O N Z E

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- Hey !

Loïc m'adresse un sourire et répond avec un peu moins d'entrain.

- Salut.

On descend tranquillement les escaliers et on sort dans la rue.

- Ça s'est bien passé avec ton père, hier ? Demande-t-il.

Je hoche la tête, pas le moins du monde perturbé par sa question.

- Ouais. Je suis allé dans ma chambre et j'y suis resté jusqu'au dîner. Je ne l'ai pas revu.

- Ah ok.

Il semble soulagé. Après ce à quoi il avait assisté hier, il devait être inquiet, parce que les traits de son visage se détendent.

- Et toi ?

- Ça va.

Je l'observe. Il a l'air fatigué, comme s'il avait passé une bonne partie de la nuit sans dormir.

- Pourquoi t'es fatigué ?

Il soupire.

- Je ne peux donc rien te cacher. Mon père faisait du bruit, et je fais des insomnies.

- Oh, pas cool.

Il hausse les épaules, comme s'il était habitué, ce qui est certainement le cas.

- Au fait, je me disais qu'on pourrait échanger nos numéros de téléphone, comme on va se voir souvent. En plus, on pourra parler. Je serais dispo si tu veux te plaindre de ton père.

Il rougit un peu et je sens sa gêne. Il accepte cependant et sort son portable de sa poche. Il le déverrouille pour me le tendre et précise :

- Enregistre ton numéro.

Je lui souris et sors le mien pour faire de même. On se rend nos portables quelques secondes plus tard en riant. Il y a longtemps que je n'avais pas fait ça.

- Hé, pourquoi tu as rajouté un cœur à côté de ton prénom ?

Je rigole et le pousse un peu.

- Mince, je ne pensais pas que tu allais regarder tout de suite.

Il lève les yeux au ciel et range son portable. Je suis surpris qu'il n'est pas pris le temps d'enlever le cœur. On est pas assez proches pour ce genre de choses et j'en suis conscient. On arrive au lycée, et une nouvelle journée de cours commence. Le jeudi est ma plus longue journée. J'ai des cours toutes les heures sauf à midi, de huit heures à dix-huit heures. En plus de ça, le self est encore plus rempli que les autres jours.

Cependant, la journée passe atrocement vite. Je mange rapidement avec Marie et Loïc et rentre à pied avec ce dernier. Aucun événement particulier ne vient agrémenter les classes et je n'ai aucune réelle discussion avec mes amis, avec qui je mange en quatrième vitesse car on est en retard. C'est seulement lorsque je m'allonge sur mon lit, le soir, que je prend son portable et me rappelle que je peux désormais contacter mon nouvel ami à tout moment. Ce que je m'empresse de faire.

Moi > Heyy tu survis ?

Je souris en pensant que lorsqu'il va regarder son téléphone, il va voir un petit "Simon ♡" s'afficher sur son écran. Il ne tarde pas à répondre, ce qui m'étonne plutôt.

Loïc > Ça peut aller. Et toi ?

Moi > Ouais, je suis encore seul.

Loïc > La chance.

Moi > Désolé pour toi :/

Loïc > T'inquiète, j'ai l'habitude.

Moi > C'est moche quand même. Tu veux m'en parler ?

J'ai conscience que c'est une tentative un peu désespérée, mais sa réponse me fais chaud au cœur.

Loïc > Je peux t'appeler ?

Moi > Bien sûr.

J'attends quelques secondes en me mordant la lèvres. Les secondes semblent devenir des minutes. Peut-être qu'il a changé d'avis. Mais je vois finalement mon écran s'allumer sur son appel entrant. Je décroche aussitôt.

- Ça va ? Dis-je directement.

Je l'entends respirer profondément.

- Honnêtement, pas trop.

Sa voix est brisé, il semble avoir pleuré.

- Qu'est-ce qu'il s'est passé ?

Je parle doucement, comme si un ton trop fort ou trop brusque allait le blesser.

- Il a recommencé.

Il tente de se maîtriser et entendre son souffle tremblotant me fait un coup au cœur.

- Recommencé quoi ?

- À boire. Il... il devient violent lorsqu'il boit.

Je le relève subitement. Je ne m'attendais pas à ça.

- Violent... il te frappe ?

- C'est déjà arrivé.

Je prends une grande inspiration et pose une main sur mon visage, pour me persuader que je ne rêve pas.

- Et là ? Rassure-moi, il ne te blesse pas ?

- Pas physiquement. Mais... les mots, ça blesse. Beaucoup plus, parfois.

- Merde. Je suis tellement désolé.

Je ne sais pas trop quoi dire. J'aimerais juste le sortir de son appartement.

- Tu veux venir chez moi ?

- J'aimerais bien, mais je ne peux pas.

- Ton père ne veut pas que tu sortes ?

- Il m'enferme dans ma chambre.

- Quoi ?!

Je me lève subitement. Quelle situation de merde. Son père est dix fois pire que le mien. Enfermer son propre fils dans sa chambre ? C'est juste horrible.

- S'il te plaît, calme-toi. J'ai l'habitude.

- Mais... tu n'as pas à avoir l'habitude ! Merde, pourquoi t'es encore avec lui ? Demain soir, tu viens chez moi.

- Simon...

Sa voix est un gémissement. J'entends une voix derrière lui. Une voix qui crie. Qui l'insulte. J'enfonce mes doigt dans mon matelas, comme si ça allait changer quelque chose. Loïc ne coupe pas le téléphone. Il ne parle pas, je ne l'entends pas pleurer non plus. Quand la voix s'arrête, je n'entends plus rien pendant un long moment, avant que des sanglots déchirent le silence.

- Loïc ? Qu'est-ce qui s'est passé ?

- Je suis désolé que tu ai entendu ça.

- Ne t'excuse pas. Surtout pas. Je...

Je lutte pour ne pas foncer chez lui et l'arracher aux griffes de son géniteur.

- Je vais t'aider, d'accord ?

- Comment tu comptes faire ça ? Je n'ai plus d'autre famille, Simon.

- Ta mère n'est plus là ?

- Ma mère est en cure de désintoxication. C'est pour ça que je suis venu vivre avec mon père. Au début ça allait. Pendant quelques jours. Je me suis dit que ça allait rester comme ça. Mais ça a recommencé. Ça recommencera toujours.

- Ne dis pas ça. Je te promets que je vais t'aider à arrêter tout ça. Tu m'entends ? Je te fais une promesse, Loïc.

Le Carnet Rouge [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant