S I X

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Allongé sur mon lit, je ne peux m'empêcher de penser au repas de ce midi. Je n'ai pas compris ce qu'il s'est passé et ça me perturbe au plus haut point. Je reste vraiment perplexe à la réaction qu'à eu Loïc. La rougeur sur son visage, qui lui dessinait deux ovales sur les pommettes, puis sur le cou et le front lorsque Marie a mentionné un possible crush. Et enfin, sa fuite précipitée, sans raison apparente, sans explication.

Le problème, c'est que le self est énorme en plus d'être plein chaque midi. Plus de cinq cent élèves y passent, alors autant chercher une aiguille dans une botte de foin. Mais ce n'est que son deuxième jour ici, alors je ne comprends pas vraiment comment il a eu le temps de remarquer quelqu'un en particulier.

En plus, je n'ai pas pu lui reparler de la journée car il a fait tout son possible pour s'éloigner de moi en classe. J'espérais rentrer avec lui, mais j'ai réalisé qu'il n'avait pas d'options, j'ai donc du rentrer une heure et demie après lui. Et puis, je me voyais mal sonner chez lui après avoir eu un aperçu de son père ce matin.

Je suis sorti de mes pensées par des coups assez violents à ma porte de chambre.

- Simon, t'es rentré ?

Je me lève en soupirant et ouvre à mon père.

- Je suis là. Qu'est-ce que tu veux ?

Il hausse les épaules d'un air renfrogné.

- Savoir si mon fils va bien.

Je souffle et lui réponds sèchement.

- Pas besoin de jouer à ça, papa. Je m'en sors bien tout seul.

Je sais que je le blesse un peu, mais je me dis que c'est mérité.

- J'aimerai être un père correct, Simon. Tu ne veux même pas que j'essaie ?

J'expire bruyamment.

- Ça sert à rien, je m'en vais à la rentrée prochaine de toute façon. Pour quelques mois, ne te fatigues pas.

- Mais, Simon...

Cette nouvelle manie de répéter mon prénom m'agace vraiment.

- Juste, laisse-moi et vis ta vie sans t'occuper de moi. C'est ce que tu fais de mieux.

Il me fixe en se mordant l'intérieur des joues d'un air à la fois désolé et résigné.

- Si c'est ce que tu veux.

Il tourne les talons et lance, comme si ce n'était pas important.

- Ta mère revient ce soir pour le dîner et repart demain midi. Passe au moins un peu de temps avec elle.

Je hoche la tête. Je ne comprends pas trop pourquoi mes parents sont encore ensemble. Ma mère ne voulait sans doute pas me laisser seul lorsqu'elle n'est pas là. Et mon père se laisse vivre. Il profite sans doute que sa femme ne soit pas là pour aller en voir d'autres, mais je ne suis pas sûr de vouloir savoir.

En attendant le retour de ma mère, que je n'ai pas vu depuis trois jours, je me décide à faire quelque chose d'autre que des pâtes au beurres. Je trouve des lardons dans le congélateur et de la crème fraîche dans le frigo. Ça fera l'affaire pour des carbonara. Je regarde mon téléphone, il est sept heures. D'ici une demi-heure, on mangera. Je décide de sortir les pâtes et une casserole que je rempli d'eau. Ca fait longtemps que je n'ai pas cuisiné quelque chose. Généralement, ma mère me laisse un peu d'argent pour que je m'achète un sandwich ou un truc dans le même genre, le soir. Elle sait que mon père et moi on ne s'entend pas bien et qu'on ne mange jamais ensemble, car il ne cuisine pas. En rentrant de son travail, il s'arrête dans un fast-food et ne prend jamais rien pour moi.

Soudain, j'entends un bruit de clé dans la serrure et la porte s'ouvre sur ma mère. Elle semble exténuée mais sourit en me voyant.

- Simon ! Comment vas-tu, mon chéri ?

- Ça peut aller. Et toi ?

- Je suis un peu fatiguée.

Elle regarde derrière moi et son sourire s'agrandit.

- Oh, tu as préparé à manger ! Merci beaucoup, j'ai super faim et j'en ai marre des sandwichs.

Sa joie me contamine et je finis de cuisiner en riant avec elle. C'est rare quand elle est de si bonne humeur, j'en déduis que son voyage s'est bien passé. Je la fais asseoir et mets la table. Lorsque je rempli son assiette, je vois ses yeux pétiller et elle ne m'attend même pas pour commencer. Je ris devant son enthousiasme.

- On peut dire que tu avais faim ! Dis-je en m'installant à mon tour.

- Je n'ai pas pris de vrai repas depuis hier soir. Et la bouffe du train était dégueulasse.

Elle prend une nouvelle bouchée et ferme les yeux en machant.

- Mmh... c'est trop bon, bravo chéri.

- Content que ça te plaise.

Au bout de quelques minutes, mon père arrive et cela jette un froid sur l'ambiance chaleureuse qu'on avait réussi à obtenir. Je regarde la casserole encore à moitié pleine.

- C'est bon, il en reste encore plein. Tu peux venir manger.

Même si je le dis de mauvaise grâce, je sens que ça lui fais plaisir. Il ne s'y attendait visiblement pas, et ma mère non plus. Mais ça semble leur plaire, alors je me dis que pour une fois, la soirée ne sera peut-être pas trop pourrie.

Et ça me fait du bien.

Le Carnet Rouge [BxB]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant