~Paz~
Le combat faisait rage. Paz n'hésita pas à planter ses crocs dans le flanc d'un matou noir, qui hurla de douleur. Le goût métallique du sang lui emplit la gueule. Plus qu'il ne trouva cela désagréable, il y trouva une forme de puissance certaine. Oui, il était plus puissant que tout excellent guerrier. Il balaya une guerrière rousse qui voulait l'attaquer par derrière mais fut vite submergé par le nombre. Visiblement, ses autres camarades du Clan de la Plaine Sauvage aussi. Paz commençait à étouffer sous le poids de ses adversaires. Il entendait leur ricanements et leurs grognements de triomphe. Il avait perdu. Il était impuissant. Alors il accepta la suite. La mort. Il laissa ce chat noir lui porter le coup fatal, tandis que son âme quittait petit à petit son corps. Il avait échoué...
Paz se réveilla en sursaut, à bout de souffle. Cela faisait plusieurs nuits qu'ils faisait le même cauchemar, après sa visite au Néant. Il secoua la tête pour se remettre les idées en place et s'étira. Il sauta de la botte de paille sur laquelle il dormait et se servit une musaraigne sur la pile de gibier. Tout en mangeant, il admira le travail qu'il avait accomplit depuis déjà une lune. Il avait mit sa sœur au courant, qui avait juré de l'aider même si elle doutait considérablement de la viabilité d'un tel clan. Lui ne doutait pas, ou du moins, bien moins qu'elle. Une chose néanmoins le titillait. C'était ce rêve, qu'il faisait constamment, où lui et ses camarades ployaient sous le nombre des ennemis. Il ne voulait pas mourir comme ça. Sûrement pas ! Il avait fini par envoyer, il y a quelques jours, Griotte et Pervenche à la recherche d'autres combattants et ils ne devaient rentrer qu'à la demi-lune. Il espérait qu'ils trouverait du monde. En attendant, il avait une autre histoire à régler pour ce jour.
Son regard se posa à l'autre bout de la grange, où Pipa, la jeune mère, surveillait ses deux petites jouer avec de la paille. Ces trois là seraient des griffes et des crocs en plus. Mais la petite chatte écaille et blanche refusait d'apprendre à se battre et préférait s'occuper des chatons. Paz avait laissé coulé pendant toute une lune entière mais il sentait que la guerre était proche. Ils ne pouvaient pas se permettre d'avoir des bouches à nourrir qui ne servaient à rien d'autre qu'à décorer l'espace.
Ainsi sûr de ce qui allait arriver, il se leva et s'élança vers la joyeuse petite famille. Pipa leva la tête à son approche.
"Ho ! Bonjour Paz !"
Il ne répondit pas se concentra à éviter les chatonnes entrain de chahuter.
"Pipa. Je suis désolé mais il va falloir que tu commences ton entraînement. dit-il d'un ton sec
- Je ne suis pas prête Paz. répondit-elle de sa voix fluette
- Qu'importe. Que tu le veuilles ou non, tu vas apprendre à te battre. C'est pour cela que nous sommes là. Tu passeras la journée avec Soleil. Il t'inculquera les bases. ordonna le chat roux et blanc
- Quoi ? Non ! Et Plume et Clémentine ? Il faut que quelqu'un les surveille ! Je ne peux pas les laisser ! Je...
- Cela suffit ! hurla Paz, agacé par la mine horrifiée de la petite femelle. Elles iront s'entraîner avec Tulipe !
- Hors de question ! Elles sont bien trop jeunes !
- Non, Pipa ! Elles vont apprendre à se battre et combattront à nos côtés ! Le Clan de la Plaine Sauvage existe pour se battre, par pour élever des chatons !
- Elles n'ont que quatre cycles de lunes, Paz ! Tu ne peux pas les mener au combat !"
Paz dévoila ses crocs et fit face à la mère. Sentant la menace, Pipa rappela ses filles, sous le regard insistant des quelques chats présents.
"Je ne te laisserai pas faire ça." dit-elle avec conviction
Plus énervé qu'autre chose, Paz entra dans une colère noir. Lorsque Plume et Clémentine passèrent devant lui pour se refugier dans les pattes de leur mère, il envoya sa patte, griffes sorties, et les envoya valser. Pipa écarquilla les yeux en voyant les deux petits corps s'écraser au sol, quelques longueurs de queues plus loin.
