D E U X

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Je n'ai pas croisé mon voisin de la semaine, et aujourd'hui je vais au lycée en souriant. Il ne fait pas très beau et le ciel gris menace de déverser des trombes d'eau sur la ville. J'ai pris une doudoune noire qui me protège bien du froid et je marche donc tranquillement en direction de l'école. Lorsque j'arrive, je me dirige directement vers ma salle, je sais que je vais y trouver Marie, une amie proche avec qui j'ai eu la chance d'être dans la même classe cette année. Elle s'y tient effectivement, et sourit en me voyant.

- Simon ! Comment vas-tu ?

- Bien, et toi ?

Elle hoche la tête et sourit un peu plus.

- Très bien, merci. Tu m'as manqué, soupire-t-elle. Je déteste aller chez mon père.

Je lui adresse un regard compatissant. Son père est un connard qui n'en a rien à faire d'elle, mais elle est contrainte d'y aller à chaque vacances.

- Je me suis bien fait chier, moi aussi. Par contre, j'ai enfin un garçon de notre âge dans mon immeuble !

Elle penche la tête vers moi, intéressé.

- Ah ?

Je hoche vigoureusement la tête et fais la moue.

- Il n'est pas très gentil. Mais il doit bien venir au lycée, alors je vais l'embêter un peu.

Elle soupire mais lâche tout de même un petit rire.

- Du Simon tout craché.

Peu de temps après, on rentre en classe et quelqu'un toque à la porte juste après. Un surveillant entre dans la pièce suivit de mon charmant voisin.

- Bon, vous avez un nouveau camarade de classe.

Sur ce, il repart et le professeur lui demande de se présenter.

- Je m'appelle Loïc, finit-il par dire contrecoeur.

- Bien, va t'asseoir à la quatrième rangée, au milieu.

Son regard parcourt la salle et se pose sur moi. Je lui souris de toutes les dents lorsqu'il passe devant moi pour s'installer de l'autre côté de la rangée. Il se contente de me lancer un coup d'œil froid. Je chuchote à Marie, à côté de moi :

- C'est lui.

Elle l'observe attentivement puis me glisse.

- Il est pas mal, merde.

Je lui décoche un petit coup de coude et on pouffe de rire tous les deux. Au moins, je sais désormais son prénom. Loïc. Je n'arrive pas à déterminer si ce prénom lui va ou pas. Avec ses cheveux châtains et courts et son allure renfrogné, on dirait un peu un mec de cité, mais il est habillé plutôt classiquement, d'un jean noir et d'un sweat-shirt gris.

- Arrête de le fixer, on est en cours.

Je reporte mon attention sur mon prof de français, sans grande conviction. Alors que je commence à prendre des notes, je décide de jeter un regard en direction de Loïc. Il a l'air très concentré et écrit à toute vitesse. Je décide de faire de même.

La matinée passe sans que je puisse lui adresser la parole, mais à midi, je le vois dans la file d'attente du self, seul. Je prends Samuel par le poignet et le traîne dans mon sillage pour dépasser tout un tas de personnes qui râlent. Lorsque je parviens enfin à sa hauteur, je l'interpelle et il se retourne, étonné. Il s'aperçoit que c'est moi et se rembrunit.

- Qu'est-ce que tu me veux ?

- Manger avec toi.

Il lève un sourcil, juste un.

- Pourquoi faire ?

- Bah, pour pas que tu sois tout seul, dis-je en haussant les épaules de manière désinvolte.

Il soupire et plonge son regard brun dans le mien.

- Merci, mais je ne veux pas de ta compagnie.

- Je sais.

J'entends mon meilleur ami étouffer un ricanement. Il sait très bien ce que je compte faire. Cependant, Loïc ne semble pas du tout amusé et le fixe d'un œil noir.

- Pourquoi tu rigoles, toi ?

Il a du culot de lui parler comme ça. Il mesure presque un mètre quatre-vingt-dix et a une carrure d'athlète, tandis que sa voix au timbre grave résonne comme un cor lorsqu'il parle. Mais Sam se contente de lui sourire un peu plus. Il est pacifiste malgré ses allures de brute.

- Rien, rien.

Il lui jette de nouveau un regard mauvais quoique interloqué. Aucun d'entre nous ne parle jusqu'à l'entrée du self, et Loïc part en direction d'une table isolée, où je le suis accompagné de Sam. Ce dernier pose son plateau avec un peu trop de violence sur la table et tire la chaise brusquement. Il pose ses coudes sur la table et se concentre sur moi.

- Je ne voulais pas que vous mangiez avec moi, fais mon voisin.

- Tu n'as malheureusement pas le choix.

Il laisse échapper un grognement énervé.

- Pourquoi vous faites ça ?

- Je te l'ai déjà dit, je veux être ton ami.

- Et lui ? Demande-t-il en désignant Samuel d'un mouvement de tête.

- C'est mon garde du corps, je prétends en essayant de garder contenance.

Le concerné approuve d'un hochement de tête dynamique. Peut-être un peu trop d'ailleurs, car j'entends son cou craquer.

- Je te crois pas.

- Et t'as bien raison, dis-je en pouffant.

Il roule des yeux mais n'ajoute rien. Bien décidé à nous ignorer, il plonge ensuite dans son plateau et mange rapidement, si bien qu'il a fini bien avant moi. Il se lève donc, attrape son sac et part aussi vite qu'il le peut.

- Sympa ton pote, commente mon ami.

Je hausse les épaules et prends un air convaincu.

- Ça va changer.

Il me fixe pendant quelques secondes, puis prononce d'une voix lasse, comme s'il s'y attendait.

- Combien de temps ?

Je prends un moment pour réfléchir. S'il n'était pas mon voisin, j'aurais dit deux semaines, minimum. Mais cet avantage est indéniable, je réponds donc.

- Une semaine.

Il siffle dans un élan d'admiration.

- Hé, t'es courageux, il a pas l'air simple, l'énergumène.

- Pff, l'appelle pas comme ça, dis-je lui donnant un léger coup de coude.

- On en reparle la semaine prochaine, hein ?

Le Carnet Rouge [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant