Le Carnet Rouge [BxB]

D I X - N E U F

- Je suis épuisé, je soupire en me laissant tomber sur le canapé.

Loïc s'assoit aussitôt à côté de moi et je me love contre lui.

- Je sais.

Je ferme les yeux et respire son odeur si agréable, dont je suis sûr que je ne me lasserai jamais. Il se racle la gorge et me dit d'une voix hésitante.

- Dis, aujourd'hui Marie a évoqué une certaine Lydia...

- Et tu te demandes qui c'est et ce qu'il s'est passé entre elle et moi, je termine.

Il hoche timidement la tête.

- Mais si tu n'as pas envie d'en parler je comprendrais.

- Non, c'est bon. Tu as le droit de savoir.

Je me relève un peu et prends une grande inspiration.

- Lydia, c'est une ancienne amie.

Il penche la tête sur le côté pour m'inciter à continuer.

- Elle était nouvelle dans le lycée en première, un peu comme toi. Et j'ai voulu l'aider à s'intégrer, alors j'ai fait un peu comme avec toi, je suis devenue amie avec elle assez rapidement, mais ça ne s'est pas passé tout à fait pareil. En fait, au bout de deux ou trois semaines, elle a laissé entendre qu'elle voulait plus que de l'amitié avec moi. Sauf que ce n'était pas réciproque, alors j'ai essayé de lui faire comprendre gentiment. Et puis, on était à une soirée, et elle l'a avoué devant tout le monde. C'était sûrement le moment le plus gênant de ma vie. Mais mes sentiments envers elle étaient toujours inexistants. J'ai voulu l'amener à l'écart pour lui dire, mais elle n'a rien voulu entendre, elle m'a carrément fait une déclaration d'amour. Elle avait bu et elle n'était pas tout à fait elle-même. Alors quand je lui ai dit que je ne l'aimais pas comme ça et qu'elle n'était qu'une amie à mes yeux, elle l'a mal pris et a prit son vélo pour rentrer chez elle. Je ne l'ai pas retenue et elle a eu un accident sur la route.

Je m'interrompt, les larmes aux yeux. Ça fait longtemps que je n'avais pas parlé d'elle.

- Elle est allée à l'hôpital et elle en est ressortit paraplégique. Et c'est de ma faute.

Loïc me prend aussitôt dans ses bras et sèche mes larmes avec sa manche.

- Je ne connais pas toute l'histoire mais ce n'est pas de ta faute. On ne contrôle pas ses sentiments, et si tu ne l'aimais pas elle n'aurait rien pu faire pour changer ça.

J'enfonce ma tête dans son cou. Je ne sais pas s'il a raison car je ne suis pas objectif sur cette histoire, mais j'espère sincèrement que c'est le cas. En attendant, il m'embrasse sur le dessus de la tête et dit :

- Je suis content que tu m'en ai parlé.

- Moi aussi.

Je me mords soudain la lèvre, me rappelant soudain qu'il y a quelque chose que je dois lui avouer.

- Il y a quelque chose d'autre que je dois te dire. Il ne faut pas que tu le prennes mal.

- Je t'écoute.

- Avec Sam, on aide les gens à s'intégrer dans le lycée. Ça fait deux ans qu'on fait ça et ça a aidé pas mal de personnes. C'est ce qu'on a fait avec toi aussi, avec Lydia, et avec un tas d'autres gens.

- C'est tout ? Je ne vois pas pourquoi je le prendrais mal.

Je secoue la tête. Je redoute un peu sa réaction, parce que je sais que ce n'est pas quelque chose de bien.

- Bah en fait... on parie sur le temps que je mets à devenir ami et à intégrer les gens que j'aide.

Il le regarde avec étonnement.

- Vous faites vraiment ça ?

Je baisse la tête et dis d'une voix penaude.

- Ouais.

Il éclate de rire, ce rire dont j'ai l'impression de ne pas avoir assez entendu, et s'exclame :

- Mais c'est rien du tout !

Je le regarde, sidéré.

- Tu ne m'en veux vraiment pas ?

- Bah non. Si tu n'avais pas fait ça on ne se serait jamais rapproché aussi vite.

Soulagé, je me presse contre lui.

- T'es le meilleur, merci.

Il continue de rire et m'embrasse doucement.

- Je t'aime.

- Moi aussi je t'aime.

Je sais qu'on est niais, mais depuis le mois où on est ensemble, je n'ai jamais été aussi heureux. Et je crois que lui aussi. Quand j'ai dit à mon père que j'étais avec un garçon, il a juste détourné les yeux et secoué la tête. Depuis, il m'ignore et ça me va très bien. Ma mère, elle, a plutôt bien réagit malgré sa surprise. Elle veut mon bonheur, alors elle s'en fiche un peu que ce soit avec un garçon ou une fille que je le trouve.

Quant à Loïc, son père a été arrêté et je ne sais pas trop où il est, mais pour l'instant Loïc vit toujours au deuxième étage de mon immeuble, et s'est vu attribuer une sorte de tutrice pour gérer sa vie la temps qu'il ait sa majorité. Il a fait allusion comme quoi il allait être majeur dans quelques semaines, il ne serait donc pas obligé d'aller en famille d'accueil en attendant que sa mère sorte de sa cure de désintoxication. Ce qui m'arrange, car je n'ai pas envie d'être loin de lui.

Pendant l'été, après notre bac, on va travailler tous les deux, sans doute pas au même endroit. Je veux me faire un peu d'argent avant d'aller à la fac, que ma mère paiera avec les économies qu'elle a fait pour moi. Lui, il aimerait bien aller dans un école d'art, mais il ne sait pas encore s'il va y être accepté. Je trouve qu'il le mérite amplement, ses dessins sont tout simplement magnifiques. Si l'école l'accepte, on aura une chance d'être dans la même ville, et si on s'aime toujours, j'espère qu'on habitera ensemble. Je ne sais pas pourquoi, mais je me projette vraiment dans l'avenir avec lui.

À chaque fois que je pense à lui, j'ai ce sentiment dingue que je n'arrive pas à définir et qui me rend si heureux que j'ai l'impression de planer. Et quand je réfléchis à notre rencontre, je ne peux m'empêcher de rire, parce qu'on s'est attaché tellement vite l'un à l'autre que c'en est drôle. Sérieusement, une semaine ? C'est vraiment court pour tomber amoureux. J'aime bien me dire que ça a été un coup de foudre. Peut-être pas, mais c'est agréable d'y croire. Tout semble agréable avec lui, même les quelques petites disputes qu'on a eu. Elles rendent notre couple un peu plus réel et me rappelle que je ne vis pas encore au pays des bisounours.

Mais imaginer un futur avec Loïc, repenser à tous ces bons moments qu'on a déjà vécu et qu'on va vivre ensemble, me rends tant euphorique que je l'embrasse, me rappelle encore à quel point je l'aime.

Fin