Les Irréguliers - Tome 1

Emma

         Subitement, mon nez vient se blottir dans sa chemise blanche. Niveau surprise, on ne peut pas faire mieux ! Je ne comprends pas, car je n'ai rien vu surgir. J'ai beau réfléchir, je ne sais pas pourquoi Samuel vient de me rapprocher de lui, au point que je sente l'une de ses mains descendre dans mon dos pour me préserver. Ce n'est tellement pas son genre que ce geste m'étonne au plus profond de moi. Je glisse mes doigts entre nous et m'écarte légèrement de lui, mais c'est raté. Il me garde à ses côtés. Mon cœur bat rapidement et en posant mon visage contre son épaule, je me rends compte que mon cœur bat et que le sien aussi, mais pas pour la même raison. Que se passe-t-il ? Je recule et l'observe, intriguée. Il place sa main dans la poche de son pantalon gris, mais je le vois serrer son poing dans celui-ci. Je fronce alors les sourcils et suis son regard jusqu'au dortoir, mais rien. Il n'y a personne et c'est à peine si je perçois une feuille d'un arbre tomber.

— Samuel ? Tu vas bien ? demandé-je inquiète en le voyant silencieux.

Il ne répond pas, mais ça ne change pas de la vie quotidienne. Au moment où je l'examine plisser les yeux, une flèche passe entre nous. À une distance raisonnable de moi, mais suffisamment proche de lui. Son regard se durcit et je me sens comme démunie. Par instinct de protection, je m'approche de lui. Je ne sais pas ce qu'il se passe, mais j'ai peur, pour lui et pour nous.

— Qui vient de tirer ? murmuré-je.

Je comprends enfin le comportement du dieu de l'enfer. Il a voulu me protéger. Et dire que je pensais à autre chose... Décidément, mon cœur me joue des tours. Je sais que ma réaction face à cet événement est à revoir. Je ne panique pas, mais je ne suis pas non plus indifférente. Seul l'état dans lequel Samuel se trouve me perturbe. Je ne l'ai jamais vu avec une mâchoire aussi serrée. Se retient-il de bouger ? Je regarde une nouvelle fois l'arrière du bâtiment, mais il n'y a toujours personne.

— Il est invisible ou quoi...

— Tu te trompes ! me coupe-t-il sèchement, il y a bien quelqu'un avec nous !

Je me mords la lèvre inférieure avant de souffler et ancrer mon regard dans le sien.

— Que veux-tu ? Tu n'es pas non plus le plus aimé, tu es le premier à me l'avoir dit, réponds-je en haussant les épaules.

— Ne prononce plus ça ! crie-t-il en venant me dévisager. Si ce garçon avait souhaité me viser, il l'aurait fait une fois que j'aurais été seul, mais tu es avec moi, donc tu es aussi impliquée. Réfléchis un peu !

Je tourne la tête dans la direction opposée pour fuir, me sentant mal à l'aise. J'ai connu des choses horribles dans ma vie, comme le suicide par balle réelle de ma meilleure amie et ce, devant ma famille. Donc une flèche ne me fait pas peur, mais il n'a pas l'air d'apprécier. Il ne me dit pas tout. Je le sais.

— Parle-moi, soufflé-je innocemment en retrouvant ses yeux.

Il baisse la tête vers moi et soupire.

— Je ne l'entends pas ! Ce mec est là, non loin de nous. Il sait que je l'ai repéré, mais il ne bouge pas. Il n'a pas de pensées, Emma ! Comment veux-tu que je te protège un minimum, si je n'arrive pas à prévoir ses gestes ?

Mon cœur s'arrête et mes iris se bloquent dans les siennes. Que vient-il de dire ? Ai-je rêvé ? Mes paupières papillonnent pendant de longues minutes. Alors que je souhaite faire un pas vers lui pour le réconforter. Une seconde flèche me stoppe. Là, cette mascarade commence à m'énerver.

— Deux fois ne suffisent pas bon sang ? marmonné-je dans mes dents.

Samuel vrille à mes paroles. Il m'a clairement entendue et je crois que ça ne lui a pas plu. Il serre davantage son poing, tellement que deux grosses veines sortent le long de son avant-bras et sans rien dire, il descend les escaliers, venant se diriger vers le dortoir. En l'observant s'éloigner, je remarque enfin le garçon caché derrière le mur. Comprenant que Samuel s'approche de lui, celui-ci fait évaporer la quatrième flèche qu'il avait préparée et commence à partir. L'atmosphère change et je suis inquiète en voyant mon ami en colère. Je le rattrape et lui saisis la main pour le ramener à la raison. À cet instant précis, il est capable de commettre un acte irréparable.