15 minutes plus tard
La sonnerie du lycée retentit. Les élèves se dispersent. Je retrouve rapidement Alexia.
- On y va ?
- C'est parti ! Je lance d'un ton enjoué que l'on ne me connait pas.
Nous entrons et elle me montre d'abord la cantine, l'infirmerie, la vie scolaire, puis je me laisse emporté vers les autres bâtiments où les salles de classe s'alignent. Je bois ses paroles. « Là les salles de sciences. Ici les salles d'art... » et ceux, sur 3 étages.
Dans un escalier interminable, elle se tourne vers moi.
- Je peux te poser une question indiscrète ?
- Bien sûr ! je crie presque.
- Je suis sûr d'avoir déjà entendu ton prénom quelque part, mais j'ai du mal à me souvenir où. Tu n'aurais pas le même nom que quelqu'un de célèbre ? Ou d'un personnage fictif connu ?
- Samaël est le nom angélique de Lucifer.
- Effectivement ça me revient. Merci.
Elle recommence à gravir les marches.
- Ça ne t'étonne pas que je porte le prénom originel du diable ?
- J'ai un ami qui s'appelle Gabriel. Samaël est aussi le nom d'un ange. Bon, un ex-Ange mais ce n'est pas la question. On ne fait pas tout un foin pour les Gabriel, je ne vais pas en faire pour les Samaël.
Je suis scotché par son raisonnement. Si je lui disais que je suis le Diable répondrait-elle aussi que je ne suis qu'une âme parmi les autres ? (Quoi ? J'ai le droit d'avoir de l'espoir, non ?)
Arrivé à la dernière salle, j'ai peur qu'elle me dise que c'est fini. Mais elle prend un bâton caché dans une alcôve et tire une trappe au plafond. Une échelle se présente. Elle se met sur la pointe des pieds et sautille pour l'attraper mais elle n'est pas assez grande.
Elle s'apprête à demander une chaise dans la salle voisine lorsque je tends le bras et déplie l'échelle. Elle sourit. Elle ME sourit.
Ma guide monte à l'échelle et m'invite à faire de même. Nous arrivons dans un grenier encombré. Elle ouvre une fenêtre, passe au travers de l'ouverture et m'incite à la suivre. Ce que je fais sans hésiter. Nous débouchons sur un toit-terrasse très grand.
- C'est ici que les lycéens se « cachent ». L'administration connait l'existence de ce lieu mais, même si on n'est pas censé avoir le droit de venir, ils ferment les yeux. C'est notre coin à nous, explique-t-elle.
- Pas mal la vue, je dis en m'approchant du bord.
- Il y a quand même des règles sur cet endroit que les délégués ont voté.
- Quelles sont-elles ?
- Il ne faut pas abuser de cet endroit. Ce n'est pas un lieu où se réfugier pour sécher, aucune mise en danger : personne n'a le droit de s'approcher du bord ou de bousculer quelqu'un...
Je recule immédiatement.
- ... pas de sexe ici, ça, on l'a décidé après avoir surpris un couple...
J'étouffe un rire
- Pas de drogue, pas d'alcool, pour les mêmes raisons. C'est un lieu collectif, on ne peut pas se permettre tout et n'importe quoi.
- C'est évident.
- Fin juillet, on organise toujours une petite fête de fin d'année. Et ici c'est la « scène ». Donc personne ne monte à cause des sonos et tout, sauf : le DJ, les organisateurs, ceux qui animent et, pour une durée limitée, les terminales qui veulent faire une annonce d'adieu au lycée.
- Compris.
- J'espère que tu seras encore là pour participer.
- Moi aussi...
Il y a comme un petit moment de flottement avant qu'elle ne reprenne :
- Eh bien, merci de ton attention. La visite est terminée, la sonnerie va bientôt retentir. Je te libère et t'invite à te rendre à ton prochain cours.
Elle est si professionnelle ! Nous redescendons et je cherche mon emploi du temps. Mon sac m'énerve déjà. Par tous les Damnés ! Je suis le Diable ! L'accoutrement d'un lycéen ne me convient pas, mais alors pas du tout.
- Tu t'en sors ? T'as besoin d'aide pour trouver ta salle ? me demande-t-elle.
Ma salle ? Quelle salle ? Ah ! Ma salle de cours. Je devrai pouvoir la trouver seul. J'ai une mémoire infaillible, je n'ai rien oublié de ce qu'elle m'a dit. J'accepte pourtant son aide, ne serait-ce que pour marcher encore un peu avec elle.
- Il y a marqué quoi sur ton emploi du temps ?
- Maths avancées avec Monsieur Faulauk salle B304.
- Sérieux ? On a cours ensemble alors ! On peut passer chercher mes affaires dans mon casier et y aller tout les deux, si tu veux.
- Bien sûr.
Nous allons aux casiers. Elle prend ses affaires. Je lui propose de porter son sac qui - ça se voit - lui fait mal au dos, mais elle refuse en riant. Elle ne m'a pas pris au sérieux je crois.
Nous nous dirigeons vers notre salle. La sonnerie retentit. Nous nous mettons à courir pour atteindre à temps le 3ᵉ étage.
Dans les escaliers, elle trébuche et je la rattrape. Le contact de son corps sous mes mains me donne des frissons.
- Merci ! dit-elle en reprenant sa course folle.
Je la suis sans effort. (Franchement ce n'est pas un effort physique qui va affecter le Diable.) Mes yeux sont rivés sur elle.
Nous arrivons enfin. Juste à temps.
- Bonjour, lance-t-elle à notre prof.
Je l'imite. Puis je vois un des élèves du premier rang sourire d'une manière déplaisante en la voyant passé, son regard glisse sur le corps d'Alexia dévoilant son désir poussé par ses hormones en ébullition. Le prof me souhaite la bienvenue dans son cours. Il me donne les règles de bases à respecter durant sa classe mais mon esprit reste bloqué sur la manière dont l'autre l'a regardée. Je me retiens de lui foutre un pain juste pour avoir osé lui sourire comme ça. Je suis le Roi des Enfers ! Il n'a pas le droit de s'intéresser à mon... mon...
Non. Impossible.
Pour la première fois depuis que je l'ai vue, je sors de mon état hypnotique et réalise ce qu'il m'arrive...
Non. Impossible.
Je suis Lucifer, le premier Déchu, le maître des Démons, le roi des Enfers, une telle chose ne devrait pas m'arriver...
Non. Impossible.
Je refuse d'y croire. Pourtant, là, à quelques pas de moi, se tient une âme d'une pureté éclatante qui attire la mienne, son contraire absolu.
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Une âme pure pour le Diable
ParanormalLe Diable ne comprend décidément rien aux humains. Chaque jour, arrive dans son royaume des âmes damnés provenant du monde entier. Pourtant, ils ont tous été prévenus : les méchants vont aux enfers. Pourquoi se condamner à une éternité de souffrance...