Chapitre 18

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H A R R Y


Je finis par me résoudre à prendre un café, cinq jours plus tard.

Louis a été transféré à l'hôpital Saint-Antoine, à Paris. Je n'aurais jamais pu imaginer un retour aussi brutal, même dans mes pires cauchemars. 

J'ai dû dépenser mes dernières économies pour un billet d'avion à des centaines d'euros, pour pouvoir être à Paris le plus vite possible. Alors ça fait deux jours que je suis là, à attendre. Attendre quoi ? Je ne sais même pas, mais je prie pour qu'on m'annonce une bonne nouvelle, ou que je puisse le voir, au moins. J'ai essayé de sortir de l'hôpital pour prendre l'air et faire passer le temps, de rentrer chez moi pour me reposer un peu, mais je n'arrive pas. Je resterai assis sur cette chaise dans le couloir avec le distributeur à café juste devant moi jusqu'à ce que quelqu'un vienne me voir, même si c'est dans plusieurs jours ou même plusieurs mois. Je ne bougerai pas.

J'ai rencontré ses parents, hier soir. Ils sont arrivés dès qu'ils ont été prévenus que Louis était transféré ici. On s'est regardés tous les trois sans savoir quoi se dire pendant quelques secondes. Dépassés par les évènements, par les circonstances de notre rencontre. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser, j'aurais dû être avec Louis pour rencontrer ses parents. Pas tout seul. Il aurait dû être là.

Sa mère a été la première à briser le silence. Si elle avait pu me frapper, je crois qu'elle l'aurait fait. Mais je ne lui en veux pas. Je comprends sa souffrance. Elle m'a craché que je lui avais volé ses derniers mois avec son fils. Que si je ne l'avais pas entraîné avec moi, il ne serait pas là aujourd'hui, qu'elle aurait su prendre mieux soin de lui. Son mari lui a soufflé de se calmer, puis il a fini par l'éloigner en la prenant par les bras en m'adressant un regard désolé. Moi, je n'ai pas réagi. Je suis resté là à encaisser ses mots sans sourciller, parce qu'elle a sûrement raison, au fond.

J'essaie de ne pas trop y repenser. Je regarde mon café remuer dans le gobelet que je secoue de gauche à droite entre mes mains. Ploc, ploc, ploc. Quand mes yeux finissent par se perdre dans le vide, je le bois. Je trouve ça toujours aussi répugnant. C'est amer, et il est déjà tiède, mais si ça peut m'aider à rester éveillé, j'en boirai toute la journée. Ça doit faire au moins une semaine que je n'ai pas dormi. Je ne sais même plus si je suis humain ou non. Ça me fait peur, je me fais peur.

Louis me manque tellement. C'est la seule chose dont je suis sûr, là tout de suite. Il me manque. Je ne l'ai pas vu depuis cinq jours seulement, mais j'ai l'impression que ça fait bien plus. Je ne suis au courant de rien. Il pourrait être en train de rendre son dernier souffle, là, et personne ne me préviendrait. J'essaie de me répéter que je vais le revoir, je ne peux pas ne pas le revoir.

Mes paupières sont de plus en plus lourdes, mais je lutte contre le sommeil, au cas où un médecin passerait, au cas où il y aurait quelque chose de nouveau, n'importe quoi.

Je rêve d'un lit et de Louis. D'un lit avec Louis. De Louis surtout.

— Harry... ?

Je sursaute sur ma chaise. Au début, je crois à une hallucination, mais quand je relève les yeux, je vois la mère de Louis face à moi. Elle a les mêmes yeux fatigués que moi, cernés et creusés, et ses cheveux châtain un peu emmêlés.

— Je peux m'assoir ? demande-t-elle en désignant la place à côté de moi du menton.

J'acquiesce, je me redresse correctement. J'ai les mains moites. Elle s'assoit.

Our Eternity - Larry StylinsonOù les histoires vivent. Découvrez maintenant