Samuel

79 15 27
                                    

        Aireen ne m'a pas adressé la parole durant le trajet. Elle ne voulait pas me contrarier et je l'en remercie. Je ne me voyais pas dialoguer avec elle, comme si rien ne s'était passé. Elle a été blessée et pourtant, la demoiselle a rapidement pardonné à Emma. Je ne comprends vraiment pas les filles. Une fois arrivés, elle est sortie de la voiture et a rejoint le bureau des professeurs installé à la hâte dans un chalet.

Avant de me diriger vers le mien, je vois Évangéline arriver au loin avec de gros sacs. Je remarque le mien et me rends compte qu'il y a de l'eau qui dégouline du tissu.

— J'ai pu récupérer vos affaires, mais malheureusement le pouvoir de Jasper ne les a pas épargnés. Tu peux les prendre ? En tant qu'irréguliers, vous dormez tous sous le même toit, surtout qu'il est assez grand pour bien séparer les filles des garçons.

Même si elle me l'a demandé en tant que faveur, elle dépose les sacs devant mes pieds et part. En soi, je n'avais pas le choix de refuser. Entendu ! Je saisis mes affaires et celles de mes colocataires pour pouvoir me diriger vers notre chalet. C'est lourd, mais je ne ressens pas de difficultés particulières à les porter. Une fois à l'intérieur, je cherche directement une chambre et j'en trouve rapidement une qui me semble parfaite. Sans fenêtre, elle est simplement éclairée par une petite lampe centrale. Elle me correspond. Pas d'artifices sur les murs comme des tableaux, juste du bois. Je vais adorer cette pièce sombre. En me dirigeant vers le salon, j'observe une autre pièce à ma gauche. Un lit blanc, quelques plantes et même une baie vitrée, je sais d'avance que c'est une fille qui va la prendre. Mon regard dévie alors vers la droite où un canapé d'angle installé sur un tapis blanc se bat avec une petite commode blanche. Je crois que niveau place, on est bon. En entrant, j'ai remarqué une salle de bain. J'imagine que le reste des chambres se trouvent au premier.

Je pars dans la salle d'eau pour emprunter une serviette que l'organisation met à notre disposition. J'enlève ma veste, ainsi que ma chemise. Je m'essuie le corps et enfile un t-shirt qui traîne dans les armoires. Les personnes ici ont été réactives ! Évangéline a dû les tenir au courant de la situation. En sortant sur le balcon pour prendre l'air, mon esprit se met à fonctionner à vive allure. Je vais devoir me coltiner ces trois rigolos pendant trois jours ? J'adore. J'attends patiemment qu'une occasion particulière se présente à moi ! Je ressens le besoin d'être méchant. Depuis ma naissance je suis ainsi. Je suis déjà un monstre à cause de mon irrégularité, mais j'avoue être un démon quand on y ajoute mon caractère infâme. M'adoucir ? Je dirais même, me dresser ? Impossible. Je suis le dresseur, pas le dressé.

Mon regard baissé. Mes yeux captent quelque chose d'intéressant. Une longue voiture grise aux vitres teintées s'arrête au cœur de la plaine. Le chauffeur sort et vient ouvrir la portière à la personne assise derrière. À en juger par la prestance du conducteur et de la voiture, je suis prêt à parier que Monsieur Morrow est à l'intérieur. Bingo ! Un élégant homme en sort. Un costume gris taillé sur mesure et une chevelure mi-longue blonde, ça ne peut être que lui. Même si je l'ai vu pour la dernière fois, il y a plus de cinq ans, mes souvenirs sont encore bons. Ce mec m'écœure. S'il mourait, j'aurais bien plus de libertés et les irréguliers aussi. On ne dirait pas, mais même en amphithéâtre, nous avons des interdictions. L'exemple le plus concret : pour un travail de groupe, il nous est interdit d'intégrer un binôme d'étudiants normaux.

Je sens une colère qui ne m'est pas inconnue monter en moi. Monsieur Morrow se dirige vers le chalet des professeurs. Il doit être inquiet pour sa petite protégée ! Je ne perçois pas son expression, car elle est dissimulée par un chapeau gris et je n'arrive pas à lire en lui. Je n'ai jamais réussi d'ailleurs, mais ça ne me dérange pas. J'ai peur que ça soit un directeur et séducteur d'étudiantes. Oui, je me fais des films, mais je n'ai pas envie de tomber sur des pensées loufoques, comme son premier ébat sexuel. Pour peu que cet événement fut tragique pour lui, c'est la première chose que je percevrai. Cet homme reste tout de même un mystère, car je ne sais pas comment il bloque ses pensées. Grâce à un charme peut-être ? Je suis curieux, mais pas désireux d'avoir une réponse.

Les Irréguliers - Tome 1Où les histoires vivent. Découvrez maintenant