Chapitre 9

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Deux ans plus tard, Rio de Janeiro, Brésil...

Après une séance de capoeira particulièrement intense, Baptiste Maurel partit faire la tournée des bars avec le groupe. Ce soir-là, au milieu de la « roda », les « jogos » avaient été d'un très bon niveau.

Il y a quelques mois, Baptiste avait fait la connaissance de Leandro. La capoeira était une passion pour lui. Après avoir assisté à une « roda », Baptiste avait voulu essayer. Puis, il s'était piqué au jeu. Depuis, il participait régulièrement à des rodas. En fait, depuis son arrivée au Brésil huit mois auparavant, Baptiste avait multiplié les activités, et pratiquait, entre autres, la plongée sous-marine, le surf et l'escalade.

Quelques heures plus tard, le groupe atterrit dans un bar. C'était le troisième de la soirée. Baptiste trouva l'endroit un peu louche. Mais après tout, se dit-il, si ses amis y avaient leurs habitudes, pourquoi pas ? Depuis le deuxième bar déjà, Baptiste avait cessé de compter le nombre de coups qu'il buvait. Mais il savait néanmoins qu'il ne serait pas raisonnable de continuer sur cette lancée. Pourtant, il accepta le verre de « Porradinha » qu'on posa devant lui. Les yeux à peine en face des trous, il posa la paume de sa main sur haut du petit verre et fit claquer bruyamment celui-ci sur la table. La boisson prit du volume en moussant. Baptiste l'avala d'une traite avant de frapper le verre sur la table en le reposant.

L'année précédente, toutes ses spécialisations de pilote enfin en poche, Baptiste avait quitté l'école de pilotage et son poste d'instructeur. Après avoir revendu sa bécane, dit au revoir à ses amis, il avait sauté dans le premier avion en partance pour le Brésil. Il y avait bourlingué pendant quelque temps, passant deux semaines dans un minuscule village de pêcheurs, une semaine à Sao Paulo, trois jours à Belém... Pour Baptiste, le Brésil était un pays fascinant. Il adorait ce pays coloré et plein de contrastes aux multiples influences ethniques, à la population chaleureuse, ouverte et généreuse. Entre sa forêt tropicale, ses petits villages de pêcheurs, ses villes tentaculaires, ses favelas... Et bien sûr, ses plages de sable fin qui s'étiraient sur des kilomètres.

Après s'être accordé deux mois de totale liberté, Baptiste avait atterri à Rio de Janeiro. Là, il s'était fait embaucher comme pilote d'hélico dans une entreprise de transport aérien. Et depuis, il promenait des touristes, des milliardaires, des photographes ou des caméramans au-dessus de paysages magnifiques. Ce travail, bien que plaisant, était loin d'être une finalité pour Baptiste. Son objectif était toujours d'actualité. Bientôt, il serait pilote offshore. En fait, il cumulait les heures de vol avec l'espoir que sa demande d'embauche n'atterrisse pas directement à la poubelle.

Depuis Portland, il n'avait que très rarement donné de ses nouvelles à Geneviève et Helena. La culpabilité l'empêchait de leur écrire. Et lorsqu'il restait des mois sans leur envoyer une carte postale, c'était alors un sentiment de honte qui le retenait. C'était un véritable cercle vicieux. Et sa haine pour De Laperousse s'en trouvait renforcée.

La vie de Baptiste à Rio de Janeiro ressemblait à s'y méprendre à celle qu'il menait aux États-Unis. Ses jours de congé, il les passait en d'interminables fêtes, à boire et à collectionner les coups d'un soir. Peut-être lui fallait-il anesthésier, tuer ce sentiment de culpabilité vis-à-vis de ses sœurs qui le rongeait ? Ou apaiser cette haine pour Alain De Laperousse qui le minait ? Mais, tant qu'il ne s'était pas mis minable, il ne quittait pas le bar. À une ou deux reprises, il s'était d'ailleurs mis dans de tels états qu'ensuite il ne pouvait plus sentir et encore moins ingérer une seule goutte d'alcool pendant des semaines... avant de recommencer.

Les seuls moments où Baptiste se sentait serein, libre, sûr de lui, et vraiment maître de la situation, c'était pendant les instants qu'il passait dans un hélicoptère. Et à cette période de sa vie, c'était uniquement la perspective de voler qui l'empêchait de se laisser totalement partir à la dérive. D'ailleurs, son professionnalisme, son calme et son assurance impressionnaient ses employeurs d'autant plus qu'il était le plus jeune de leurs pilotes. Même ses collègues, qui pour la plupart étaient de vieux briscards, des retraités de l'armée qui en avait vu d'autres, le traitaient d'égal à égal.

Faux-semblant : Destins croisés 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant