Les Irréguliers - Tome 1

Samuel

          La pensée d'Emma me bouleverse. Au fond de moi, j'espérais sincèrement qu'elle ne m'en voudrait pas. Je sais que je ne suis pas l'étudiant le plus gentil, aimable et serviable de l'académie, mais si je m'en prends à une personne, c'est qu'elle est devenue trop envahissante et dans ces cas-là, je ne me contrôle plus. Je suis tout de même peiné que ce soit elle qui en paie les frais. Vu qu'elle s'entraîne dans la grande salle, c'est qu'elle ne doit pas être blessée et ça me soulage. Je ne sais pas m'excuser.

Son cerveau débite un nombre de mots incalculable quand une situation la tracasse, c'est une véritable cacophonie, tous me parviennent comme si elle s'adressait à moi : "Que s'est-il réellement passé ?", "Est-ce toi qui étais visé ?" ou simplement "Pourquoi ?". Si seulement elle réfléchissait. Je n'étais pas la cible principale et ce n'est pas mon don qui m'a fait parvenir à cette conclusion. Si cet élève avait voulu m'atteindre personnellement, il aurait attendu que je sois seul, comme la plupart du temps. Je me demande pourquoi Emma subit l'acharnement du destin. Ses pensées la trahissent et elle n'a jamais rien fait qui pourrait lui causer des ennuis.

Je me questionne beaucoup à son sujet, car s'il lui arrivait malheur, j'aurais l'impression que ça serait entièrement de ma faute. L'amour est un sentiment puéril et la nouvelle a l'air d'être attirée par moi. Mais en restant à mes côtés, en essayant de me changer, de me comprendre ou de me protéger de mes cauchemars incessants comme elle l'a fait pendant l'excursion, rien de bien ne lui arrivera. Jasper en est le parfait exemple. Ce jeune homme est un mystère. Malgré la violence de mes paroles et de mes coups, il a toujours été là à attendre que je me calme. Jamais il ne s'est montré faible devant moi. Mais je ne souhaite pas qu'Emma emprunte le chemin que lui.

Je sens dans ma poitrine comme une vive douleur et ça ne me plaît pas. J'ai déjà assez donné là-dedans pour recommencer ! Je ne veux même pas réfléchir sur le problème qui agite mon cœur. Je ne peux pas.

Je secoue la tête et observe l'horizon. Étant sur le toit de l'académie, la vue est magnifique et le lieu reposant. C'est le seul endroit que j'ai trouvé pour avoir la paix. La forêt n'est pas mal non plus, mais il y a toujours une personne pour surgir de nulle part et empiéter sur ma vie privée. En observant les arbres en contre bas, je repense à l'accident de Léon et la nouvelle. Je suis sûr et certain que la foudre venait d'un élève, mais je ne sais pas qui contrôle cet élément. En tout cas, le garçon de première année était là pour la sauver du danger.

— Ironie du sort, soufflé-je d'un air méprisant.

Je m'étire et descends l'escalier de secours discrètement. Si un professeur me voit ici, on me passera un savon, enfin... s'ils y arrivent. Jusqu'à présent, aucun enseignant n'a réussi à me punir. Mon sourire et mes réflexions les déstabilisent tous.

Je n'ai pas le courage d'aller en cours. Je me dirige alors vers le dortoir, mais juste avant de franchir la porte, une demoiselle m'interpelle :

— Samuel, je peux te parler ?

Cette voix joviale, je la reconnais. Mon regard se tourne vers la jeune femme aux cheveux noirs et je plisse les yeux.

— Qu'est-ce qu'il y a, Nélia ?

— Je... Je voulais savoir...

Dire qu'il n'y a même pas quatre heures, elle avait un fou rire avec Emma. Quand elle est face à moi et que mes pupilles ne dévient pas, elle stresse. Comme si le monde qu'il y avait autour d'elle était en train de s'effondrer. Elle est plus petite que moi, mais elle a un fort caractère et ne se laisse pas faire, normalement. En observant ses mains, je me rends compte que celles-ci deviennent moites et je soupire.

— Tu voulais savoir quoi ? la questionné-je pour écourter la conversation.

— L'entraînement avec Emma n'a pas eu lieu, car elle était ailleurs. Je me demandais si Samaël était la cause de ses tourments.