"Non !!" hurla la mère
Plus rapide qu'elle, Paz se dirigea vers les deux êtres. L'une d'elle pleurait faiblement. La deuxième semblait ne plus vivre, son doux pelage gris tigré taché de sang.
"Voilà ce qui arrive lorsqu'on ne me respecte pas !
- Tu es un monstre ! pleura Pipa en arrivant aux côtés de ses filles. Ho mes douces !"
Mais Paz ne lui laissa pas le temps de prendre Clémentine entre ses pattes qu'il abattit de nouveau ses griffes sur le ventre à découvert de la petite.
"NON ! Ho non ! Non, non, non !"
Pipa hurlait à en fendre l'âme, et les autres semblaient traumatisés par ce qu'ils venaient de voir.
"Hoho ! Non, non, non ! Mes filles, mes amours !"
Plume et Clémentine baignaient maintenant dans une marre de sang. Impossible de savoir laquelle avait perdu le plus de sang dans cet affront, l'une ayant été égorgée et l'autre éventrée. Paz aurait dû se sentir coupable de cela. Elles étaient encore jeunes, elles avaient une belle vie devant elle. En plus, il venait de perdre deux combattantes. Pourtant, la vue de ce carnage ne déclenchait en lui rien d'autre qu'une soif de combat plus forte encore.
"Réveillez-vous ! Je vous en supplie ! Non..."
Les cris de Pipa commençaient à rendre Paz complètement fou. Ses oreilles bourdonnaient, il était comme coupé du monde. Mais il entendait distinctement les pleurs de la mère. Il se retint de lui sauter à la gorge pour lui faire subir le même sort. Il ne pouvait pas perdre une autre guerrière.
"Ferme la ! J'en peux plus de tes lamentations ! Tais-toi ou tu seras la prochaine !" grogna-t-il, le museau presque collé au sien
Là, il fut percuté de plein fouet par quelqu'un. Il reconnut vite le pelage brun gris de Rémi, le père des chatonnes décédées. Il devait revenir de la chasse et avoir vu la scène. Le souffle coupé, Paz se releva et sauta sur Rémi. Il planta ses griffes dans les épaules du matou et ils roulèrent au sol. Après un pêle-mêle de poils, de griffes et de crocs, Paz se trouva perché au dessus de Rémi, une patte griffes sorties sur sa gorge. Il fallait s'en douter, même du haut de ses dix lunes, il avait battu le chat adulte, et cela n'était que grâce au Néant. Il approcha sa tête de celle de Rémi.
« Je ne veux pas te faire de mal. J'ai besoin de toi. Alors cesse.
- Tu as tué mes filles ! cracha-t-il
- Et je te tuerai, toi et ta compagne, si vous continuez ainsi. »
Puis il se releva et regarda les chats réunis. Pervenche et Soleil avaient cessé leur entraînement avec Étoile, Merle-bleu, Hérol et Nuage et le fixaient, tout comme les autres, qui avaient interrompu leur sommeil, leur toilette ou leur repas. Il secoua à la tête et passa près de Goutte d'eau, Fleur et Condor, qui étaient toujours dans l'entrée de la grange, une pile de proies aux pattes. La jeune chatte grise tacheté s'écarta vivement lorsque son pelage frôla le sien. Maintenant, ils avaient peur de lui.
Il se mit alors à courir, courir aussi vite qu'il le pouvait, ses oreilles bourdonnant encore. Il s'arrêta finalement au bord de la rivière, essoufflé, et ce mis alors à pleurer.
Voulait-il vraiment devenir un tel chef ? Prêt à tuer pour se faire respecter ? Quand était-il devenu ce chat là ? Depuis qu'il était au Néant, indéniablement. Il soupira. Et Nuage de Lune ? Était-elle devenue comme ça, elle aussi ? Avait-elle déjà tué un camarade ?
Pleins de questions tournèrent dans son esprit, tout du long de la journée. Mais il n'en vint qu'à une seule conclusion : s'il devait être ce chat pour accomplir son devoir, alors soit, il serait ce chat là.

VOUS LISEZ
Rêves Obscurs
FantasyLa mort de Poil de Jais, l'ancien guérisseur du Clan de la Mangrove, emporte avec elle une tragique promesse. Celle qu'un jour, les Clans ne seront plus. Mais avant que ce jour n'arrive, Petite Lune et Petit Vent sont la cible de nombreuses accusat...