Chapitre 15 : Le Caire, nid d'espions

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- Atchouuuum !

- Tu es fier de toi j'espère ? Sarah est malade à cause de tes bêtises !

Lydie me tend un plaid dans lequel je m'enroule avant de se lever pour aller me chercher une boite de mouchoir. Je rigole doucement en voyant ma meilleure amie faire les gros yeux à son frère. Parfois on se demande qui est le plus vieux des deux. Si Marc ne faisait pas une tête de plus que sa sœur j'aurais de gros doutes quant à qui est l'ainé des Dargaud. Pendant ce temps Marc a mis pause au film et me regarde d'un air désolé.

- C'est rien juste un petit rhume, demain ce sera déjà oublié.

J'essaie de le rassurer avant de rentrer mes pieds au chaud sous le plaid. L'image doit être plutôt comique : d'un côté un grand gaillard en tee-shirt et de l'autre, moi enroulée comme le riz d'un maki dans une feuille d'algue. Lydie interrompt le cours de mes pensées alors qu'elle revient les mouchoirs dans une main et une bouteille de sirop dans l'autre.

- Tiens prend ça : juste une cuillère et demain tu seras comme neuve. Cadeau de la maison.

- T'es sûre Lydie ? je lui demande en regardant son frère qui hausse simplement des épaules, l'air de dire que c'est sans risque.

- Bien-sûr, j'ai vérifié la posologie ! me répond-elle avec la mine vexée qu'elle sait si bien prendre.

J'accepte alors la cuillère à soupe qu'elle me tend avant de la regarder y verser doucement le liquide liquoreux. Une fois le médicament avalé, Marc reprend la lecture du film et nous nous installons tous les trois dans le canapé cette fois sans se disputer. Même Lydie finit par se faire happer par le film, ça fait longtemps que je ne l'ai pas entendu rire comme ça. Entre l'atmosphère détendue, la chaleur qui m'entoure et sûrement aussi le sirop auto-médicamenté je finis par m'endormir le sourire aux lèvres mais la goutte au nez.

J'erre dans une ville qui semble abandonnée. Mes pieds nus brûlent sur le sable chaud alors que je cherche quelle direction prendre. J'ai beau passer d'une ruelle à une autre je suis toujours entourée par les mêmes murs en terre cuite qui semble s'effriter. Soudain j'aperçois enfin une silhouette dont le costume vert kaki se détache sur la couleur ocre environnante.

- Monsieur ! je l'interpelle en me rapprochant de lui.

L'homme se retourne alors un képi à la main et une barbichette sous le nez. Sa petite bouche s'élargit en un large sourire qui rend d'autant plus ridicule le petit carré de poils qu'il arbore fièrement au-dessus de ses lèvres.

- Monsieur ! Savez-vous où je dois aller ? je lui demande sans pouvoir lâcher sa moustache du regard.

- Comment est votre blanquette ?

- Pardon ?

- Votre blanquette. Comment est-elle ?

- Euh ... Je ne sais pas.

Un ange passe alors que nous nous fixons tous les deux du regard. C'est sûrement une énigme et si je réponds correctement il m'aidera à trouver mon chemin ! Mais que dois-je répondre à sa question ? Saignante ? Bien cuite ? Bonne avec des petites carottes du jardin ? Tout ça me rappelle drôlement Alice aux Pays des Merveilles.

- Comment est votre blanquette ?

- Blanche et petite ? je lui propose plus que je ne lui affirme quand soudain quelqu'un me saisit par le bras et force à courir en me criant :

- Cours Scar ! Cours !

Cette fois mon cerveau ne sait comment réagir mais mes muscles eux suivent le mouvement. Et me voilà alors en train de courir derrière Marc qui porte une chemise à fleurs et dont les cheveux blonds sont gominés et tirés en arrière dans un style année 50. Je suis de plus en plus perplexe face à la situation, mais au moins cette fois je vais quelque part. Alors je continue de courir. Et pendant tout ce temps, Marc lui continue de me répéter : « Cours Scar ! Cours ».

Je commence à me demander si courir dans une direction inconnue est finalement mieux que de marcher sans savoir où aller lorsque je suis forcée de m'arrêter brusquement à cause d'un poulet volant dans ma direction. Il me semblait pourtant que les poulets ne volaient pas. Tout prend finalement son sens lorsque Marc prend une posture défensive, s'interposant entre moi et Lydie. Lydie, elle, tient un poulet dans chaque main et me crie dessus :

- Traitresse ! Traitresse !

Un autre poulet vole dans ma direction et je l'esquive de justesse. La pauvre bête, elle, perd quelques plumes à l'atterrissage, celles-ci volettent autour de nous. Les choses deviennent vraiment de plus en plus bizarres.

- Traitresse ! Traitresse ! Comment peux-tu renier la cause scientifique ? Le monde a besoin de nous ! Le monde a besoin d'ordre !

- En garde vile lanceuse de poulet ! lui répond son frère, pendant que je reste au milieu de tout cela, stupéfaite.

- Comment est votre blanquette ? me demande alors le monsieurs à l'uniforme kaki et à la moustache carrée.

Je me réveille en sursaut, mettant fin à ce cauchemar à mon plus grand soulagement. C'est sûrement l'étrangeté de ce rêve qui m'empêche de réaliser aussitôt que je ne suis pas dans mon lit mais dans le canapé de Lydie, dans une position plutôt inconfortable. Je m'étire alors afin de dénouer les muscles de mon dos. Cependant mon mouvement semble entraîner une réponse venant d'en dessous de mon flanc droit. C'est avec un vent de panique que je me retourne brusquement avant de réaliser qu'il s'agit seulement de Marc qui me regarde l'air tout aussi peu réveillé. Il doit sûrement lire l'incompréhension dans mon regard puisqu'il finit par m'expliquer :

- Tu t'es endormie sur moi à peine une demi-heure après que Lydie t'aie fait boire de son sirop.

- Oh. Et ta sœur ?

- Elle est montée se coucher à la fin du premier film. Je pensais que tu te réveillerais avant que j'aille me coucher mais apparemment je me suis endormi aussi.

- Ah. Ok.

Après cet échange gênant, nous nous levons en même temps du canapé et je suis Marc jusque dans leur cuisine. Il me faut moins d'une minute pour avaler un verre de jus d'orange avant de filer à l'anglaise, toujours dans les vêtements que je porte depuis la veille. Marc me regarde attraper mon sac avant de sortir par la porte de devant. De toutes manières Lydie a l'habitude que je parte avant même qu'elle ne se réveille étant donné qu'elle est capable de dormir jusqu'à midi la plupart des week-ends.

Enfin arrivée chez moi, je suis surprise d'apercevoir ma mère dans le patio en train de faire du yoga. Elle me salue en souriant, le tout en gardant la tête en bas, avant de me demander comment s'est passée ma soirée. Je me contente de lui répondre « Comme d'habitude. » avant de prendre à mon tour un tapis et de m'installer à côté d'elle. Elle ne me pose pas plus de questions et je peux ainsi tenter d'étirer mes petits muscles froissés par une nuit dans un canapé de designer. Après une bonne séance je suis enfin assez détendue pour me poser à ma fenêtre et écrire quelques lignes.

Sacrés amis, sacré pari !Où les histoires vivent. Découvrez maintenant