Un coeur derrière son armure

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« Valkyrie, accepte mon duel. »

Debout au milieu des soldats, tous les yeux tournés vers lui, je ne pouvais refuser.

Ivar entra dans le cercle, un bouclier à la main.
Je n'avais de toute façon plus le choix. Il jeta son bouclier.

« Tu es une guerrière talentueuse alors, ne retient pas tes coups. Il eut un léger sourire sur les lèvres. Fais-moi déguster! »

C'était comme si autour de lui se dégageait un aura d'adrénaline communicative. Je sentis immédiatement mon cœur accélérer.
Il enfila son casque, le même qu'il portait dans l'arène le jour précédent.
Sous les aboiements survoltés du public, je jetai mon bouclier avec celui d'Ivar alors qu'il brandit une épée brillante de reflets d'argent. Ce combat n'était pas seulement un duel de force mais aussi une mêlée psychologique. Il me regardait dans les yeux, je pouvais le deviner, bien que son casque m'empêchait de voir son visage.
Ce n'est que quand il prit sa position de combat que je compris à quel guerrier j'avais à faire. Parfaitement équilibré sur ses appuis, son poids était répartit équitablement entre ses deux jambes, avec un léger contrepoids sur sa gauche pour compenser la masse de son épée. Perturbée, je ne vis pas tout de suite qu'il me chargeait déjà. En si peu de temps, son attaque restait complètement maîtrisée. Je n'eus pas le temps de parer que son épée passa à quelques centimètres de mon œil, me tranchant la peau de la joue en surface sans même que je ne m'en rende compte. Paralysée, je ne pus esquisser de contre-attaque. Tous mes membres se mirent à trembler.
Pourtant, au lieu de terminer le combat en me désarmant, il fit deux pas en arrière, comme déséquilibré. Je me tournai vers lui. Son aura avait changé. L'adrénaline avait déserté l'arène, pour ne laisser qu'une atmosphère tendue, indescriptiblement étrange. C'était comme s'il perdait son calme et devenait soudainement essoufflé.
Il sortit du cercle.

« Je me rends. » déclara-t-il en essayant de retrouver son assurance.

Le public semblait surpris, sans pour autant remarquer le comportement singulier d'Ivar.

« J'en ai assez vu. Les combats sont terminés. » conclut-il en mimant un air de confiance en soi.

Tous se dispersèrent dans une déception générale. J'étais plus qu'intriguée.
Il partit en direction des maisons des guerriers, je le suivis discrètement.

***

Je le suivis discrètement. Dans la pénombre de la nuit maintenant bien avancée, la filature se compliquait de plus en plus alors que le coin était complètement désert. Plus nous nous éloignions de la fête, plus ne pas faire de bruit était difficile pour moi. 

Il tourna derrière une case en bois. Je m'approchai silencieusement. Il s'assit sur un banc humide, les coudes posés sur ses genoux, la tête entre les mains. Le brouillard s'épaississait à mesure que je m'approchais. Je me penchai pour mieux voir quand soudain, en m'appuyant sur une branche sèche, celle-ci craqua, brisant le silence.

Il releva la tête.

Je stoppai net ma respiration alors qu'il regardait dans ma direction. Mon cœur battait à tout rompre. La pire chose qu'il pouvait m'arriver en ce moment était qu'il me trouve et devienne agressif. Je l'entendis se lever. Mais par où allait-il partir? Il fallait absolument que je vois où il se dirigeait pour ne pas le croiser. Je pris mon courage à deux mains et passai ma tête vers le mur.
C'est alors que mon visage se décomposa: il n'était plus là.

***

Tout mon corps fut pris de panique. J'avais chaud, puis froid, puis la chaleur reprenait le dessus. A ce moment-là, je me vis clairement mourir de peur, littéralement. Le silence pesant m'étouffait.

