Aujourd'hui, les environs d'Honfleur...
Le regard perdu dans le vague, Alida broyait du noir. En plus, pour ne rien arranger, il pleuvait comme vache qui pisse. Le moins qu'on puisse dire, c'était que le temps s'accordait parfaitement à son humeur. Se sentant soudain frigorifiée, elle frotta machinalement ses bras nus. Mais c'était un froid intérieur. Car malgré cette pluie incessante, il faisait encore très doux en ce début septembre.
Plus tôt dans la journée, elle avait fui l'atelier. À croire que cela devenait une habitude chez elle, la fuite, se dit-elle sarcastiquement. Pendant des heures, elle avait attendu, sans succès, d'avoir une idée, même la moindre petite bribe de semblant d'idée. Mais l'inspiration l'avait désertée. Alors, à quoi bon rester à se torturer les méninges devant une toile désespérément vierge ?
Un instant après, elle avait grimpé dans sa voiture et était partie faire quelques courses, histoire de se vider la tête. Elle était allée acheter des fruits chez une famille d'arboriculteurs du côté de la rivière Saint-Sauveur. C'était Jayden qui les lui avait fait connaître... Jayden. Alida se rendit soudain compte que ces derniers temps, elle avait à peine pensé à lui. Pendant longtemps, elle avait été certaine d'éprouver de l'amour pour lui. Mais en fait, aujourd'hui, elle s'interrogeait. Lorsque le sentiment était profond et sincère, l'être aimé pouvait-il s'oublier aussi rapidement ? Elle était bien placée pour savoir que non. Pas une seconde son père n'avait quitté les pensées de sa mère. C'en était même devenu une obsession. D'ailleurs, Alida trouvait maintenant que ce genre d'amour, bien trop entier et exclusif, avait quelque chose d'effrayant.
Sans doute Baptiste avait-il maintenant compris qu'elle l'avait trahi, songea Alida. Peut-être était-il sur le point de perdre sa société. Et bizarrement à cette pensée, elle ne ressentait aucune joie, aucun soulagement. Au contraire, à présent, en pensant à tous ces gens qui travaillaient pour lui et qui à cause d'elle allaient perdre leur emploi, c'est un sentiment de culpabilité qui l'envahissait. Alida se contrefoutait de Baptiste ! C'était seulement ces emplois perdus... Mais, de toute façon, s'admonesta-t-elle, il fallait qu'elle arrête de se prendre la tête. Justice avait été faite et seul cela était important.
La pluie redoubla soudain d'intensité. Elle crépitait bruyamment sur les graviers de la cour. Alida regarda, sans vraiment le voir, le jardin sous la pluie battante.
Les images de sa dernière journée à Paris trois semaines plus tôt, tel un film, se déroulèrent une fois encore devant ses yeux...
... La nuit était déjà bien avancée lorsqu'elle était allée récupérer les données dans l'ordinateur de Baptiste. Et ce n'était pas parce qu'elle s'était assoupie. Loin de là. En fait, après leur étreinte plus que torride, elle n'avait pas pu fermer l'œil. Baptiste lui, comme à son habitude, s'était endormi presque tout de suite. Elle était restée des heures les yeux ouverts dans le noir, à se torturer le cerveau. Finalement, elle s'était levée, avait récupéré la pochette de ses lentilles de contact et ne voulant pas se donner l'occasion de reculer encore une fois, était directement entrée dans le bureau. Elle avait eu l'impression que l'extraction des fichiers durait une éternité. Si elle s'était réellement tenue sur des charbons ardents, elle n'aurait pas eu plus envie de déguerpir de cette pièce !
Ensuite, elle s'était enfermée dans la salle de bain pour changer ses lentilles. Lorsqu'elle en avait ouvert la porte un moment après, elle était tout de même plus calme. Mais elle avait cru avoir une crise cardiaque en voyant Baptiste devant elle.
— Tu m'as fait une de ses peurs, lui avait-elle dit en recouvrant un peu son sang-froid.
Baptiste s'était contenté de plonger dans le sien ce regard qu'il avait parfois. Celui qui essayait de vous transpercer jusqu'à l'âme. Puis il l'avait soudain enlacée et l'avait serrée contre lui presque à l'étouffer.
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Faux-semblant : Destins croisés 4
RomanceDe retour à Paris depuis quelques mois seulement, Alida Dunoyer reste un mystère pour ceux qui la côtoient. Quelques-uns aiment à penser que sous une attitude froide et distante, Alida cache une certaine vulnérabilité. Les autres sont convaincus que...