L O U I S
Les yeux, à présent. Ma partie préférée.
Je n'ai pas ma peinture avec moi alors je me contente d'essayer de représenter leur profondeur sans y mettre les nuances vertes qui les rendent encore plus beaux.
Je me trouve assis dans l'herbe d'un parc de Paris où il n'y a pas trop de passage, le dos appuyé contre un arbre dont l'écorce rentre dans mes omoplates. J'aime énormément venir ici, j'aime le vent léger qui fait bouger les feuilles d'arbre et qui vient me chatouiller les narines pendant que je dessine, les pâquerettes présentes par dizaines à mes pieds, l'odeur agréable d'un vendeur de beignets non loin.
Et je crois que c'est également le cas de l'inconnu que je dessine, parce qu'il vient s'assoir sur un banc abîmé à quelques mètres de moi presque tous les soirs, vers dix-huit heures.
La première fois que je l'ai vu, c'était il y a un mois. Et depuis, je n'arrive plus à dessiner que lui. Il est le modèle parfait, et c'est comme si mon crayon connaissait ses cheveux bouclés châtains, ses fossettes et ses lèvres rosées par coeur.
Alors à chaque fois, je prends un plaisir fou à le dessiner ou à le peindre. C'est mon moment préféré de la journée, celui où mon cerveau se vide presque totalement, seulement pour penser aux traits de l'inconnu, seulement pour tenter de leur rendre justice sur mon papier. J'espère qu'il ne m'a jamais remarqué, j'imagine que ça l'effrayerait.
Mais je ne crois pas. Il garde toujours les yeux rivés devant lui, vers les arbres, sans jamais bouger d'un pouce. Il a l'air tellement perdu dans ses pensées que je me sens presque de trop à le dessiner, même quelques mètres plus loin. Je me demande à quoi il peut bien penser pendant des heures. Curieusement, ça m'intéresse. Parfois, il lui arrive de sortir un petit carnet où il gribouille quelques mots, jamais l'air très satisfait. Je me demande aussi ce qu'il y écrit.
Alors que je m'apprête à effleurer mon papier pour y représenter les poils des sourcils, je sens mon téléphone vibrer dans ma poche.
Ma mère.
« Le repas va être prêt. »
Autrement dit, je dois rentrer.
Je soupire. Je n'en ai aucune envie. En ce moment, au plus loin je me trouve de chez moi, au mieux je me porte. La présence de mes parents m'angoisse, m'étouffe, me fait du mal. Les quatre murs de l'appartement aussi. C'est comme si j'étais un oiseau retenu en cage et qu'on m'empêchait d'en sortir.
Malgré tout, je me lève de l'endroit où je suis assis, non pas sans difficulté. Après deux heures passées en tailleur, j'ai les jambes engourdies.
Je range le dessin inachevé dans ma pochette et jette un dernier regard à l'inconnu, dont les yeux sont toujours perdus dans le vide, avant de prendre le chemin caillouteux qui mène à la sortie du parc.
J'espère qu'il sera là demain.
***
À peine ai-je passé le pas de la porte de mon appartement, que ma mère se précipite vers moi, les traits du visage crispés et inquiets.
— Louis, est-ce que tu es vraiment obligé de rentrer à cette heure-là chaque soir ?
Je hausse les épaules en enlevant ma veste. Je ne suis même plus sûr d'avoir l'énergie de lui répondre.
— Au moins je suis là pour manger, c'est le principal, je finis par dire.
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Our Eternity - Larry Stylinson
RomanceLes yeux de Louis sont brillants, son coeur régis par l'envie de découvrir. Louis a peur et Louis veut vivre, plus que tout. L'estomac de Harry est brûlé, ses poumons étouffés, tout le temps. Harry est vide et Harry veut mourir, plus que tout. Louis...