Brusquement, mon corps se figea; derrière moi, le souffle chaud d'une respiration me balayait le cou.
Lentement, je me retournai mais Ivar me plaqua contre le mur. Je ne discernait pas son visage toutefois, je sentais les battements violents de son cœur s'accorder avec sa respiration. Coincée entre son bras contracté au niveau de ma tête et son visage à quelques centimètres du mien, je ne savais plus quoi faire. Devais-je crier? Devais-je tenter de fuir? Impossible, l'effroi me tenait entre ses griffes. Dans cette atmosphère oppressante, je ressentait chaque pulsation du corps brûlant d'Ivar.
Tout à coup, deux vikings équipés de torches passèrent dans la rue. Ils riaient grassement, une odeur d'alcool les suivant à la trace. Immédiatement, Ivar plaça son autre main sur ma bouche pour que je ne puisse pas crier. Mais, aussi près que j'étais de son visage, à la lueur des torches passagères, je vis une larme couler le long de sa joue. En fait, ses yeux étaient rouges, et tout son visage semblait trempé.
Il relâcha son étreinte, tremblant, et son corps s'effondra sur moi, sa tête posée de tout son poids sur mon épaule. Il pleurait.

***

Je ne bougeai pas alors que ses larmes coulaient désormais le long de ma poitrine.

« A quoi bon... » gémit-il.

Quelle était encore ce changement d'humeur? Plus je le rencontrais et plus il devenait un étranger pour moi.

« Ivar... » lui dis-je en posant ma main sur son épaule.

Il la saisit et la rejeta immédiatement.

« Pourquoi? Pourquoi les dieux sont-ils si durs avec moi? »

Que voulait-il dire? Toutes mes pensées s'emmêlaient.

« Pourquoi le destin nous a-t-il réuni pour qu'au final tout soit impossible? Il planta son regard dans le mien. Tu ne m'aimes pas, je le vois bien. »

Il s'assit dans un tas de neige qui n'avait pas encore fondu, le torse soulevé par sa respiration saccadée.

Le voir dans cet état mêlait incompréhension et désolation dans ma tête. Mes sentiments pour lui n'étaient effectivement pas clairs, mais le voir comme cela, si affaibli, me blessait profondément.
Je m'assis à ses côtés.

« Le destin est si cruel... » plaisanta-t-il en reniflant.

« S'il te plaît Ivar... Parle moi... »

Ses larmes remontèrent. Il me regarda dans les yeux, de son regard rougi de honte.

« A quoi bon? » me répondit-il.

« Essaye toujours... On ne sais jamais. »

Il se tenait le torse, les doigts plantés dans son haut à s'en arracher la peau.

« Quand on m'a annoncé que j'allais me marier, ma réaction fut tellement violente, pleura-t-il. Je ne pensais pas tomber sur une guerrière comme toi... Tu n'es pas comme toutes les autres mais moi? Je ne suis qu'un pauvre garçon, je n'ai rien de spécial, je comprend que tu ne m'aimes pas. Je suis violent, j'aime le sang, mes frères ne me prennent pas au sérieux, voilà tout. »

Il explosa en sanglots. Je le pris dans mes bras, le calmant quelques instants.

« Je vais demander à ma belle-mère d'annuler le mariage. Tu seras libre à nouveau, c'est la moindre des choses que je puisse t'offrir. »

Il proposait d'annuler le mariage? Sérieusement? C'était une occasion inespérée pour moi. Enfin, je pourrais revoir ma famille, mes amis... Toutefois, étais-ce la bonne solution? Je voyais en ce moment-même une nouvelle face d'Ivar, sa nature profonde. Peut-être n'était-il pas si mal, peut-être que je m'étais trompée sur son compte? Certes, mes sentiments pour lui ne pouvaient pas être comparés à un coup de foudre, mais il n'empêche que le voir comme cela faisait battre mon cœur d'une manière inexplicable.
Tout doucement, je lui glissai ces mots.

« Ivar, tu n'as pas tort, je ne peux pas affirmer sincèrement notre union devant les dieux pour le moment cependant, n'annule pas le mariage. Les raids du printemps et de l'été auront lieu dans peu de temps et briser nos alliances maintenant serait ridicule. Jusqu'à la fin des descentes de cette année, vivons ensemble. Profitons de la vie, couchons ensemble. Si les dieux le veulent bien, avant l'hiver prochain, je te donnerais ma main avec plaisir, et le cas échéant, tu me laisseras repartir dans ma famille et nous vivrons nos vies séparément. »

Sa respiration se calma peu à peu bien qu'il grelottait.

« Laisse-toi une chance. » finis-je par lui déposer à l'oreille avant de partir rejoindre ma maison, le laissant, à contrecœur, seul dans le froid de la nuit.

A story of love and swords - Ivar x readerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant