s'écroulait après quelques échanges aussi plats qu'ils puissent être. La jeune femme s'était rapidement excusée, incapable de tenir les regards sombres de ses amis. Plus que jamais, Harry et Ron lui manquaient terriblement. Le rouquin avait cette capacité incroyable qui lui permettait insuffler la vie à toute situation. Elle s'était surprise à regretter ses interventions un peu naïves. Il lui manquait. Terriblement. La brune quitta rapidement la grande salle pour trouver refuge dans sa chambre. Le statut de préfet permettait certains avantages non négligeables et la chambre isolée en était un qui lui plaisait plus qu'elle n'aurait accepté se l'admettre.

La lumière du Phare a fait naufrage à Marée basseOù les histoires vivent. Découvrez maintenant