Chapitre 10

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Les douleurs me réveillent. Je ne sais pas qu'elle heure il est. Je suis prise de violentes douleurs au ventre. Cette fois j'ai envie de vomir. Je me lève et me précipite aux toilettes. Je sens encore quelque chose d'étrange en bas. Je saigne, mais cette fois plus qu'hier.
Mes vomissements réveillent Sauline qui accourt aux toilettes. Quand elle me voit, entre les vomissements et les saignements, elle file prendre ses affaires et elle me dit qu'elle m'emmène aux urgences mais de la clinique cette fois.

Le trajet se fait dans l'angoisse. Qu'est-ce qu'il se passe ? J'ai mal au ventre et j'ai un seau entre les mains. Je vomi quelques fois pendant le trajet. Sauline arrive à la clinique se gare comme elle peut, on sort de la voiture et on rentre aux urgences. Je suis tout de suite prise en charge et je vais voir un gynécologue. Celui-ci me dit qu'effectivement il y a bien une fuite du liquide amniotique à cause d'une fissure.
Cette fois on ne me renvoi pas chez moi, je dois rester à la clinique.
On me met dans une chambre et pendant quelques minutes je suis toute seule. Sauline est allé garer la voiture, et l'équipe médicale n'est pas là.

Tout d'un coup j'entends quelqu'un courir dans les couloirs, c'est Sauline. Elle arrive en trombe dans la chambre. Elle est à bout de souffle.

-Alors, tu as vu un médecin ? Il a dit quoi ?

-J'ai vu un gynécologue, j'ai perdu du liquide amniotique à cause d'une fissure je n'en sais pas plus.

-Mais ça veut dire quoi ?

-Je ne sais pas.

Durant le reste de la journée, des sages-femmes font des allées et venues dans la chambre. Elles viennent aux nouvelles, elles me demandent comment je vais, elles me parlent. Ça me fait du bien, mais en même temps je suis toujours dans l'attente. Les vomissements finissent par se calmer et il semble que je ne perde plus de liquide.
Je passe la journée entière à la clinique. Le personnel médical se succède dans la chambre. Il se veut rassurant, mais au fond de moi je sais que quelque chose ne va pas. Je refoule en moi-même ce sentiment et j'essaie de me persuader que tout va bien et que je pourrais rentrer bientôt à la maison.

Le lendemain, un médecin vient confirmer ma crainte : j'ai de grande chance de perdre le bébé.

Toute la journée je bouge le moins possible, je n'ose même pas me gratter. Je me dis que peut-être si je ne bouge pas le bébé pourra vivre. J'essaie de garder espoir, même si au fond de moi je connais déjà la vérité.

Le jour suivant, le médecin revient, le verdict est sans appel. Il m'explique qu'il y a eu une rupture de la poche des eaux. Comme j'ai perdu beaucoup de liquide amniotique, le bébé n'en a plus suffisamment pour bien finir sa croissance, il va donc mourir. Mais comme le bébé à 5 mois, je dois accoucher. Je n'ai pas le choix. Là je prends conscience que je vais accoucher d'un bébé mort. Mon cœur se brise, mon monde s'effondre. Je demande au médecin s'il n'y a pas d'autres solutions que l'accouchement. Non il n'y en a pas. Je dois accepter d'accoucher.
L'accouchement doit se faire le lendemain. Je vais prendre des médicaments pour le déclencher.

Je me sens vide. Ma tête est vide. C'est le néant. Sauline me tient la main. Elle pleure. Elle ne dit rien, elle ne sait pas quoi dire. Elle a peut-être peur de dire quelque chose qu'il ne faut pas.

Quand on est enceinte on est censé porter la vie, moi je porte la mort. C'est horrible. Chaque minute qui passe rapproche le bébé de la mort. Dans mon ventre un être meurt. Je suis la mort.

-Sauline, je porte la mort. Pourquoi ?

-Angélique

Elle ne chuchote pas, elle souffle mon nom. C'est comme si elle n'avait plus de voix. Elle se remet à pleurer de plus belle et me prend dans ses bras.
Je suis complètement assommée. Je m'en doutais, mais je refusais cette idée. Et voilà que maintenant elle est bien réelle.

AngéliqueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant