Chapitre 1

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Avril, Paris XIVe...

Le ciel était bas et chargé. Les timides rayons du soleil matinal avaient bien du mal à percer l'épaisse couche de nuages. Une légère bruine fouettait le visage d'Alida Dunoyer tandis qu'elle courait à belle allure en direction du parc Montsouris. Il faisait doux, et sans ce léger crachin la jeune femme aurait trouvé le temps parfait pour courir. Cependant, s'il n'avait tenu qu'à elle, Alida ne serait sans doute pas sortie à cette heure-ci. Mais il serait là. Elle en était certaine. Il avait ses habitudes et joggait toujours le lundi.

Alida longea les hautes grilles du parc. À cette heure-ci, les portes n'avaient pas encore été ouvertes. Dans ses écouteurs, la chanteuse Sia criait son sentiment de solitude et de révolte sur le son lancinant et hypnotique de « Titanium » de David Guetta.

Ralentissant progressivement l'allure, Alida s'arrêta finalement à hauteur d'un des bancs bordant le parc. Et tandis qu'elle pratiquait ses exercices d'étirement, elle observa attentivement la rue. C'était son parcours habituel. Cette fois, elle provoquerait une rencontre. Elle n'avait plus le choix. Elle devait absolument attirer son attention.

Lorsqu'elle vit soudain sa haute stature se profiler au bout de la rue, une légère fébrilité la gagna. Mais avec une parfaite maîtrise, elle jugula très vite cette sensation et se concentra. Détournant la tête, du coin de l'œil, elle continua à l'observer tandis qu'il arrivait dans sa direction.

Alida aurait pu reconnaître n'importe où sa carrure imposante et sa façon de courir. Cela faisait des semaines qu'elle étudiait ses faits et gestes. Avec ses longues foulées déliées et fluides, il avait quelque chose de félin. Sa veste de pluie noire épousait le contour de ses larges épaules. Sa casquette ombrait légèrement son visage. Sous son short long et noir, on devinait des cuisses puissantes et musclées.

S'avançant d'un pas pour prendre appui sur le banc, Alida replia sa jambe en arrière et, bien droite, attrapa son pied afin d'étirer son quadriceps. En agissant ainsi, elle dégageait de l'espace et donnait volontairement à penser au coureur qu'il aurait largement la place de passer. Elle l'observait toujours du coin de l'œil. Son pouls pulsait maintenant sourdement à ses tempes. Il arriva très vite à son niveau. Trois, deux, un. Alida relâcha son pied et fit brusquement un pas en arrière.

— Attention !

Son corps entra rudement en contact avec celui de Baptiste Maurel. Lorsqu'elle fut projetée sur le côté, Alida poussa un petit cri de surprise qui ne fut nullement feint. Dans un geste instinctif, Baptiste tenta de la rattraper. Mais il était trop tard. Alida atterrit brutalement sur le bitume. Le souffle coupé, elle resta un bref instant immobile. Puis, elle leva la tête et vit la main qu'il lui tendait. Elle l'agrippa et, en un instant, elle fut à nouveau sur ses jambes.

— Ça va ? Pas de mal ? s'enquit-il avec sincérité.

Sa voix était grave et profonde, constata-t-elle, ressentant un émoi pour le moins inattendu.

— Non... Non, fit-elle un peu vivement.

Et, le temps pour elle de recouvrer son sang-froid, Alida essuya ses mains poisseuses sur ses cuisses avant de tirer sur l'écouteur qui n'avait pas été éjecté de son oreille, contrairement à l'autre. Alors seulement, elle eut le courage de lever les yeux vers lui. Lorsqu'elle croisa ses prunelles vertes, elle éprouva comme un choc. Quelque chose dans son regard la retint prisonnière. Cependant, elle s'en arracha très vite et s'obligea à parcourir son visage, en toute objectivité, avec un regard froid.

Un nez droit. Une mâchoire carrée. Une bouche ferme. Des traits taillés à la serpe, mais harmonieux. Baptiste Maurel était incontestablement séduisant. Cela, elle le savait déjà. Par contre, elle n'avait jamais remarqué cette toute petite bosse sur son nez. Sans doute avait-il dû être cassé quelques années auparavant.

Faux-semblant : Destins croisés 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant