« Bon débarras.» C'est tout ce qui me vient à l'esprit quand je pense à Jérémy. Quand je pense à Lydie par contre, et bien je ne sais plus trop quoi penser. Je monte encore un peu plus de son de la musique qui sort de mes écouteurs et accélère ma foulée dans l'espoir d'arrêter de réfléchir. Les températures chutent de plus en plus au fur et à mesure que l'on se rapproche de la fin de l'année et je commence à regretter d'être sortie courir quand à chaque inspiration que je prends je sens l'air froid me brûler la gorge. Respirer régulièrement devient de moins en moins facile alors que je ne suis partie de chez moi que depuis une dizaine de minutes.
Pour autant je ne suis pas la seule à avoir osé sortir le bout de mon nez (et de mes baskets) dehors. Cette ville n'est jamais vide, même dans mon quartier résidentiel je croise des gens en train de courir ou de faire du vélo. Tant qu'il y a de la lumière il y a des personnes pour parcourir les rues près de chez moi. Et même lorsqu'il n'y a plus de lumière, parfois je croise des personnes en train de courir s'éclairant à la lumière d'une lampe frontale. Ce n'est pas plus mal car malgré les jours qui raccourcissent, je n'ai jamais à m'inquiéter de courir seule ici.
J'ai beau ne pas aimer l'hiver, je me dois de reconnaître que le ciel totalement dépourvu de nuage est magnifique. Il a plu toute la nuit mais en cette fin d'après-midi les nuages ont accepté de laisser place à un ciel d'un joli bleu pervenche. Cette couleur a vite fait de me rappeler celle des yeux de Lydie et de son frère, et avec eux les souvenirs des semaines précédentes jusqu'à plus tôt dans la journée encore. Décidément, ces deux là ne sont vraiment pas de tout repos. Mais ma vie s'apprête sûrement à être bien plus calme puisque Marc va finir par partir faire son semestre à l'étranger et je ne suis pas sûre que sa sœur ne me parle toujours au vue de sa crise quelques heures auparavant.
Je me repasse encore les événements dans ma tête comme si la bobine d'un film s'y déroulait nerveusement. Les mots durs de Lydie me reviennent encore et encore en mémoire. En même temps je revois sa mine défaite derrière toute cette agressivité et je ne peux pas m'empêcher de me faire du souci pour elle. C'est bien la seule que je laisse me traiter ainsi, depuis qu'on se connait ça a toujours été comme ça : elle était celle qui nous poussait en avant et moi celle qui arrondissait les bords quand un conflit surgissait. Aujourd'hui je me demande encore combien de temps cette dynamique va bien pouvoir tenir. Comment je suis censée me comporter demain avec elle ? Je ne sais pas vraiment si j'ai envie de la revoir tout de suite, mais en même temps je ne peux pas imaginer ne plus être amie avec elle. La distance qui s'est installée entre nous ces derniers temps est déjà bien assez difficile à supporter. Rien qu'imaginer ne plus être la bienvenue chez les Dargaud me donne le tournis.
Ce tournis n'est pas que métaphorique puisque dans les seconde qui suivent je perds l'équilibre et m'étale gracieusement sur le sol goudronneux. La boue glacée du trottoir impreigne en un rien de temps le tissu de mon legging et le temps de me relever tant bien que mal je suis déjà transie de froid. Je me dirige en clopinant vers un des arbres qui borde le chemin pour m'y appuyer le temps de constater les dégâts. Il se trouve que mon genou gauche est plutôt bien amoché, je détourne rapidement mon regard du sang qui commence à s'écouler sur les lambeaux pendouillant de mon jogging déchiré. Maintenant que l'adrénaline a reflué je sens une vive douleur irradier dans mon genou qui ne manque pas de me faire serrer les dents. Rien que de penser au long retour qui m'attend je sers un peu plus les dents.
☼
Après quelques tentatives pour me faire parler, mon père abandonne et se décide à allumer la radio de sa vieille Renault Break. En me voyant peiner à descendre les escaliers un peu plus tôt ce matin il eut pitié et me proposa de me déposer au lycée. J'imagine que face à mon mutisme il regrette un peu sa B.A. du jour, mais je n'arrive pas à me résoudre à discuter avec cette boule de stress que je sens comme un poids dans mes entrailles. Ne pas retrouver Lydie devant chez elle n'a fait que retarder le moment fatidique de quelques minutes et maintenant je ne peux m'empêcher d'imaginer le pire. Des images de Lydie ayant monté une campagne de lynchage contre moi font irruption dans mon esprit. Alors que la voiture ralentit pour enfin s'arrêter devant les portes du lycée, je prends une grande inspiration avant de me décider à sortir pour affronter mon amie.
VOUS LISEZ
Sacrés amis, sacré pari !
Novela JuvenilA dix-sept ans, Sarah cherche à comprendre le monde loufoque qui l'entoure. Pourquoi sa meilleure amie Lydie s'accroche-t-elle à un looser au nom d'un concept aussi abstrait que l'amour ? Quelle raison biologique peut bien rendre Marc, le frère de L...