Chapitre 3.1

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Dia courut longtemps. Elle filait, à la limite de ses forces, et même la fatigue de ses jambes ne pouvait la ralentir.

La fuyarde atteignit bientôt les premières maisons d'une ville. Les passants la regardaient curieusement, et elle cessa sa cavale éperdue au profit d'une marche rapide plus discrète. Attirer l'attention était bien la dernière chose qu'elle souhaitait. La jeune femme, pourtant, devait se faire violence pour garder une allure normale : tout en elle lui hurlait de s'enfuir à longues foulées, loin de l'horreur, loin de la mort, d'échapper aux regards vides de Théobald et Marylène qu'elle sentait encore posés sur elle. La scène restait figée dans son esprit, peinture indélébile et terriblement détaillée.

Et alors qu'elle avançait tête baissée, la capuche rabattue afin de dissimuler ses traits, Dia tentait de songer à autre chose, à n'importe quoi pourvu que ce fût autre chose. Petit à petit, ses pensées revenaient à des idées plus concrètes.

Dia prenait progressivement conscience de sa situation, à savoir qu'elle était perdue dans une ville inconnue. Elle ignorait comment elle était arrivée là, tout comme elle ignorait où elle se trouvait par rapport à Diluculum. La jeune femme avait l'impression d'avoir parcouru une distance incommensurable, d'autant plus que la position du soleil indiquait qu'il était presque midi. L'aube n'était pas encore là quand elle s'était enfuie. Cela signifiait qu'elle avait couru pendant des heures ! Des heures à cavaler sans relâche au hasard des chemins, s'arrêtant de temps en temps pour reprendre son souffle, mais repartant presque aussitôt, filant à l'aveuglette sans destination en tête, sans rien en tête sinon ces regards morts qui la suivaient, la poursuivaient, encore...

Dia se reprit. Elle ne devait pas laisser son esprit s'égarer sur la pente glissante de ces souvenirs trop frais. Son trouble, déjà, semblait attirer les regards d'un groupe de femmes sous le couvert d'un porche ; à deux doigts de fondre en larmes, la fuyarde s'était arrêtée au beau milieu de la rue.

Un instant, elle songea à leur demander son chemin, mais le chemin pour aller où ? Dia n'avait aucun projet pour la suite, aucune adresse où se rendre. Et puis, elle n'aimait pas leurs regards. Ils étaient inquisiteurs, hostiles presque. Mal à l'aise, elle entreprit d'observer les lieux.

La cité ressemblait de façon cruelle à Diluculum, bien qu'elle parût un peu plus petite ; mais peut-être toutes les villes de Sigice étaient-elles identiques. Qu'en savait-elle, elle qui n'avait jamais connu que la maison de ses maîtres et les quartiers tout autour ? Le seul autre endroit du royaume qu'elle eût pu citer était Lux, la capitale. Il n'y avait pas besoin de plus pour laver le linge et faire la poussière.

Perdue dans cette ville sans nom, Dia passa en revue les choix qui s'offraient à elle. Elle n'en voyait que deux : travailler et mendier. Le deuxième étant impensable – s'abaisser aussi bas ! –, elle n'avait plus qu'à chercher un gagne-pain.

Peu importait, après tout, l'endroit où elle se trouvait. Il ferait aussi bien l'affaire qu'un autre.


Le voyageur n'avait pas prévu d'entrer à Fidelis. Les grandes villes étaient toujours dangereuses, truffées d'Inquisiteurs, et il préférait les éviter chaque fois qu'il le pouvait. Seulement, il n'avait presque plus de provisions pour tenir la semaine de marche qui le séparait encore de son Foyer.

C'est à cause d'Avi.

C'était égoïste de penser cela. Il en rougit de culpabilité. Pourtant, c'était bel et bien Avi qui avait contribué à l'épuisement de ses derniers vivres, par le simple fait d'avoir besoin de manger. Les trois jours qu'ils avaient passés à voyager ensemble avaient considérablement diminué ses provisions.

Pendulum - Les Ombres de la Maître-EspritOù les histoires vivent. Découvrez maintenant