Chapitre 7

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Quinze ans auparavant, les environs d'Avignon...

Aux commandes de sa bécane, Baptiste Maurel bifurqua et franchit le portail de la propriété avant de suivre à allure modérée l'allée gravillonnée bordée d'arbres centenaires. Il passa devant la grande demeure provençale et s'arrêta à côté du garage double situé à quelques dizaines de mètres de là. Posant un pied à terre, il arrêta sa Kawasaki GPZ 500, modèle 1986. Son casque intégral retrouva sa place habituelle sur la poignée du guidon. C'était sa première bécane. Et il ne regrettait pas une seconde d'avoir travaillé dans une entreprise de déménagement pendant tout l'été de l'année précédente pour se la payer.

Descendant de moto, il prit nonchalamment appui contre le mur du garage, avant d'attraper son paquet de cigarettes dans la poche de son blouson en cuir. Il en sortit une clope qu'il alluma avec un plaisir évident.

Avec sa haute silhouette athlétique, a à peine dix-neuf ans, Baptiste possédait déjà un charisme certain. Paraissant bien plus que son âge, il se dégageait de lui une force et une maturité étonnante. Cette impression était sans doute renforcée par sa barbe de plusieurs jours soulignant son visage anguleux et séduisant. Seule touche quelque peu juvénile, une tignasse épaisse et indisciplinée dont quelques mèches rebelles retombaient sur son front haut. Apparemment, il s'était abstenu d'aller chez le coiffeur depuis quelque temps déjà. Si cette « négligence », pas forcément intentionnelle, dérangeait son con de beau-père, eh bien ! ce ne serait pas pour déplaire à Baptiste.

Relâchant lentement la fumée, le jeune homme leva les yeux vers la « Bastide ». C'était la maison familiale des De Laperousse depuis des générations. Typique de la région, cette demeure bourgeoise en pierre de taille était de belles dimensions. Sa façade était tapissée de lierre. Celui-ci montait jusqu'au toit de tuiles en terre cuite. Ses volets en bois étaient peints, comme il se doit, en bleu pastel. Non loin, donnant sur la façade arrière s'étendait une magnifique roseraie. Roseraie qui avait été la passion de Thérèse, sa mère.

Une lueur de tristesse passa soudain dans le regard de Baptiste.

Cela faisait déjà huit ans, à quelques mois près, qu'il vivait dans cette maison. Il se souvenait parfaitement du jour où sa mère, sa petite sœur Geneviève, qui n'avait alors que deux ans, et lui-même y avaient mis les pieds pour la première fois. Aujourd'hui, il était sans doute plus enthousiaste d'y entrer qu'à l'époque. Et ce n'était pas peu dire ! Et s'il n'était pas encore parti de cet endroit qu'il détestait, c'était uniquement parce ce que ses sœurs y vivaient. D'ailleurs, à cette heure-ci, songea-t-il en jetant un bref coup d'œil à sa montre, elles devaient déjà être rentrées de l'école. Lui-même était censé revenir de la fac.

Baptiste eut un sourire en repensant à la façon dont il avait vraiment passé l'après-midi, et tira sur sa cigarette. Pour un étudiant en première année, ce n'était peut-être pas très sérieux de manquer autant de cours... Mais il mettrait les bouchées doubles pour rattraper son retard, se promit-il. Aspirant la dernière bouffée de sa cigarette, il en balança le mégot d'une chiquenaude. Puis, nonchalamment, il longea la demeure et gagna l'entrée latérale donnant sur la cuisine.

Ouvrant la porte-fenêtre, Baptiste embrassa la pièce du regard. Ses sœurs étaient attablées et prenaient leur goûter. Non loin, madame Guérin, la gouvernante, s'afférait devant le plan de travail.

Dès qu'elle le vit, Helena sauta de sa chaise et courut vers lui. Ses boucles rousses rebondissaient autour de son visage poupin et ses grands yeux verts pétillaient de joie.

— Baptiste ! s'écria joyeusement la fillette en lui sautant dans les bras avec l'exubérance de ses six ans.

Dans un éclat de rire, Baptiste la serra contre lui.

Faux-semblant : Destins croisés 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant