Chapitre 5

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L'appartement de Baptiste était un ancien atelier d'artiste. Il possédait une très belle hauteur sous plafond. D'immenses fenêtres en plein cintre donnant sur le parc Montsouris en faisaient tout le charme. Un escalier d'angle en bois menait à une mezzanine. Une collection assez hétéroclite de livres occupait une place importante sur les étagères. Alida reconnut quelques classiques, quelques essais, des romans aussi, mais surtout des policiers. Il y avait aussi quelques CD de groupes rock mythiques et de grandes voix du blues.

— Tu aimes apparemment lire, fit-elle.

Elle devait admettre qu'elle était surprise.

— Mes disques et mes bouquins, c'étaient à peu près les seules choses que j'emportais avec moi lorsque je quittais un pays. Je revendais ou donnais tout le reste. Même mes bécanes.

Ses précieuses bécanes, songea ironiquement Alida en reportant son regard sur le mobilier. Celui-ci était minimaliste et moderne. Quelques pièces vintage en faisaient l'originalité. La grande pièce unique habillée de teintes claires renvoyait une impression de sobriété et de confort.

— Tu as fait les brocantes ? demanda-t-elle avant de prendre son verre de vin. J'aime bien. Certains de tes meubles sont assez originaux.

— Ne me lance pas trop vite des fleurs, fit Baptiste plaisamment. Je ne suis vraiment pas un amateur de brocantes. En fait, je me suis contenté de suivre les conseils de Geneviève et d'aller...

Alida savait parfaitement qui était la Geneviève dont il parlait.

— Geneviève ? l'interrompit-elle, malgré tout.

— Ma sœur, répondit Baptiste avec un sourire. Elle est décoratrice d'intérieur. C'est elle qui a conçu quelques-uns des meubles en bois. Elle les a fait fabriquer dans son atelier. Elle n'utilise que du bois recyclé.

Baptiste fit une pause avant de reprendre.

— Et toi ? Tu as chiné pour meubler ton appartement ?

— Pas vraiment, fit-elle évasivement avant de reprendre ses couverts.

— C'est pour bientôt la crémaillère ?

— Je ne pense pas, non. Mais je vois que tu es un amateur de blues...

Baptiste eut un sourire. La plupart des gens ne se faisaient pas prier pour déballer leur vie à la moindre occasion. Mais Alida, elle, se dérobait systématiquement et détournait la conversation avec plus ou moins de subtilité.

La conversation se poursuivit agréablement. Et un moment plus tard, Baptiste se surprit à évoquer des sujets personnels qu'il n'abordait presque jamais. Seuls certains de ses intimes, comme Sonia par exemple, savaient qu'il n'avait pour ainsi dire jamais connu son père et que sa mère était décédée des années auparavant suite à un cancer fulgurant. Alida ne parlait peut-être pas d'elle, mais elle savait apparemment faire parler ses interlocuteurs.

— Tout était excellent, dit Alida à la fin du repas.

— Un café ? proposa Baptiste.

La jeune femme accepta et Baptiste gagna le coin-cuisine à l'autre bout de la pièce pour le préparer. Se levant nerveusement, Alida se dirigea vers les hautes fenêtres. Elle plongea son regard dans la nuit à travers les lames du store vénitien en bois.

Elle n'avait pas pensé que ce serait aussi difficile le moment venu. N'avait-elle pas présumé de ces forces, surtout après la séance avec Maufrais à l'heure du déjeuner ? Mais il était bien trop tard pour reculer. Il fallait aller jusqu'au bout.

Faux-semblant : Destins croisés 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant