Chapitre 21 : Parole
Bande son : Chasing cars, Snow Patrol
Aleksei n'avait pas dit un mot depuis vingt minutes, laissant Melinda prendre son temps. Cela faisait tellement longtemps qu'elle gardait tout cela pour elle. Un an exactement. Un an qu'elle s'était renfermée et qu'elle avait refusé de se confier.
« Melina et moi, on s'est rencontrées lors de notre premier jour en sixième. La proximité de nos deux noms nous a faites sourire. On est alors devenues les meilleures amies du monde, depuis, on ne s'est plus quittées. On a commencé le volley peu de temps après et, tu t'en doutes...C'est devenu toute notre vie. Melina était passeuse et moi, libéro. Nous rêvions de rentrer en équipe de France ; c'était notre but ultime. Les rêves de Melina et les miens n'en formaient qu'un immense : gravir toutes les marches qui nous mèneraient jusqu'au JO et aux championnats du monde. Nos parents nous ont tout de suite soutenues et nous avons changé d'établissement pour intégrer des sections sport-étude. La famille de Melina était devenue la mienne et inversement. Nos parents étaient d'ailleurs très proches à cette époque-là. Nous avons poursuivi notre bonhomme de chemin quasiment sans embuche car notre but était le même ce qui fait que, au bout du compte, nous n'avons connu que très peu de disputes. Les garçons n'existaient même pas pour nous. Le volley était notre passé, notre présent et notre avenir.
Oh bien sûr, cela ne veut pas dire que Melina ne trouvait pas le moyen de se disputer avec le monde entier. Toujours grondant, c'était un orage et même un ouragan cette fille-là. Elle t'aurait plu, elle avait un tempérament de feu. Si elle avait l'impression qu'on la regardait de travers, elle était prête à te sauter à la gorge. Je ne compte pas le nombre de fois où j'ai dû la calmer sur le terrain car elle trouvait l'arbitre incompétent. Mauvaise joueuse ? Oui sans doute. Mais je pense que c'était en lien avec sa passion. Elle ne vivait que pour ça...alors forcément, ça prenait vite des proportions incroyables. Et moi, dans tout cela ? J'étais la force tranquille. Je profitais de cette aura que dégageait Melina. Je me sentais protégée avec elle, je savais que je ne risquais rien. Elle a toujours été la plus forte de nous deux. C'est pourquoi je me suis toujours dit, qu'il aurait mieux fallu qu'elle vive. Elle s'en serait bien mieux sortie que moi. »
Aleksei la serra davantage dans ses bras. La jeune fille sortit une photo de la pile et la lui montra. On y voyait deux adolescentes d'une dizaine d'années en tenue de volley, une médaille dans la main et un sourire jusqu'aux oreilles. Elles se tenaient par la taille. Elle était belle cette photo. On y percevait toute l'amitié que peuvent ressentir deux adolescentes l'une pour l'autre.
« Vous êtes adorables dessus.
- On avait douze ans, on venait de remporter un petit championnat. On était tellement fières. On avait l'impression que l'on pourrait conquérir le monde. »
Melinda reposa doucement la photo à côté d'elle et prit une autre pile qu'elle regarda longuement avec Aleksei. Elles étaient toujours ensemble, collées l'une à l'autre, de larges sourires toujours présents. Une photo, toutefois, attira l'attention du jeune homme. Sur celle-ci, elles pleuraient. Elles étaient tous les deux sur le podium avec des médailles d'argent autour du cou. Mais ces larmes-ci, n'étaient pas de joie.
« Notre première défaite en championnat de France face à Natacha Cheng, expliqua la jeune fille. On s'était pris une dérouillée, je n'ai jamais vu Melina aussi en colère que ce jour-là. Lorsque l'arbitre a sifflé la fin du match, elle a salué les joueuses et s'est enfuie dans les vestiaires. Elle a frappé dans les murs pendant une bonne dizaine de minutes. J'ai réussi à l'arrêter tant bien que mal. Nous sommes malgré tout montées sur le podium avec l'équipe. Et mon frère a tenu à prendre cette photo. Au début, j'ai voulu la supprimer. Mais finalement Melina m'a convaincue de la garder. Elle disait qu'il était important de regarder la défaite en face car cela nous forcerait à progresser. Melina l'avait même encadrée celle-ci. Nous avions quinze ans. On avait alors compris qu'il existait des joueuses d'un tout autre niveau et que, si nous voulions accéder à notre rêve, il ne fallait pas relâcher nos efforts.
L'année suivante, nous sommes rentrées en seconde dans le lycée sport-étude qui nous faisait rêver. Depuis l'année de troisième, nous avions pris l'habitude de venir nous entraîner au gymnase dès sept heures le matin. Le gardien nous connaissait bien et il nous faisait confiance. Cette petite heure d'entraînement, juste toutes les deux, nous faisait beaucoup de bien. Melina frappait dans la balle comme une dératée et moi, de mon côté, je tâchais de toutes les réceptionner. Ça a calmé la tempête suite au match du Championnat de France. Nous avions repris confiance en nous et notre coach semblait très satisfait de nos progrès. Mais voilà. Nous sommes arrivées un matin comme d'habitude à sept heures et ce simple entraînement a viré au cauchemar. »
Une pause. Un profond soupir, un sanglot dans la gorge. La main d'Aleksei qui serra la sienne pour l'encourager.
« Je ne me souviens pas dans le détail de ce qu'il s'est passé. Nous étions en train de faire un exercice de réception lorsque j'ai entendu un grondement au-dessus de nous. Je n'ai pas réagi tout de suite. Melina s'est alors jetée sur moi. Et ensuite, tout ce dont je me rappelle, c'est ce silence. Le corps de Melina au-dessus du mien. J'ai essayé de l'appeler, mais tout était silencieux. Et j'ai sombré.
Lorsque j'ai repris connaissance, j'étais à l'hôpital. On m'a raconté quelques jours plus tard que Melina m'avait protégée. Elle est morte sur le coup. S'est ensuite engagée toute une bataille juridique à cause de ce plafond qui s'est effondré sur nous. Je ne connais pas les tenants et les aboutissants et, au fond, je m'en fous. J'ai perdu ma meilleure amie ce jour-là. J'ai perdu mon évidence.
Aujourd'hui, ça fait un an. Je n'ai pas été capable de me tenir debout à son enterrement. Je n'ai pas été capable de lui dire au revoir. Elle avait toujours voulu un enterrement joyeux, avec de la bonne musique et des couleurs partout. On n'a pas eu le cœur à le lui offrir. Parce que ce n'est pas un âge pour mourir. Elle avait toute la vie devant elle. On ne peut pas mourir à seize ans. On ne peut pas laisser sa famille et ses amies. Elle n'aurait pas dû me sauver. C'est injuste. Car je suis là, moi, et je ne sais pas quoi faire. Ma vie s'est effondrée en même temps que ce plafond. Il n'en reste plus que des miettes. Melina était mon évidence, elle est devenue mon bleu à l'âme et j'ai l'impression que, dès qu'il m'arrive quelque chose de bien dans la vie, c'est injuste, car elle n'est pas là pour le partager avec moi. Car elle n'a pas cette chance. Je n'ai pas eu le courage qu'elle attendait de moi, je n'ai pas su me relever...Et regarde-moi aujourd'hui, avec cette foutue jambe qui refuse de bouger. Je suis enchaînée à mes propres démons qui ne veulent pas me lâcher parce que je ne suis pas assez forte...
- Ce n'est pas ce que je vois pourtant. Tu as lutté contre toi-même, tu as repris le volley, tu as accepté d'autres personnes dans ta vie. Elle était celle qui comptait le plus à tes yeux. Tu ne l'as pas oubliée, tu as juste appris à vivre avec son absence. Elle ne disparaîtra jamais, elle sera toujours là, dans tes souvenirs, sur tous les terrains de volley où tu iras car c'est avec elle qu'est née cette passion. Elle fait partie de toi. Elle s'est fondue en toi, c'est tout. Mais elle n'a pas disparu pour autant. »
Ce regard, cette évidence. Melina demeurait son évidence, même si aujourd'hui elle n'était plus là. Les paroles d'Aleksei résonnait en elle. Cette parole, si longtemps gardée pour elle, venait de la libérer. Une autre étape venait d'être franchie, celle de l'acceptation.
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Et voilà, la révélation finale est là, elle est maintenant en ligne. Cela me fait drôle de me dire que l'on arrive peu à peu sur la fin !
Pas de bande son aujourd'hui, je ne voyais pas quoi mettre !
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De tes rêves à mes rêves
Teen FictionLycéenne de dix-sept ans et mordue de Volley, Melinda a vécu un drame. Grâce au déménagement de ses parents dans le sud et de nouvelles rencontres, elle remonte lentement la pente et se rend compte que la vie vaut la peine d'être vécue !