En passant la porte de la maison des Dargaud, j'ai l'impression de remettre les pieds dans un village natal ou une maison de vacances dans laquelle j'aurais passé tous mes étés. Leur demeure c'est un peu ma madeleine de Proust. J'ai passé tellement de temps chez eux qu'une grande partie de mes souvenirs sont liés à cet endroit. C'est vrai qu'éviter d'y retourner n'était sûrement pas la meilleure des idées et je me doutais bien que ça ne pourrait pas durer éternellement. Cependant ces quelques semaines m'ont, je pense, été bénéfiques. Plus de Marc par-ci et Marc par-là, il n'est plus que le frère de ma meilleure amie qui part bientôt à l'étranger.
Lydie me traîne toute excitée vers un des canapés avant de courir chercher on ne sait quoi là-haut . J'observe pour la énième fois ce salon où rien n'a changé en mon absence. Tout est toujours aussi propre, pas un objet en trop. Tout est à sa place dans cette pièce pensée au millimètre près. Je m'enfonce dans le canapé d'angle avant d'attraper le plaid couleur crème que j'aime tant afin de le placer sur mes jambes croisées en tailleur (aka la position du lotus d'après ma mère). Lydie revient à ce moment en faisant claquer ses chaussons licornes dans l'escalier, les bras pleins de brochures de couleurs diverses et variées. C'est ainsi que quelques minutes plus tard je me retrouve ensevelie par les revues et brochures en question pendant que Lydie me mitraille de propositions de formation.
Vingt minutes plus tard, je n'en peux déjà plus. Lydie joue le rôle d'une conseillère d'orientation démoniaque qui essaierait de me tuer à coup d'acronymes farfelus. Je n'ai jamais vraiment aimé l'école mais là c'est pire que tout ; elle me fait un cours sur les études. J'essaie alors de sauver ce qui reste de mon cerveau, une grande partie ayant été réduite en bouillie par ce flot continu supersonique d'informations, en l'interrompant.
- Lydie ! je m'exclame soudainement. Stop ! Stop ! Stop !
- Qu'est-ce qui se passe ? me demande-t-elle surprise en quittant des yeux la brochure bleu foncé qu'elle tient dans les mains.
- Je ne comprends rien à ton charabia.
- C'est simple, Monsieur Cordier nous en a parlé plein de fois ; tu peux aller en MPSI, PCSI, PTSI et surtout n'oublions pas ma préférée : la BCPST.
- Tu veux dire que je peux aller en prépa scientifique quoi ?
- Oui ! On pourrait aller toutes les deux à Clémenceau ! se réjouit-elle. Avec tes notes ça devrait passer, j'espère juste que tes appréciations ne sont pas trop ... s'interrompt-elle un instant le temps de trouver un qualificatif correct. J'espère qu'elles ne sont pas trop négatives. Enfin tu sais tu as tendance à...
- Ne rien faire en cours ? je lui suggère.
- Euh ouais.
Elle est mignonne à vouloir me ménager, mais je sais très bien que je suis loin d'être la chouchoute. En général le fait que j'ai d'excellents résultats malgré mon attitude détachée me rend bien plus agaçante et méprisable aux yeux de nos chers professeurs que le plus perturbateur des élèves. Mais je n'ai jamais vraiment cherché leur approbation et n'ayant pas de projets particuliers en tête, je ne me suis jamais inquiétée de leurs commentaires sur mes bulletins. Au contraire, mon père les gardait bien précieusement pour les ressortir une fois de temps en temps et en rire avec moi. On avait pour habitude de choisir chacun une appréciation avant de demander à ma mère de déterminer qui avait trouvé la pire. En effet, je crois qu'on peut dire que je n'ai pas la plus conventionnelle des familles. Mes parents m'ont toujours laissé très libre de me tourner vers ce que je souhaitais et c'est justement parce que mes résultats sont bons qu'ils ne se font pas de souci.
- Honnêtement Lydie je ne compte pas aller à Clemenceau.
- Pourquoi ? me répond-t-elle sur la défensive. Qu'est-ce que tu as à leur reprocher ? Ils ont un excellent classement, alors si tu te mets enfin à bosser tu décrocheras une très bonne école !
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Sacrés amis, sacré pari !
Novela JuvenilA dix-sept ans, Sarah cherche à comprendre le monde loufoque qui l'entoure. Pourquoi sa meilleure amie Lydie s'accroche-t-elle à un looser au nom d'un concept aussi abstrait que l'amour ? Quelle raison biologique peut bien rendre Marc, le frère de L...