Le soleil du petit matin filtre entre les planches de ce qui me semble être une petite écurie. Je me suis éveillée il y a déjà quelques instants, mais je reste là, allongée et calme, à contempler les poussières qui flottent et brillent dans la lumière. A côté de moi, une robe propre d'Alaïs, soigneusement pliée. Sur moi, une couverture verte épaisse. Avec une fleur dessus. Je souris alors en la voyant.
Des larmes, ces fichues larmes, pointent le bout de leur nez...Depuis combien de temps n'ai-je pas eu droit à un tel réveil? Depuis combien de temps ne me suis-je pas sentie en sécurité, au chaud? Une éternité, sans doute...
Tenant la couverture contre moi, la fleur entre mes doigts, je m'assieds sur la paille. Comment mon amie a-t-elle pu enfermer Elwen? Je l'ignore. Peut-être l'a-t-elle droguée, qui sait...
-Non...Je lui ai juste murmuré de dormir. J'ai un chuchotement très...persuasif...
Je me retourne et je la vois, debout devant la porte. Mais comment a-t-elle fait pour entrer dans un tel silence?
Ses longs cheveux rouges ont pris une couleur violette...Je ne m'en étonne même pas. De toutes petites fleurs y sont accrochées. Ses yeux d'un bleu pur et foncé brillent en me voyant, du même éclat qui animait le regard de Thomas quand ce dernier était posé sur moi. Je lui souris alors et malgré moi, ma main se tend.
-Viens...
Je murmure ce simple mot, mais un espoir s'y est blotti. Elle s'approche alors, me sourit, s'agenouille à mes côtés. Elle est calme, posée. Elle est si belle, si...Je pince mes lèvres un instant...Un sentiment, une émotion violente me parvient alors.
-Alaïs...Je...
Mais les mots restent coincés dans ma gorge. Je pose ma tête dans son cou, serrant sa main très, très fort.
-Merci...
Je l'entends alors rire doucement.
-Je vais te laisser t'habiller, puis tu viendras te laver. Je t'ai préparé des galettes. Ensuite, j'aimerais te montrer ma rencontre avec le loup...
-Comment ça?
-Tu verras, répond-elle en se levant.
Habillée, lavée, repue. La sainte Trinité!! Et ça fait du bien. Du bien d'être avec quelqu'un qui me comprend. Quelqu'un qui me protège...
-Elle était bonne, ta galette.
-Un peu de beurre, un peu de miel...Beaucoup d'amour...
Ces derniers mots vrillent à mes oreilles et mon corps se tend instantanément.
-Pardon! me dit-elle alors en s'empourprant.
Je secoue alors la tête pour la rassurer.
-Montre-moi.
La tête sur ses genoux, allongée dans l'herbe fraiche et humide, le vent frais caresse nos visages.
-Ferme les yeux. Et quoi qu'il se passe, ne lutte pas...Je te ramènerai quand ce sera fini...
Sa main prend les miennes. Peu à peu, une immense lassitude s'empare de moi. Les senteurs de la forêt s'effacent, les bruits aussi...Le silence se fait...Je m'endors...Je crois...
Un long grondement sourd se fait entendre dans le noir. Je me tends de peur, mais son autre main caresse mes cheveux...Tout va bien...
Dans l'ombre, un museau noir apparait entre les arbres, sur un gros rocher. Une petite fille, juste derrière moi, cueille des fraises en chantonnant. Elle a des cheveux rouges comme le sang. Un immense chaperon rouge la recouvre également. Sa voix d'enfant résonne.
Le loup la regarde un instant. Et soudain, je perçois comme un murmure qui émane de lui.
-Dis moi, chère enfant, que fais-tu toute seule dans la forêt? Ta maison est-elle loin?
La petite fille se retourne et sourit au loup, les joues rosies par le froid.
-Oh oui, répond-elle. Elle est de l'autre côté de ce talus. Mais je dois rentrer. Ma grand-mère m'attend.
-Non, jeune enfant...Il serait dommage de me laisser ainsi...N'as-tu rien à m'offrir avant de t'en aller?
L'enfant plisse des yeux. Ses petites mains tendent alors au loup une poignée de fraises. Ce dernier les regarde un instant, se lèche les babines, et reporte son attention sur elle.
-Je ne parlais pas de cela, belle enfant...J'ai faim, ce soir...
Le loup saute alors du rocher et s'approche très lentement d'Alaïs, qui recule de peur.
-Ne me faites pas de mal...
Sa respiration commence à s'accélérer, à mesure que le souffle du loup la caresse. Elle se met alors à hurler d'effroi et à courir vers sa maison, aussi vite qu'elle le peut. Le loup la regarde s'éloigner sans bouger et murmure:
-Je sais où tu te caches, jeune chair fraiche. Je saurai où te trouver à l'avenir...
L'image se floute...Le noir réapparait. Puis un autre grondement, plus bas, plus sonore. Et des hurlements. Une jeune adolescente est mordue au bras par ce même monstre, qui tentait de l'emporter. Une autre femme, les cheveux gris, frêle comme une feuille, surgit avec une dague et la plante dans le corps du monstre qui hurle de douleur et lâche sa victime.
L'image disparait à nouveau...Puis je les vois, toutes les deux, dans la maison d'Alaïs. La jeune fille est en pleurs.
-Tu sais que ce loup n'est pas comme les autres, ma chérie!
-Mais Mère-Grand, je ne comprends pas...
-Il est plus fort, il est féroce, assoiffé de sang. Je me demande s'il est vraiment ce que l'on voit de lui...Ne l'approche plus, Alaïs. Parle avec toutes les autres créatures de la forêt si ça te chante, mais ne lui adresse plus la parole! Est-ce que tu m'as comprise??
La jeune fille hoche alors de la tête, avant de s'effondrer en pleurs dans les bras de sa grand-mère.
-Il devient dur de te protéger, ma chérie...Chaque créature sent ta présence ici...Mais lui...Je pense que nous n'aurons bientôt plus le choix. Il va falloir le tuer.
L'image disparait à nouveau, pour laisser place à deux yeux couleur de feu. Une respiration haletante. De longs cheveux roux en bataille. Et surtout un visage jeune, celui d'Alaïs, maculé de sang, penché sur le cadavre encore chaud d'un loup gigantesque dans lequel une grande dague est plantée. Puis, quelques mètres plus loin, un autre corps sans vie. Celui de sa grand mère, mordu de toutes parts.
Je tressaille alors, saisie d'effroi, mais je sens une main qui me caresse les cheveux. Une dernière fois alors, le décor change et c'est une Alaïs bien plus adulte que je vois, penchée sur des baies sauvages, mais regardant avec terreur ce même loup, dont le regard avait complétement changé. Il avait à présent des yeux humains. Des yeux fous.
L'image se trouble encore, mais cette fois, je reviens doucement à moi. Les bruits et les odeurs de la forêt me reviennent, mais ma terreur ne diminue pas. La première chose que je vois en revenant, c'est son visage qui me sourit doucement.
-Ta grand-mère...C'est lui qui...
Elle hoche alors la tête et des larmes coulent sur ses joues. Je me relève alors pour arriver à sa hauteur. Et je lui offre mes lèvres en un baiser chaud et doux, en plongeant mes doigts dans ses cheveux et en m'enivrant de son parfum.
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La Louve et la Sorcière
ParanormalAu Moyen Age, au plus profond de la forêt, Marie, une jeune femme, supplie de devenir une bête à la nuit tombée pour qu'aucun homme ne la touche plus jamais. Son jeune mari vient d'être assassiné et sa souffrance est indicible. Elle veut juste se pr...