Les Irréguliers - Tome 1

Samuel

        Inutile. Complètement inutile. Une fois posé sur mon lit, une voix joviale vient me casser les oreilles. Jasper entre dans ma chambre et s'installe sur mon bureau.

— Tu réfléchis à quoi ? me demande-t-il en me voyant dans mes pensées.

— Sincèrement ? À des choses futiles.

— Comme à la nouvelle ?

— Bingo ! réponds-je sans un sourire ni une joie de vivre.

Jasper se met à souffler. Je crois que je le désespère. Oui, je juge très vite, mais ma première intuition est toujours la bonne et clairement, cette fille ne me plaît pas. Je n'ai jamais connu sa mère, mais je n'aimais pas cette femme. Je n'appréciais pas les rumeurs qui couraient à son sujet. Elle me semblait être une directrice pleine de conviction et de bonne humeur, mais avait-elle regardé plus loin que le bout de son nez ? Non, sinon elle aurait vu que les irréguliers n'étaient pas à leur place ici. Nous ne sommes pas des bêtes de foires et moi, encore moins.

J'enlève ma veste grise et dénoue ma cravate avant d'ouvrir doucement ma chemise. Un bouton après l'autre, jusqu'à ce qu'elle tombe sur mon lit. Je suis ma ligne abdominale du regard et finit par poser mes mains sur ma ceinture pour la défaire.

— Jasper ? Tu comptes rester là à m'admirer ? demandé-je en reprenant conscience de sa présence.

— Pourquoi ? Tu veux que je t'aide à te déshabiller peut-être ?

Je suis prêt à parier qu'il a son foutu sourire idiot affiché sur son visage. En relevant mes yeux vers lui, je remarque que c'est le cas.

— Sors de ma chambre ! Tu n'as rien à faire ici. J'ai une vie privée, je te rappelle.

Il ne bouge pas d'un millimètre. Bien au contraire, il se tourne vers moi et croise les bras pour montrer son impatience. Je ne sais pas ce qu'il attend, mais venant de lui, il va sûrement se plaindre. Je referme la boucle de ma ceinture et me pose sur mon lit, plissant légèrement les yeux en sa direction.

— Je t'écoute...

— Enfin ! souffle-t-il en riant. D'après mes sources très sûres, Aireen et Emma partagent leur chambre. Le sort de la nouvelle ne doit pas être important à tes yeux, mais tu ne trouves pas ça bizarre ? Tous les élèves partagent leur dortoir, mais les irréguliers n'ont pas le droit, c'est un fait. C'est bien pour cette raison que nous sommes dans des chambres séparées toi et moi. Alors pourquoi mademoiselle boucle d'or et son amie ont le droit ?

— Franchement ? J'en ai rien à cirer, lâché-je un poil énervé.

Jasper est un peu comme moi, une personne très froide. Il n'est pas du genre à rire ou à perdre son temps sur des choses futiles. Pourtant quand je suis là, c'est tout le contraire. Il affiche toujours un sourire radieux qui fait ressortir la couleur de ses yeux bleus et de ses cheveux blancs. Sauf que par rapport à lui, je n'arrive pas à sourire et je n'en vois pas l'utilité. Le nombre de fois où il a essayé de me faire rire est incalculable, mais à chaque fois le résultat est le même : je m'emporte un peu trop et je le blesse. Même en ayant vécu cela, il revient à la charge comme un taureau. Il est débile et naïf, à croire que sa vie lui importe peu.

— Discussion finie. J'ai adoré ce moment d'échanges, mais tu peux t'en aller, vociféré-je en venant me lever et ouvrir la porte.

— C'est toujours pareil avec toi Sam...

Monsieur descend doucement de mon bureau et se met à admirer ma chambre pour prolonger le temps. Elle est simple, mais très bien rangée. Les tons sont sombres, ils vont du gris souris à un noir profond et le seul éclairage que j'ai c'est une grande fenêtre. Mes meubles sont dans un bois grisonnant et je n'ai aucun objet personnel. Elle n'est pas du tout comme celle de Jasper, nous sommes comme la nuit et le jour, pourtant, nos émotions se ressemblent.