Une âme pure pour le Diable

19. Couronnement

Le mort a été ramené dans sa cellule, il ne sera pas puni. Ou du moins, pas plus que d'habitude. Après tout, le quartier 666 est déjà le plus cruel des enfers. J'ai tout raconté à Alexia lorsqu'elle est revenue. Elle m'a demandé de ne pas être trop sévère avec la Démonne. Elle serait déjà morte depuis longtemps si mon âme sœur ne m'avait pas demander d'être clément. Cette fille me rend fou...

Je décide d'enfermer la Démonne pour le moment. Son châtiment sera prononcé après le couronnement qui approche à grand pas. Je n'ai pas encore eu le temps de préparer ce grand événement avec toute cette histoire. Je n'ai plus de temps à perdre... 

Je passe tout mon temps libre à préparer la cérémonie. 

L'heure fatidique sonne enfin. 

Tout les Enfers sont présents. Mes deux peuples sont exceptionnellement réunis pour rencontrer leur nouvelle Reine. (Et oui, les Damnées aussi.)

Je suis debout sur la gigantesque estrade en bois qui permet à tous de nous voir. Il n'y a pas beaucoup de décorations : une petite table, des rideaux rouges sur les bords, des pétales de roses parterre... et c'est tout. (En ce qui concerne les pétales de roses, ça devait être du vrai sang, mais Alexia a piqué une crise alors on a dû opté pour les fleurs.) Je porte ma couronne (chose rare parce que ce truc pèse une tonne et que la plupart du temps elle tombe - elle quitte ma tête toute seule quoi - ce qui n'est pas bon pour ma crédibilité. Mais puisque c'est un couronnement je n'ai pas trop le choix). Celle de mon âme sœur attend sur un coussin de velours sur la petite table. Elle est ornée de diamants et de rubis, le tout sur une structure d'argent en arabesques. 

Alexia arrive enfin. Silence en Enfers. Elle est magnifique. Sa robe bustier lui va à ravir. Rouge, noir et blanche elle s'adapte à mon royaume sans pour autant reniée qui elle est. 

Elle n'a pas peur : elle est prête. 

Elle s'avance vers moi, prend ma main du bout de ses longs doigts fins et se stoppe face à la foule. Pas de long discours, je fais court :

- BIENVENUE PEUPLES DES ENFERS ! AUJOURD'HUI EST LE DÉBUT D'UNE ÈRE NOUVELLE POUR NOUS ! 

Alexia se met à genoux devant moi et je me saisis de sa couronne (qui est toute légère et finement ouvragée. Je pense d'ailleurs la lui voler dès ce soir parce que je me suis déjà trop énervé contre la mienne). Dans un geste solennelle je la lui dépose sur la tête, elle se relève élégamment sans se presser et se redresse face à ses peuples.

- ACCLAMER LA PREMIÈRE (et dernière) REINE DES ENFERS : LA REINE ALEXIA, FUTUR ÉPOUSE DU ROI LUCIFER ! je proclame.

Applaudissements. Applaudissements. Applaudissements. 

Je lève la main et le silence revient.

- JE LA LAISSE MAINTENANT VOUS EXPOSER SES PLANS POUR NOTRE ROYAUME.

Je me mets en retrait et lui donne le micro. Elle parle d'une voix plus douce que moi et tous l'entende malgré le fait qu'elle ne crie pas. Elle capte l'attention de tous. (Faut croire qu'elle a un don pour ça. (Elle a un don pour tout comme vous avez pu le constater avec le traversage de foule.))

- Bonsoir, habitants des Enfers. Vous connaissez mon nom, mon visage, mon titre, mais des doutes planent encore quant à ma présence auprès de vous...

C'est pas le discours qui était prévu ! Elle me fous quoi, là ? Elle pouvait pas s'en tenir au plan ?!

- ... et je comprends votre crainte. Après tout, vous vivez depuis des millénaires seuls avec votre Roi. Cependant, je ne compte vous faire aucun tort ! Ni à vous, ni à Lucifer. J'aime cet homme et je prendrai soin de ses - enfin de nos - peuples. C'est mon devoir mais également ce qui m'a poussé à venir ici. Les Cieux ne m'envoient pas pour prendre le contrôle des Enfers, mais pour renouer avec vous. Vous entendre et vous aider. En ce qui concerne les premières réformes que j'apporterai directement à ce monde dans les jours qui vont suivre...

Elle a vraiment rajouté un paragraphe ! « En ce qui concerne les premières réformes que j'apporterai à ce monde » est le début du discours qu'elle était censée prononcer. Mais elle a choisi de les rassurer d'abord. Trop gentille, moi je vous le dis. Enfin bref, si elle ne rajoute pas des imprévus c'est que ce n'est pas vraiment elle. Je suis fière d'elle. Mais ne lui dites pas : elle serait capable de continuer ce genre d'initiative, or je tiens à ce qu'elle reste en vie, les imprévus c'est bien tant que ça ne la met pas en danger. Les Enfers ne sont peut-être pas formellement mauvais mais dangereux c'est certain.

Après des explications qui semblent avoir convaincu tout le monde, les Damnées sont ramenés chez eux et les Démons reprennent leur poste. Je vais récupérer ma belle et la prend dans mes bras. 

- Tu as été sublime !

- Sûr ? Ils s'ennuyaient, non ?

- Non, bien sûr que non, mon amour. Tu leur a donné de l'espoir. Et ça, je n'ai jamais su le faire. Tu as été formidable, comme toujours.

Je l'embrasse sur la scène (et ma couronne quitte ma tête. Je vous l'avais dit : elle m'abandonne toujours, incapable de rester en place. Le bout d'or pur heurte le sol avec fracas.). Lorsque nos lèvres se séparent, elle ramasse ma couronne et je lui prend la sienne. Je pose son diadème sur ma tête et me met à jouer les imbéciles. Elle se met à rire de bon cœur.

J'ai vraiment changer. Elle a réussi à me changer.