Chapitre 13 : Coincés

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Chapitre 13 – Coincés

Bande son : Ma préférence, Julien Clerc

Maëlle, malgré ce que tous les autres pouvait croire, n'était pas sans cœur. Ce n'était pas par plaisir qu'elle s'était amusée à briser le couple formé par ses deux amis. Elle l'avait fait par jalousie ; cette même jalousie qui dévore les cœurs et vous fait prendre des décisions que vous serez amenés sans doute à regretter. Sur le coup, rien ne lui avait paru particulièrement grave ; c'était le rejet d'Aleksei et les paroles d'Alexia qui la firent réagir.

« Il a Melinda dans la peau. (...) Si tu ne veux pas, en plus, perdre le peu d'amis qu'il te reste, je te conseille vivement de résoudre cette situation et au plus vite. »

Par son attitude égoïste, elle mettait en péril les deux équipes de volley du lycée et risquait de perdre tous ses amis. Comment en était-elle arrivée là ? Pourquoi fallait-il qu'elle sabote tout ce qu'elle touchait ?

En rentrant chez elle, l'attaquante décida d'élaborer un plan pour essayer d'arranger les choses. Les autres accepteraient de l'aider sans problème. Cela devait se faire rapidement, dès le lendemain. Il avait Melinda dans la peau ; cela la mortifiait de l'avouer, mais Alexia avait raison.

Le lendemain matin, Maëlle alla voir Alexia afin de lui exposer son plan de bataille. La passeuse la toisa un moment, étonnée de voir autant de bonne volonté chez son amie. Peut-être avait-elle fini par faire le deuil d'un amour impossible finalement ? Toujours était-il qu'elle accepta sans sourciller. Il fallait qu'Aleksei et Melinda aient une discussion afin d'arranger cette situation désastreuse. Ce fut ainsi que tout un stratagème fut mis en place l'après-midi juste après l'entraînement.

Melinda, décidément, demeurait une éternelle insatisfaite de ses réceptions. Elle avait beau plonger, se faire mille et un bleus, jamais elle ne parviendrait malheureusement à réceptionner toutes les balles. Ne pas en faire tomber une seule, être à la hauteur de Melina. Elle ne voulait pas réussir à quatre-vingt-dix pourcents, non, elle voulait cent pour cent de réussite ou rien du tout. Cette détermination avait toutefois pour conséquence de la mettre hors d'elle-même lorsqu'une balle ne finissait pas par remonter. C'était donc passablement énervée à la suite de son entraînement que la jeune fille se dirigea dans les vestiaires pour prendre une bonne douche et se changer. Comme à son habitude, elle alla dans une douche individuelle et resta là un long moment. Les filles l'attendaient rarement car Melinda passait trop de temps sous l'eau ce qui avait tendance à les agacer. Au bout d'un moment, elle finit par se changer et retourna dans les vestiaires afin d'y ranger ses affaires.

Quelle ne fut pas toutefois sa surprise lorsqu'elle vit la porte s'ouvrir sur Aleksei, un tube de crème dans la main.

« Alexia ? Maëlle m'a dit de t'amener ta... oh... »

A peine eut-il fermé la porte derrière lui qu'il entendit le verrou se fermer et une voix, qu'il reconnut comme celle de Maëlle, dire : « Tant que vous n'aurez pas eu une explication, vous ne sortirez pas d'ici... Le gardien viendra vous ouvrir par la suite. »

Le jeune homme se tourna immédiatement vers la porte pour essayer de l'ouvrir avant de pousser un profond soupir. La libéro de son côté ne dit rien et s'assit sur l'un des bancs pour ranger ses affaires, nullement décontenancée par les évènements. Aleksei, au fond, admirait son sang-froid. Ou peut-être que le mot froideur était plus approprié. Il la trouvait même glaciale. De toute façon, tous deux ne s'étaient plus parlés depuis ce jour-là, et se retrouver en face l'un de l'autre créait une situation des plus désagréables. Il se surprit lui-même néanmoins à la détailler doucement du regard et, rapidement, celui-ci se porta sur ses jambes couvertes de bleus.

« Tu as vu l'état de tes jambes, tu devrais en prendre soin quand même..., s'exclama-t-il au bout d'un moment.

- Qu'est-ce que cela peut te faire ? »

Cette remarque fut comme une gifle reçue en plein visage. Elle laissait transparaître toute la déception et la douleur de la jeune fille. Croyant le mensonge de Maëlle et aveuglé par sa fierté, il ne lui était même pas venu à l'idée qu'il avait été cruel avec elle. Et pourtant...

