Chapitre 11

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Neuf ans plus tôt, Brésil, les environs de Mangarabita...

Les yeux perdus dans le vague, Gaby mâchonna son crayon de papier. Elle était assise à la table de la véranda. Elle n'arrivait pas à se concentrer sur ses conjugaisons. Tous les samedis matin, après le petit-déjeuner, sa mère, Céline, lui donnait des exercices de français. Pendant au moins deux heures, elle était donc bloquée là. Elle baissa les yeux sur sa toute nouvelle montre. C'était une fantaisie avec un bracelet en plastique blanc. Un petit sourire aux lèvres, Gaby la caressa rêveusement. C'était Baptiste qui la lui avait offerte. Quelques semaines plus tôt, elle avait fêté son treizième anniversaire. Et à cette occasion, elle avait reçu plein de cadeaux. Son père lui avait offert une paire de boucles d'oreille en or ; sa mère lui avait offert le portrait d'elle qu'elle avait peint ; Rafael lui avait...

— Concentre-toi un peu, Gaby !

Son nom était en fait Alida Gabriela Jouannet. Mais alors qu'elle n'était encore qu'un bébé, par jeu, son père avait commencé à la surnommer « Gaby ». Cela lui était resté. Et aujourd'hui, tous les intimes l'appelaient Gaby.

Céline se rapprocha de sa fille et se pencha par-dessus de son épaule pour regarder son cahier.

— Eh bien, tu n'as pas beaucoup avancé, observa-t-elle. Quelle rêveuse tu fais !

— Mais non, regarde. Je l'ai terminé celui-là ! assura Gaby avec un sourire espiègle.

Sa mère eut un sourire indulgent.

— Bon. Finis cet exercice et tu pourras ranger ton cahier. On corrigera tout ça la semaine prochaine. Décidément, on ne fera pas de toi une prof de français, ajouta-t-elle dans un murmure en lui repoussant tendrement les cheveux. Allez, finis vite.

Puis, Céline gagna son atelier. Javier le lui avait aménagé dans une des pièces de la maison les plus exposées au soleil. Près de vingt ans plus tôt, il y avait fait installer une immense baie vitrée. Dans la semaine sa mère donnait quelques heures de cours d'art plastique. Le reste du temps, elle peignait. Elle était très prolifique et avait une préférence pour les aquarelles représentant des colibris. En fait, ces oiseaux étaient présents, avec plus ou moins de visibilité, dans chacun de ses tableaux. Ils étaient en quelque sorte sa « signature ». Céline exposait ses toiles dans la boutique de souvenirs de Mariana. Et son amie arrivait à lui en vendre quelques-unes à des touristes, et même, à des locaux.

Gaby tenta une nouvelle fois de terminer ce fichu exercice.

Incapable de se concentrer, une fois encore l'adolescente leva les yeux de son cahier. Sa mère avait installé des abreuvoirs à nectar aux branches des arbres non loin. Et quelques colibris aux couleurs éclatantes avaient pris l'habitude de venir se gorger du liquide sucré. Sa mère pouvait passer des heures à croquer ces minuscules oiseaux aux plumes iridescentes.

Gaby se secoua. Il fallait qu'elle finisse cet exercice barbant ! s'admonesta-t-elle. Puis, elle sourit soudain. Aujourd'hui, ils passeraient tous la journée à la plage. Et ce soir, comme Baptiste emmenait Mariana danser à Rio, Rafael viendrait dormir à la maison.

Quelques minutes plus tard, Gaby balançait son cahier d'exercices sur son bureau et ressortait de sa chambre en trombe. Elle trouva son père dans l'abri qui lui servait à la fois d'atelier et de garage. Il était penché au-dessus du moteur de la nouvelle voiture qu'il avait entrepris de retaper. Javier avait une passion pour les vieux modèles de voiture. Il en avait déjà remis à neuf plusieurs qu'il avait revendues. Cette fois, il avait déniché une vieille Toyota blanche. Un modèle 2000GT de 1970 à la carrosserie piquée de rouille. Celle-ci, il avait prévu de l'offrir à Céline pour ses quarante ans.

Faux-semblant : Destins croisés 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant