Une semaine s'est écoulée depuis la soirée de Jérémy. Une semaine s'est écoulée et je n'ai toujours pas dit à Lydie ce à quoi j'ai assisté dans ce fichu garde-manger. Pour être plus précise je ne lui ai même pas dit grand chose ces derniers jours. Le mutisme semblait être la meilleure solution ; de peur de dire la mauvaise chose j'ai préféré parler le moins possible. Ça peut paraitre un peu extrême à première vue, mais il faut savoir que c'est très dur de cacher quelque chose à Lydie Dargaud, non seulement parce que je culpabilise mais aussi et surtout parce que ma meilleure amie à un radar à embrouilles très développé. Elle sent tout de suite quand il y a anguille sous roche. Malheureusement Jérémy semble être l'exception à cette règle. J'espérais qu'au bout d'une semaine il aurait fini par avoir peur que je raconte à Lydie ce qui s'était passsé et qu'il aurait préféré cracher le morceau en premier. Mais apparement j'ai oublié de prendre en compte le fait qu'il s'agit d'un enfoiré. Résultat au lieu de dire la vérité à Lydie aussitôt j'ai attendu, et plus les jours passent plus lui raconter semble une mauvaise idée. Si j'étais certaine que Jérémy avait compris la leçon ce ne serait peut-être pas si grave mais le fait est que je ne préfère pas miser une seconde fois sur sa moralité. Lui dire ou ne pas lui dire ? En réalité la question c'est plutôt quand et comment lui dire, parce que Lydie mérite de savoir. Je n'ai pas le droit de prendre des décisions à sa place même si c'est pour lui éviter de souffrir. Cette conclusion ne me plait pas vraiment, mais repousser ne va pas arranger les choses ...
Mes talons claquent contre le carrelage du lycée alors que mon amie déterminée à me faire cracher le morceau me colle au train. Encore un virage sur la droite puis je tourne brusquement à gauche pour accéder à mon casier me faufilant entre les gars d'un groupe de premières dont les visages me sont vaguement familiers. J'arrive finalement devant la porte d'un bleu foncé écaillé de mon petit casier. Un regard en arrière suffit à me confirmer que Lydie m'a suivi à la trace, elle peut être pire qu'un missile à tête chercheuse quand elle veut. La détermination de Lydie a toujours été une des qualités que je préfère chez elle, déjà en maternelle quand elle voulait quelque chose elle savait faire plier quiconque pourrait lui permettre d'arriver à ses fins. C'est quelque chose de relativement fascinant à observer, mais quand elle utilise ses pouvoirs de Jedi contre moi, j'avoue que ça devient vite flippant.
- Bon Sarah, maintenant que t'as fini de courir partout, tu vas me dire ce qui ne va pas ? me demande-t-elle avec ses magnifiques yeux bleus acier grand ouverts et les sourcils froncés.
Je fais mine de farfouiller dans mon casier, réfléchissant à quels livres me serviront ce week-end. Après m'être délesté de la plupart de mes manuels je lui réponds innocemment :
- Comment ça « ce qui ne va pas » ?
Surtout, parler le moins possible. Après avoir passé des années aux côtés de Lydie je sais que toutes informations que j'aurais le malheur de laisser filtrer pourra être retenu contre moi.
- Arrête Sarah ! Tu commences à me rendre dingue. T'es encore plus cynique que d'habitude et surtout, ça fait des semaines que tu n'es pas venu chez moi ! elle finit par baisser d'un ton avant d'ajouter, tu m'en veux pour quelque chose c'est ça ?
Ses mots me percutent en même temps que le claquement caractéristique du métal contre le métal qui résonne dans la pièce maintenant vide de tout lycéen. Je regarde la porte fermée de mon casier réalisant que malgré tous mes efforts pour ne pas faire de boulettes avec Lydie, j'ai quand même réussi à lui faire de la peine. Décidément je ne comprendrai jamais comment m'y prendre avec les gens. Je connais pourtant bien Lydie. J'aurai mieux fait de lui parler de Jérémy aussitôt, maintenant elle est encore avec ce crétin aux mains trop baladeuses. Après un long silence pesant durant lequel ma meilleure amie semble se refermer sur elle-même, j'essaie de la rassurer :
- Bien-sûr que non Lydie ! J'ai juste beaucoup de choses en tête en ce moment. Mais t'as raison ça fait longtemps qu'on n'a pas passé du temps ensemble en dehors des cours.
- Alors tu viens chez moi ce week-end ? s'enquiert-elle une lueur de soulagement dans son regard.
- Je me disais plutôt qu'on pourrait aller chez moi ce soir, je lui suggère rapidement.
- T'es sûre ? Avec tes parents ?
- Ils sont en week-end je ne sais trop où. En retraite spirituelle je crois.
- Ok, super ! Je vais prévenir Marc que je reste chez toi, me dit Lydie le sourire aux lèvres.
Quelques minutes plus tard nous voilà toutes deux assises dans le bus, en direction de chez moi. Lydie profite du trajet pour reprendre son interrogatoire sur ce qui me prend la tête. Et moi qui croyais l'avoir calmée, j'avais oublié que rien n'échappe à Lydie Dargaud. Je lui donne alors un os à ronger, en lançant vaguement que l'idée de devoir choisir ce que je vais faire l'année prochaine me stresse. Lydie, farouche étudiante professionnelle qu'elle est, mort à l'hameçon et ne le lâche plus. Déblatérant sur comment elle allait m'aider à trouver mes futures études, il suffirait selon elle qu'on s'y plonge une fois arrivées chez moi. Elle continue de me lister tout un tas de sites qui l'ont aidé à trouver le chemin parfait vers la profession de ses rêves. J'acquiesce cherchant nerveusement de quoi occuper mes mains au fond de mes poches, mais je n'y trouve rien pour me détourner de ma culpabilité. Rien. Absolument rien.
- Merde ! Mes clefs ! j'interromps subitement le monologue de Lydie.
La réalisation de ce que cet oubli implique pour moi fait rapidement son chemin dans mon petit cerveau. Pas de clef, pas de parents, pas d'accès à chez moi du week-end. Il semblerait que la même conclusion parvienne à Lydie quelques millisecondes plus tard puisqu'elle s'exclame tout sourire :
- T'en fais pas Scar ! Tu peux rester chez moi ce week-end.
Oh madre mia...
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Sacrés amis, sacré pari !
Novela JuvenilA dix-sept ans, Sarah cherche à comprendre le monde loufoque qui l'entoure. Pourquoi sa meilleure amie Lydie s'accroche-t-elle à un looser au nom d'un concept aussi abstrait que l'amour ? Quelle raison biologique peut bien rendre Marc, le frère de L...