Chapitre 6

387 49 0
                                    

Une semaine. Cela faisait une semaine que Baptiste ne lui avait pas donné de nouvelles, songea Alida en écoutant distraitement les instructions de Karl, l'entraîneur de krav-maga. Il ne l'avait pas appelé comme il lui avait promis de le faire lorsqu'ils s'étaient quittés après leur jogging. Et lorsqu'elle lui avait téléphoné le lendemain, il n'avait pas décroché. Elle lui avait laissé un message, mais il n'avait pas repris contact. Il ne venait même plus à leur séance de running. Quelle erreur avait-elle bien pu commettre ? se demanda Alida pour la centième fois. Elle avait pourtant été certaine que tout se passait pour le mieux entre eux. Mais apparemment, elle s'était lourdement trompée.

Mais rien ne servait de penser à tout cela maintenant, se morigéna-t-elle. Il fallait qu'elle se concentre sur son cours de self-défense.

Après la démonstration et les explications de Karl concernant la technique de dégagement d'étranglement arrière, Alida choisit de jouer d'abord l'agresseur. Et pendant les minutes qui suivirent, Élodie et elle essayèrent de mettre en application les directives de leur instructeur.

Lorsque la semaine dernière Alida avait réalisé que Baptiste ne la rappelait pas, mais qu'en plus, il cherchait apparemment à l'éviter, elle avait fini par lui envoyer un texto qui était resté lettre morte. Les jours qui avaient suivi, elle avait longtemps hésité à l'appeler, mais y avait finalement renoncé. Elle ne voulait pas non plus passer pour une femme trop collante. Mais en même temps, elle ne voulait pas non plus se montrer indifférente à ce silence — ce qu'elle n'était effectivement pas. Par moment, dans un accès de paranoïa coupable, Alida se demandait si Baptiste ne la suspectait pas pour la perte de son contrat. Mais c'était tout de même très peu probable. Et du reste, pourquoi ne la soupçonnerait-il que maintenant ? Non, forcément, il y avait autre chose.

Et cette « autre chose », la raison du silence de Baptiste, Alida passait des heures à y réfléchir afin d'avoir ne serait-ce qu'un début de piste. Mais elle avait beau y réfléchir, elle ne comprenait absolument pas son comportement. Et la plupart du temps, elle enrageait en se disant qu'elle n'avait pas su éveiller son désir au point de l'intéresser plus que quelques nuits. Cependant, elle avait du mal à vraiment y croire. Car, sur ce plan-là aussi, cela se passait bien entre eux. Après tout, il l'avait vraiment désirée. De cela, elle était certaine. Et elle-même avait pris du plaisir à leurs étreintes... À ce point qu'elle avait même été effrayée par l'emprise qu'il avait sur elle.

— Bon. À toi, ma vieille, dit Élodie.

Prenant le rôle de la victime, Alida tenta de se concentrer pour exécuter la technique de défense. Elle essaya d'attraper le bras qu'Élodie venait de passer autour de son cou dans une tentative d'étranglement par l'arrière...

Mais finalement, c'était peut-être aussi bien que les choses entre Baptiste et elle en restent là ? suggéra soudain une petite voix en elle. Non ! se révolta une autre part d'elle-même. Elle n'avait tout de même pas passé tous ces longs mois, à tout planifier, et à tout minutieusement préparer pour lamentablement échouer maintenant. C'était hors de question ! Rien que d'y penser, elle enrageait ! De toute façon, elle devait agir, se dit Alida, sinon jamais elle ne parviendrait à atteindre son but. Elle donnait deux jours à Baptiste, et s'il n'appelait pas, elle serait contrainte de le contacter au risque de passer pour un pot de colle...

— Dunoyer !

La voix irritée de l'instructeur arracha brutalement Alida à ses ruminations et la ramena dans le dojo du cours de krav-maga.

— Oh là ! Je crois bien que tu as énervé « Petit Dragon », chuchota Élodie en réprimant un fou rire.

Karl avait la trentaine bien entamée. Avec ses yeux d'un bleu translucide, son nez à la cloison très légèrement déviée — sans doute le résultat d'une fracture — et sa profonde fossette au menton, il était assez séduisant dans son genre. Les cheveux courts, il présentait un début de calvitie. Il dépassait à peine le mètre soixante-dix et avait un corps mince et musculeux. Lors de ses présentations, il se déplaçait avec une sorte d'élégance féline. Il exerçait une véritable fascination sur Élodie. Celle-ci lui trouvait, dans sa façon de bouger et sa stature, une ressemblance avec Bruce Lee. D'où le petit surnom qu'elle lui donnait, « Petit Dragon ». Du reste, Alida se demandait si son amie n'aurait pas plus qu'un petit faible pour leur instructeur de choc.

Faux-semblant : Destins croisés 4Où les histoires vivent. Découvrez maintenant