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- Alors, ça t'as plu ? Je demande à Loïc alors qu'on rentre à pied à l'immeuble.

- Oui, c'était sympa. Tes amis sont... énergiques.

Je pouffe de rire.

- C'est le moins qu'on puisse dire. Ils sont épuisants, c'est pour ça que je reste beaucoup avec Marie, au lycée. Elle est plus calme.

Il hoche la tête et sourit vaguement. On marche quelques mètres sans rien dire avant qu'il ne prenne la parole.

- Excuse-moi de te dire ça, mais j'ai cru comprendre que la raison du surnom qu'ils t'ont donné n'est pas celle qu'ils m'ont dit. Je me trompe ?

Je fronce les sourcils et me crispe un peu.

- Non, tu ne te trompes pas.

Il semble sur le point de me demander la vrai, mais il doit se rappeler mon expression à ce moment-là et s'abstient.

- Désolé, mais je ne te le dirais pas tout de suite. C'est assez personnel.

- Oui, j'avais compris. Je te posais la question juste pour savoir si l'impression que j'avais eu était correcte ou pas.

Je lui lance un petit sourire un peu crispé.

- Elle était juste.

- Désolé de t'avoir demandé, je ne veux pas te gêner ou quoi. T'as le droit d'avoir des secrets.

Je me détends et ris en pensant que je parle avec le gars le plus secret que j'ai jamais connu.

- T'inquiète, de toute façon je ne pense pas que ça reste secret longtemps avec ces ceux-là. J'aimerais juste...

J'hésite un peu. Je ne le connais que depuis trois jours mais je me sens à l'aise avec lui.

- Juste que ce ne soit pas trop tôt.

Je baisse un peu la tête. J'aimerais que personne ne change la vision qu'ils ont de moi juste à cause de ça. Je pense à mes parents. Mon père le prendrait sûrement mal. Ma mère est plus tolérante, ça ira peut-être.

- Hum, je ne suis sans doute pas le mieux placé pour dire ça mais... si tu veux en parler, je veux juste que tu saches...

Il s'arrête de marcher, hésite un peu et passe sa main dans sa nuque, gêné.

- On est amis, maintenant, je pense, alors, je suis là.

Dans le genre inattendu, on ne fait pas mieux. J'ouvre ma bouche et les mots restent coincés dans ma gorge. Il le remarque et s'empresse d'ajouter.

- Enfin, si tu ne veux pas, c'est pas grave.

- Non, non ! Je m'exclame quand je reprend possession de mon corps. C'est juste que je ne m'y attendais pas. Mais, avec plaisir ! Je préfère que tu l'entendes de ma bouche plutôt que dans les rumeurs au lycée. Mais je ne suis pas sûr d'être encore prêt.

Il hoche la tête, sans doute rassuré. On se remet à marcher, en silence cette fois. Alors comme ça il veut bien être ami avec moi ? Il y a trois jours, il me fuyait, et maintenant il me propose de me confier à lui. Finalement, il n'est pas si méchant que ça. Je souris tout seul en pensant que cette mission va être un succès et que je vais encore pouvoir prouver à Samuel et à Marie que j'aide les gens à s'intégrer. Je n'ai eu qu'un seul semi-échec, c'était Lydia. Ça s'est mal passé entre nous et ça s'est fini en drame. C'était il y a un an et demi. Je me dis que le temps passe vite, trop vite. Dans quelques mois, je ne sais même pas où je serais. Loin de mon père, j'espère.

Je suis sorti de mes pensées par la main de mon ami devant mes yeux.

- Désolé, j'étais perdu dans mes pensées. Tu disais ?

- On est arrivés, dit-il en désignant notre immeuble du bout de son doigt. Et ne te moque pas mais j'ai oublié mes clés.

Je ris et sors les miennes de mon sac.

- Je ne me permettrais jamais de me moquer.

J'ouvre la porte et la tient pour qu'il passe devant moi. Il me remercie et commence à monter lentement.

- Ton père est chez toi ? Je lui demande.

Il hoche la tête.

- Si tu veux, tu peux venir chez moi. Enfin, il n'y a pas grand-chose à faire mais si tu veux pas voir ton père...

Je laisse la phrase en suspens et baisse la tête, prêt à essuyer un refus.

- D'accord. Il faut juste que je rentre à dix-huit heures.

Je relève la tête et lui offre un grand sourire.

- Pas de problème.

Je passe devant lui et on monte ensemble jusqu'au dernier étage. J'arrive bien avant lui, qui n'a pas l'air d'avoir beaucoup d'endurance.

- Je ne suis pas habitué, dit-il devant mon air rieur.

Je lui souris un peu plus et l'invite à entrer. Mon appartement n'a rien de spécial, il n'y a pas beaucoup de décoration, seulement quelques photos de famille. C'est sobre, relativement propre. J'avoue qu'on a réussi à faire quelque chose de bien, même si c'est assez impersonnel.

- J'ai mes devoirs à finir, toi aussi ?

- Ouais.

Il semble un peu gêné d'être ici. Après tout, on ne se connait pas tant que ça. Je suis d'un naturel chaleureux, alors je lui propose de s'assoir et lui demande s'il veut boire quelque chose.

- Non, merci.

- Comme tu veux.

Je me prends un verre et le rempli d'eau. Je l'avale d'une traite et le repose, puis part prendre mes affaires. On a un contrôle de sciences économiques et sociales vendredi et je n'ai pas encore bien révisé. Je m'empare de mes notes et de mes cours et me laisse tomber sur le canapé, à côté de Loïc. Un peu trop près d'ailleurs, car nos genous se touchent. Ça ne me dérange pas, alors je commence à lire mes fiches. Au bout d'un moment, je me rends compte que mon ami n'a rien sorti et je lève la tête vers lui.

Ses joues ont prit une teinte rosé et il fixe ses mains.

- Heu, ça va ?

C'est tout juste s'il ne sursaute pas. Il tourne la tête et je croise son regard gêné.

- Hum, je vais faire mes devoirs.

Je hoche la tête, perplexe.

- Tu peux aller sur la table de la cuisine, si tu veux écrire.

Il bouge mécaniquement la tête de haut en bas et se lève rapidement. Il saisit son sac et je l'entends tirer une chaise, juste derrière moi. Il sort ses affaires et le silence reprend. On entend juste nos deux respirations et le bruit léger du réfrigérateur. Après vingt minutes de SES intensives, je sursaute en voyant la porte d'entrée s'ouvrir. Mon père fronce les sourcils et prononce d'une voix sévère.

- Simon, je croyais t'avoir dit de ne pas amener tes amis quand je suis présent.

Je baisse la tête. Merde. Qu'est-ce qu'il fout ici ? Il était sensé rentrer dans au moins deux heures. Je le regarde dans les yeux et tente de ne pas flancher.

- Tu ne devais pas être là, dis-je d'une voix froide qui me surprend moi-même.

- Mes horaires ont changé.

- Tu aurais dû me prévenir.

Il me défi du regard et je tiens. Au bout de quelques minutes, il soupire et dit d'une voix sèche :

- Raccompagne ton ami.

Je soupire et fais un geste à Loïc pour l'inciter à bouger. Il range précipitamment ses cahiers et sort en même temps que moi. Je ferme la porte derrière moi pour lui dire au revoir.

- Désolé que tu ai eu à voir ça.

Je ne le regarde pas. J'ai honte de mon père, qu'il soit lié à moi. Pourtant, il m'appelle d'une voix douce.

- Simon ?

Je relève la tête et me retrouve plus proche de lui que je ne l'aurais pensé.

- Oui ?

- Je comprends.

Le Carnet Rouge [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant