Quelques heures plus tard
Je suis de retour chez moi. Je m'étale sur mon lit. Chamboulé. Stephen réapparaît à côté de moi.
- Lucifer ? Vous n'avez pas l'air bien...
- Sans blague ?! j'ironise.
- C'est à cause de cette femme que vous avez observé toute la journée ?
- Oui.
Je n'ai d'autre choix que d'admettre qu'il a raison. C'est « cette femme »...
- On doit faire un saut aux Enfers. Je dois vérifier un truc.
Je me lève vivement et forme le portail. Nous atterrissons devant mon trône. Bélial est nonchalamment assis dessus. Il se redresse en me voyant arriver.
- Déjà ? s'étonne-t-il.
- Je ne suis que de passage. Je dois vérifier un truc à la bibliothèque.
Il me dévisage.
- Euh... Satan ? Tu es sûre que tu vas bien ?
- Non... enfin si. Et c'est bien ça le problème : je ne me suis pas senti si bien depuis...
Je ne finis pas ma phrase. Non, je ne veux pas y penser. Chaque fois que j'évoque ma vie angélique, mon cœur se sert. Après tout ce temps, j'ai encore mal rien qu'en y pensant.
- Je viens avec toi, insiste mon Régent.
Nous entrons dans ma grande bibliothèque privée. Une Démonne s'approche de nous.
- Maître, Seigneur Bélial, cherchez-vous quelque chose ?
- Trouve-moi un livre sur les âmes sœurs, j'ordonne.
Elle part dans les rayons sans poser de question.
- Il va sérieusement falloir que tu penses à m'expliquer là ! exige Bélial.
Il ne comprend rien. Moi, le Diable en personne, va à la bibliothèque (chose qui doit arriver une fois par siècle grand maximum) pour y demander un ouvrage sur les âmes sœurs. Il y a de quoi s'inquiéter sur ma santé mentale.
- Justement, moi aussi, je cherche une explication. Sinon, je ne serai pas là.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé pour que tu en viennes à ce point ?
- Je me pose la même question.
Il se calme un peu. Prêt à attendre que j'ai moi-même l'explication.
La bibliothécaire revient avec un gros ouvrage poussiéreux. Personne n'a jamais dû consulter ce livre. (Sérieusement qui est-ce que ça intéresserait ici ? Les Démons n'ont même pas d'âmes et moi...)
Elle le pose sur la table et je la chasse d'un geste de la main. Je commence à feuilleter les premières pages.
- Là ! je m'écris.
Je commence à lire à voix haute :
- « Chaque âme de l'univers en a une sœur. Toutes les âmes vont par paires... » BORDEL !
Je cherche une astérix, une note de l'auteur, n'importe quoi qui prouverait qu'il y a des exceptions.
- Mais quoi à la fin ? Ça, tout le monde le sait ! J'aurai déjà pu te le dire ! S'énerve de plus belle Bélial.
- Tu ne comprends pas, tu n'as toujours pas fais le lien : il est écrit que TOUTES les âmes en ont une âme sœur. Or, la mienne à beau être noire comme de l'encre, elle est là. J'ai une âme. Corrompue en long en large et en travers, certes, mais bien réelle.
- Oh.
Il vient de comprendre.
- Cupidon t'as attribué une âme...
Je hoche la tête. Il pose sa main sur mon épaule en geste de réconfort. Je poursuis mon explication :
- Et comme l'attirance est telle que nous n'en sommes pas conscients, en allant sur Terre je suis tombée pile dessus. Dans son pays, dans sa ville, dans son lycée... RAHHHHHH ! Je me suis fait avoir comme un bleu !
- T'es dans la merde.
- Ça m'aide beaucoup, Bélial. Je sais que je suis foutu : je connais le principe des âmes sœurs.
Un silence s'étire. Je continue de fixer cette page, comme si la solution se trouvait dedans.
- Tu comptes faire quoi ? Demande mon meilleur Démon au bout d'un moment.
- Je n'ai pas le choix. J'y retourne. Autrement, je mourrai de chagrin.
- Tu ne peux pas mourir.
- Mais je peux dépérir. Maintenant, je ne suis plus rien sans elle.
- Elle ? M'interroge-t-il avec un sourire pour que je lui en révèle plus.
- Une femme magnifique. Elle est aussi pure que les Anges et... et je me rends compte à quel point j'ai l'air con. Si j'étais sûr d'une chose, c'est que jamais les Cieux ne m'offrirait le bonheur de l'amour véritable. Pourtant, voilà qui est chose fait. Après tout ce que j'ai fait, ils me permettent d'être heureux...
À nouveau en train de sombrer dans la nostalgie, il s'empresse de changer de sujet.
- Selon mes critères basés sur mes études inexistantes en la matière, j'en conclue que tu es déjà à un stade avancé de « in love total ».
- À nouveau, je me demande ce que je ferai sans toi (sérieusement : ses conseils ne me servent vraiment à rien). Je me souviens encore de son âme. C'est le contraire de la mienne. (Bélial est l'une des rares personnes qui sait à quoi ressemble réellement mon âme.) La sienne est... éblouissante. Plus blanche que celle des nouveaux nés, elle brille de mille feux !
- Je ne veux pas casser l'ambiance mais, tu te rappelles qui tu es ? Si elle apprend la vérité...
- Je sais. Et je ne compte rien lui dire... Bon sang ! J'ai une âme sœur !
- Et si les Cieux l'avaient envoyée pour te faire souffrir ?
- Eh bien je suis déjà tombé dans le piège et je n'ai pas l'intention d'en sortir.
Le pouvoir des âmes sœurs est sûrement l'un des plus puissants en fonctionnement et il est en vigueur dans tous les mondes. Regardez-moi ! Je suis le Diable ! Pourtant, je sais que je n'ai aucune chance face à un tel pouvoir. Je suis même heureux que ce pouvoir me prenne.
Ma priorité maintenant est de la protéger. Je fais voler une feuille blanche jusqu'à moi et grave dessus le visage d'Alexia, puis tend le portrait à Bélial.
- Fait circuler cet avis dans chaque Enfer. Que tous les Démons l'ai vu avant demain matin. En priorité ceux qui vont régulièrement hanté la région où elle habite. Si l'un d'eux la touche, lui fait du mal, de près ou de loin, je lui offre un allé simple pour le néant. Personne. Ne. Doit. Lui. Faire. De. Mal.
- Comme tu voudras. Je dois donner un motif particulier ?
- Est-ce que tu dois leur dire que c'est mon âme sœur ? Je ne sais pas trop. Ne dis à ces Démons de pacotilles que l'ordre que je t'ai transmis. En ce qui concerne les rumeurs que tu lanceras... dis simplement que le Diable, pour une raison inconnue, protège cette humaine, de sa vie s'il le faut.
- Tu es certain ? De ta vie ? Vraiment ?
- Oui. Sans hésitation.
- Tes ordres seront respectés.
- Je compte sur toi.
- Tu peux.
- J'espère. Bon, il est tant que j'y retourne. Ma belle me manque.
Bélial me salue, me souhaitant bon courage même s'il ne comprend pas réellement les sentiments qui m'animent et je repars. Je repars, vers ma belle (avec Stephen).
En bon esclave, il n'a pas dit un mot lors de mon échange avec mon ami. Pourtant, je vois bien qu'il meurt d'envie de me questionner. De retour dans mon manoir, je le regarde d'un air amusé. Il lève la tête de façon comique pour réussir à voir mon visage et je l'autorise à parler.
- Qu'y a-t-il, Stephen ?
- Vous aimez cette femme ?
- Oui.
J'encre mon regard au sien.
- Ça te surprend ?
- Pour être tout à fait honnête avec vous : oui.
- Je comprends. Mais sache que je n'ai pas le choix. Même le Diable est soumis aux lois des âmes sœurs. De plus, en tant qu'ancien Ange, j'y suis encore plus sensible que les humains. Un coup de foudre inévitable si tu veux.
Il hoche la tête, surpris de ne pas avoir été décapité quand il a ouvert la bouche. Mais je suis d'humeur joyeuse (appelez une ambulance je me mets à parler de mes sentiments à mes esclaves). L'amour, ça change les gens.
- Allez, il est temps pour toi d'aller dormir : une longue journée nous attend demain.
- À vos ordres.
Je souris. Vivement demain ! Que mon réveil sonne et que je retrouve ma fabuleuse âme sœur.
Cette âme sœur est-elle une bénédiction ou une malédiction ? Je n'arrive pas à trancher.
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Une âme pure pour le Diable
ParanormalLe Diable ne comprend décidément rien aux humains. Chaque jour, arrive dans son royaume des âmes damnés provenant du monde entier. Pourtant, ils ont tous été prévenus : les méchants vont aux enfers. Pourquoi se condamner à une éternité de souffrance...