Chapitre 31

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Le mardi suivant, c'était le vingt-neuf avril. Les cours avaient repris sans aucune pause pour Lily ou Hugo. Tout semblait normal, mais rien ne l'était réellement.
Depuis quelques jours, il régnait une chaleur inattendue, alors que l'été n'aurait pas dû être installé avant deux mois. On n'attendait qu'une chose, c'était qu'il pleuve.
Comme la veille, comme depuis une semaine, une boule se forma dans le creux du ventre de Lily. Particulièrement maintenant, elle n'avait vraiment pas envie de se rendre en cours.

Les chuchotements dans les couloirs s'accentuaient dès que les étudiants l'apercevaient. Elle ne savait trop comment, quelqu'un avait su qu'elle se trouvait au centre lors de la fusillade, appris sa version des faits, et avait alors lancé la rumeur en ville.
Les gens jasaient, la fixaient sans la moindre gêne. Ils se fichaient de savoir que l'adolescente n'avait pas besoin de leurs regards indiscrets et insistants, ils s'en moquaient de la comprendre. Tout ce qu'ils voulaient, c'était du sensationnel.

À cette rumeur qui s'était diffusée comme un virus, une autre s'était ajoutée. Certains savaient que Lily ne croyait pas à la version de leur Gardien, et même pire : qu'elle affirmait avoir vu le tireur se donner la mort.
On la prenait pour une folle, on la montrait du doigt, on la traitait de tous les noms. "Cinglée", "menteuse", "traître".
Ce dernier mot, en particulier, ressortait dans les discussions. À chaque fois, cela lui déchirait un peu plus le cœur. Quoi qu'elle fasse, elle les entendait. Elle aurait pu se couper les oreilles, se faire éclater les tympans sans que cela ne change quelque chose.

- Regarde, c'est elle. Elle était à la Tour. Il paraît qu'elle est devenue folle, dit un élève à une de ses camarades de classe.

- Quoi ? Mais pourquoi ? Demanda cette dernière.

- Il paraît qu'elle a eu des hallucinations... Elle aurait vu le tireur se suicider, répondit-il.

Et ils avaient éclaté de rire, bien évidemment.

- Ne fais pas attention à eux, dit Hugo. Ils ne savent que ce que Charles veut bien leur montrer.

Lily osa à peine lui sourire. Elle n'avait pas oublié leur baiser. 
Très peu de personnes étaient au courant de ce qu'elle avait raconté à propos de la fusillade. Qui avait donc répandu la rumeur ?

- Je vais étriper celui ou celle qui a fait ça.

Elle se demandait qui avait osé répéter sa version des faits à tout le monde. Malgré elle, son cerveau soupçonnait ses amis, les seuls à qui elle avait confié la vérité, sa vérité.
Mais son cœur ne pouvait s'y résoudre. Quand elle voyait Amélia essayer de lui remonter le moral en faisant des blagues stupides, Samuel qui arrivait toujours à trouver les bons mots pour la rassurer, elle ne pouvait imaginer être trahie par eux. Encore moins par les autres.
Amélia et Samuel s'étaient d'ailleurs excusés de leur comportement à Chicago. C'était déjà oublié.

Alors qui avait été mis au courant à son insu, si ce n'était pas eux qui avaient craché le morceau ?
Pour le moment, elle se contentait de supporter la situation, même si elle commençait franchement à péter les plombs.

Le plus dur, ce n'était pas de supporter ces regards, mais bel et bien de les supporter tout en sachant la vérité, tout en sachant qu'elle avait raison.

Alex arrivait heureusement à la faire rire. Il s'était autoproclamé garde du corps de la jeune fille, alors à chaque fois qu'un élève posait ne serait-ce qu'un regard sur elle, le jeune homme le menaçait immédiatement de son poing et lui lançait un regard meurtrier.
Maintenant qu'il avait vu les souvenirs de l'adolescente et comprit qui était le véritable traître dans cette histoire, il ne laisserait plus personne dire que son amie était une menteuse devant lui. C'était sa façon de se racheter auprès d'elle.
Plusieurs fois, des élèves pâlirent à la vue du jeune homme qui leur faisait de gros yeux, et cela avait le don de faire rire l'adolescente. Il fallait dire qu'il était très convaincant, dans son rôle de garde du corps. Néanmoins, l'adolescent ne pouvait pas être partout. Les chuchotements allaient bon train, et les rumeurs s'intensifiaient. Si bien qu'à la fin de la journée, la jeune fille était à bout de nerfs.
Elle fermait son poing tellement fort que ses ongles s'enfonçaient dans la paume de ses mains, laissant une marque temporairement indélébile.

À l'amour, à la guerre | TOME 1  : DésillusionOù les histoires vivent. Découvrez maintenant