« Tu as raison, il vaudrait mieux que ce soit Zack qui te fasse une leçon de morale là-dessus. »

Les paroles sitôt prononcées, qu'il s'en voulut déjà. Comment pouvait-il se comporter de la sorte ? Il avait toujours eu un infime respect pour les gens ; c'était dans sa nature. Et là, il était tout bonnement injuste avec elle et profitait de cette mauvaise blague pour lui tomber dessus. Melinda laissa tomber ses genouillères dans son sac mais ne dit rien pour autant. Pourquoi ne cherchait-elle donc pas à se défendre ? Pourquoi la laissait-il lui faire du mal sans rien dire ?

N'y tenant plus, il s'assit au sol à quelques centimètres d'elle, prit sa jambe de force et y appliqua la crème qu'il avait ramenée ; elle était justement faite pour les hématomes. Au début, la jeune fille chercha à le repousser mais sa force était telle qu'elle n'était qu'un fétu de paille entre ses mains. Le contact de ses mains sur sa jambe endolorie provoquait en elle mille frissons. Elle n'osait le regarder. Au bout d'un moment, elle finit néanmoins par rompre le silence :

« Il n'y a rien eu entre Zack et moi. Il voulait s'entraîner pour avoir une chance de jouer en équipe 1. J'avais promis de garder le secret. »

Aleksei ne réagit pas tout de suite. Il passa à l'autre jambe sur laquelle il appliqua consciencieusement la crème. Alors c'était officiel, il avait cru Maëlle alors que celle-ci lui avait menti depuis le début ? Il ne s'était pas méfié de la jalousie d'une femme et sa propre jalousie l'avait rongé au point de prendre la mauvaise décision.

« Vous... Vous ne vous êtes pas embrassés alors...?

- Non. Le seul moment où nous avons été 'proche' c'est celui auquel tu as assisté... quand il a raté sa balle. »

Ses paroles auraient dû lui faire du bien et le rassurer ; pourtant... pourtant elle disait cela sans la moindre once de sentiment, comme si cela ne la touchait pas du tout. C'était un véritable crève-cœur à entendre.

« J'ai tout gâché hein ?

- Cela serait forcément arrivé à un moment donné... non ? J'ai tout perdu une fois, il fallait bien que ça arrive à nouveau, tu ne crois pas ? »

Ne supportant pas de l'entendre dire des choses pareilles, il lui écarta un instant les jambes, se mit sur les genoux et l'attira contre lui, la serrant dans ses bras, refusant de lui laisser une chance de s'échapper.

« Tu ne peux pas dire cela, Melinda. Tu n'as pas tout perdu... Je suis désolé. J'ai été un imbécile. Pardonne-moi. »

Elle resta là un long moment sans bouger. Sans s'en rendre compte, une larme, une seconde, une dernière mourut sur ses joues. Était-ce ce qu'elle attendait depuis si longtemps ? Combien de temps avait-elle attendu ces paroles ? Mais maintenant qu'elles étaient venues, était-ce aussi facile de pardonner quand la confiance avait été remise en question ? Quand l'homme que vous aimiez détruisait tout par pure jalousie sans vous laisser une chance de vous expliquer ?

Doucement, avec toute la tendresse dont il était capable, il essuya les larmes qui humidifiaient ses joues et déposa un baiser sur ses lèvres, espérant sincèrement qu'elle ne le repousserait pas. Ce baiser fut la conclusion de quelques semaines difficiles et le début d'une confiance renouvelée. Melinda y répondit timidement mais elle y répondit malgré tout.

Ils restèrent ainsi pendant un long moment, dans les bras l'un de l'autre sans bouger, sans dire un mot, un peu en dehors du temps, en dehors de tout. Seul le bruit du gardien déverrouillant la porte les fit sursauter. La mauvaise blague était finie ; elle avait eu une conséquence plutôt heureuse finalement.

« C'est bien parce que j'avais un service à rendre à Maëlle, mais vous êtes prévenus que je ne ferais pas cela tous les jours. » les prévint le gardien lorsqu'ils quittèrent, main dans la main, le gymnase.

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Vous n'imaginez pas à quel point cela a été difficile de leur faire quitter ces vestiaires ! Ce chapitre m'a empêchée de dormir pendant quelques jours !

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